Crise diplomatique entre la France et l’Algérie : que peut faire l’Europe ?

, by Prince Maboussou

Crise diplomatique entre la France et l'Algérie : que peut faire l'Europe ?
« L’Algérie n’est pas à vendre », pancarte anti-française brandie lors d’une manifestation à Alger, le 9 avril 2021 (Riyad Kramdi, AFP)

Ancien département français, l’Algérie a obtenu l’indépendance à l’issue d’un conflit achevé par les accords d’Évian du 18 mars 1962. L’indépendance a été acquise sur le plan politique à travers le référendum d’autodétermination du 1er juillet 1962 par lequel les Algériens se prononcent à 99,72% en faveur de l’indépendance. Il y a toujours eu des tensions entre les deux pays depuis lors. Le dernier en date concerne le dossier malien où Alger envisage de soutenir la Russie.

La crise entre Paris et Alger dure désormais depuis trois semaines. L’affrontement s’est officiellement ouvert sur des questions d’immigration. Il s’agissait d’octroyer des visas aux Algériens après que Paris a décidé de réduire de 50% l’octroi de visas en raison du faible taux de réadmission des ressortissants algériens en situation irrégulière. Comme évoqué préalablement, le sujet le plus sensible est le rôle de l’Algérie au Mali.

Un conflit franco-algérien

L’enfer est pavé de bonnes intentions. Le Président de la République vient de mettre le feu aux poudres en souhaitant tourner la page des querelles mémorielles franco-algériennes. Ce n’est pourtant pas la première fois que les déclarations d’un Président suscitent désamour et méfiance entraînant la clarification de l’Élysée de différents malentendus. Cette fois, Emmanuel Macron a réussi à unir le peuple algérien, contre lui. Que ce soient les partisans du régime et l’opposition. En accordant son soutien à son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune, Macron souhaitait ainsi trouver en lui– élu après la démission d’Abdelaziz Bouteflika en avril 2019 – un allié alors que ce dernier a été élu via un scrutin massivement boycotté.

Le 30 septembre dernier, le chef de l’État Français a déclaré à l’occasion d’un déjeuner avec des « petits-enfants » de la guerre d’Algérie que le pouvoir algérien est basé sur un « système politico-militaire fatigué et très dur » car « construit sur la rente mémorielle ». La réaction n’a pas tardé. Rappel de l’ambassadeur d’Algérie à Paris, interdiction de survol de l’Algérie par les avions français opérant au Sahel. Un diplomate algérien a dénoncé, depuis le Mali, « la faillite mémorielle qui est malheureusement intergénérationnelle chez un certain nombre d’acteurs de la vie politique française, parfois au niveau le plus élevé. » Le quotidien El-Fadjr parle de casus belli quand Le Soir d’Algérie parle de “haine et d’intolérance”. Quinze jours après, la situation s’est empirée au point qu’un scénario est redouté par Paris : le renforcement du rôle de la Russie au Mali. À l’occasion de l’hommage aux victimes du 17 octobre 1961 sur les berges de la Seine, Emmanuel Macron était attendu, tant par ses adversaires nationaux, que par la population algérienne. Il s’agissait en effet d’une manifestation pacifique lourdement réprimée, qui a fait plusieurs morts il y a 60 ans. Beaucoup attendaient que cet évènement soit reconnu comme un crime d’État. Le Président de la République ne les a qualifiés que de « crimes inexcusables pour la République ». Une reconnaissance « en-deçà des attentes », publie France 24.

Une solution européenne

Depuis les années 90, l’Union européenne ne cesse de renforcer son poids sur la scène internationale. La sécurité européenne est une question majeure. En ce sens, l’Union s’est dotée d’outils civils et militaires de gestion de crises. Cette capacité d’intervention permet aujourd’hui à l’Union d’assumer avec succès de nombreuses missions de par le globe. Cependant, ce concept de gestion de crises n’a qu’un volet militaire et belliqueux. Même s’il a acquis, depuis peu, un volet civil, la gestion de crises reste soumise à l’existence d’un conflit armé, et non diplomatique. En l’occurrence, le conflit franco-algérien est diplomatique.

En termes diplomatique, depuis le départ du Royaume-Uni, la France est la principale puissance, seule détentrice d’un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Le continent se trouve sous la protection de l’OTAN. 21 des 27 pays de l’UE en sont membres. Les deux organisations font en sorte de ne pas se concurrencer, la première assure par ailleurs la sécurité de l’ensemble de l’Union selon une alliance d’assistance mutuelle en cas de conflit. L’UE a consacré une réelle politique diplomatique et de défense : la politique étrangère de sécurité commune (PESC). Pour incarner cette action extérieure de l’Union, elle dispose d’un haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Depuis 2019, l’Espagnol Josep Borrell occupe ce rôle. Il exerce la fonction de « chef de la diplomatie européenne ».

Il existe la politique européenne de voisinage. Lancée en 2004, elle vise à soutenir et à favoriser la stabilité, la sécurité et la prospérité dans les pays les plus proches de ses frontières. Au sud, cette politique concerne l’Algérie parmi d’autres pays. La politique européenne de voisinage est régie par le traité de Lisbonne.

Afin de résoudre les différends entre Paris et Alger, il est peut-être nécessaire de suivre la voie du Maroc et de la Tunisie. En clair, ces deux pays disposent d’un statut particulier et des relations particulières avec l’Union. Cela permettrait d’instaurer un arbitre dans ce conflit qui ne cesse pas. À ce jour, la coopération entre l’UE et Alger ne se limite qu’aux questions commerciales avec la zone de libre-échange (ZLE). Aller plus loin avec l’Algérie permettra à l’Union de satisfaire une autre priorité : assurer la stabilité, la démocratie et le développement du Mali et des pays du Sahel et ne pas laisser le terrorisme islamiste se placer aux portes de l’Europe. À ce propos, la chute de Kadhafi et le démantèlement des services de sécurité libyens ont accéléré la prolifération d’armes sur tout le territoire sahélien. Les groupes terroristes suivants : Boko Haram, ISIL/Da’esh, Al-Qaida au Maghreb Islamique, Mujao, Al-Mourabitoun ou Ansar Dine réussissent à s’implanter sur des territoires où les populations jeunes sont fortement touchées par le chômage et la déscolarisation.

Il est temps d’agir, à l’Union de se saisir de ce conflit aux conséquences et enjeux multiples

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