Critique de « Se reposer ou être libre » de Michel Barnier

, par Jean-Guy Giraud

Critique de « Se reposer ou être libre » de Michel Barnier

« Se reposer ou être libre » : tel est le titre, peu évocateur [1], du nouvel ouvrage de M.Michel Barnier qui dresse pourtant un état éclairant de l’Union européenne et qui, surtout, fourmille de propositions précises et constructives pour son avenir.

Dans le contexte du débat pré-électoral, les analyses et le programme d’actions proposés par Michel Barnier tranchent heureusement sur les nombreux essais, le plus souvent à charge de l’Union, beaucoup plus riches en présupposés idéologiques qu’en examen objectif de l’acquis et des potentialités européennes.

Michel Barnier dresse, autour de six grands « chantiers », sa vision d’un « horizon européen à dix, vingt, trente ans » : politique industrielle, politique énergétique, « Continent numérique », politique de la population et de l’immigration, « Europe acteur global » et nouveau socle social. Et il explicite son analyse par « 30 propositions concrètes pour une nouvelle Europe » condensées en 5 pages. Un véritable programme de gouvernement susceptible de ranimer le moral des « Européens honteux » ou fatigués ...

De fait, Michel Barnier adresse ses recommandations à la prochaine Commission qui sera constituée en Novembre 2014 et dont il était, à la date de la publication de son ouvrage, candidat à la présidence.

La dernière page de couverture rappelle sobrement l’exceptionnelle étendue de l’expérience politique nationale et européenne de l’auteur - laquelle, il faut bien le relever, le qualifiait particulièrement pour le poste concerné : député national puis européen, ministre de l’environnement, des affaires européennes, des affaires étrangères puis de l’agriculture et, surtout, membre de la Commission pendant dix ans, chargé successivement de la politique régionale puis du marché intérieur. On sait le rôle déterminant qu’il a notamment joué (et joue encore pour quelques mois) dans l’édification de l’union bancaire européenne au lendemain de la crise financière.

Le lecteur français sera peut-être décontenancé (frustré ?) par l’absence de clivage idéologique et partisan de l’approche de l’auteur. D’autant plus que celle-ci ne saurait d’avantage être qualifiée de technocratique au regard de la clarté et du « sens commun » de son propos.

Un des meilleurs chapitres, le dernier, aborde la question très débattue de« l’Europe sociale » : refusant délibérément de se retrancher derrière les limites strictes des compétences européennes dans ce domaine, Michel Barnier y rappelle les avancées effectuées et affiche un volontarisme et une détermination argumentés, appuyés sur des propositions concrètes et novatrices.

L’analyse de l’auteur aura cependant - aux yeux de certains lecteurs - une faiblesse ou du moins une limite : elle se place « à Traité constant » c’est à dire en excluant toute hypothèse de révision du Traité actuel. On peut y voir la manifestation du syndrome de l’échec du referendum français de 2005 (Michel Barnier, membre actif de la Convention européenne en 2001/2003, était ministre des affaires étrangères et européennes lors de cet échec). Pour ceux qui demeurent persuadés que la réforme et le renforcement de l’UE passent impérativement - et à brève échéance - par un aggiornamento de la loi fondamentale européenne, cette impasse délibérée est décevante.

Dès le 26 mai 2014, les dés démocratiques étant jetés, la répartition des hautes responsabilités au sein des Institutions européennes va s’effectuer - sans doute de façon plus transparente que par le passé. Il faut espérer que cette répartition prenne d’abord en compte l’expérience et les qualités personnelles des « candidats » ainsi que la clarté de leur vision de l’avenir de l’Union européenne : c’est la responsabilité première du Conseil européen et du Parlement européen. De ce point de vue au moins, il est clair que l’auteur de « Se reposer ou être libre » devrait être au tout premier rang des personnalités envisagées pour conduire l’Union européenne au travers des redoutables défis qu’elle devra affronter d’ici 2020.

Notes

[1l’éditeur a tout de même assorti l’ouvrage d’un bandeau plus explicite : « Un choix européen »

Vos commentaires
  • Le 24 avril 2014 à 10:24, par Pauline En réponse à : Critique de « Se reposer ou être libre » de Michel Barnier

    J’apprécie beaucoup votre commentaire de fin, à savoir " il est clair que l’auteur de « Se reposer ou être libre » devrait être au tout premier rang des personnalités envisagées pour conduire l’Union européenne au travers des redoutables défis qu’elle devra affronter d’ici 2020", et je dois dire que je le partage.

    Cependant, les toutes premières pages de l’introduction contiennent les propos suivants : "Nous ne voulons pas être une nation européenne ! Il n’est pas question d’un Etat fédéral qui se substituerait aux Etats-nations ou au régions."

    En tant que fédéraliste, ces quelques mots ont quelque peu ralenti ma lecture, d’autant plus que Michel Barnier n’a pas toujours eu un avis aussi affirmé sur la question du fédéralisme...

    Mais bien évidemment, cela ne remet pas en cause son travail et son engagement pour la construction européenne ! Je me suis seulement demandé si son discours n’avait pas été quelque peu modifié pour mieux correspondre à ses ambitions à la Commission...

  • Le 24 avril 2014 à 21:22, par jfbeauquel En réponse à : Critique de « Se reposer ou être libre » de Michel Barnier

    « Se reposer ou être libre » : tel est le titre, peu évocateur [1]...."

    Si ça ne vous évoque rien, relisez Thucydide...

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