« Deșteaptă-te, române ! » : Histoire du drapeau roumain

, par Paul Brachet

« Deșteaptă-te, române ! » : Histoire du drapeau roumain
Drapeau de la Roumanie, Etat membre de l’Union européenne depuis 2004 et candidat à l’espace Schengen et à la zone euro. crédit : Pixabay

Ce 1er décembre est l’occasion pour l’ensemble de la planète d’ouvrir la première case de leur calendrier de l’Avent. En Roumanie, 1er décembre rime avec la célébration du Ziua Marii Uniri, Jour de la Grande Union en roumain, fête nationale de la Roumanie. Ce jour commémore l’union des provinces de Bessarabie (actuelle Moldavie), de Bucovine et de Transylvanie avec la “petite Roumanie” de 1918 alors composée des provinces moldave et valaque. Cette union se retrouve encore aujourd’hui sur les symboles de la République, son blason mais également son drapeau.

Un drapeau célébrant l’Union des provinces roumaines

Le drapeau roumain est composé de trois bandes tricolores verticales, successivement, bleue, jaune et rouge. Le drapeau date de la renaissance culturelle roumaine, un mouvement culturel et politique du XIXème siècle, période des nationalismes. La bannière fut brandie contre les puissances tutélaires, notamment autrichienne, ottomane et russe. Les bandes étaient alors disposées à l’horizontale mais conservaient les trois couleurs du drapeau actuel. Ces trois couleurs représentent respectivement la liberté par le bleu du ciel, la prospérité par le jaune du blé et de l’or, et la fraternité par le rouge du sang. De plus, les couleurs faisaient référence aux couleurs historiques des provinces de Valachie, de Moldavie, qui s’unirent en 1859 pour former le Royaume de Roumanie, ainsi que celle de Transylvanie, alors sous administration hongroise.

Le nouveau royaume de Roumanie souhaite par l’adoption de la bannière tricolore -qui devient, par son officialisation, verticale notamment sous l’influence de la France- afficher ses ambitions : rassembler sous un même drapeau l’ensemble des roumanophones. Or, ceux-ci ne sont pas uniquement présent dans les régions de valachie-moldavie, des roumanophones vivent en majorité dans la province russe de Bessarabie (actuelle République de Moldavie) et partagent les montagnes transylvaniennes avec les magyares, alors rattachées au Royaume de Hongrie, Transylvanie qui partage malgré tout les couleurs bleu, jaune et rouge du drapeau roumain.

C’est en 1918, suite à la Première Guerre mondiale, que la Roumanie se saisit de la Transylvanie hongroise. En 1919, par les Traités de Paris, la Roumanie légalise la situation de la Transylvanie au sein du Royaume roumain et annexe la province bessarabienne. L’Union des Roumains est proclamée et devient alors le jour de fête nationale. L’Union des Roumains se fait largement puisque le Royaume de Roumanie obtient l’ensemble des territoires peuplés par des roumanophones, même si ces territoires ne sont peuplés que par une minorité de locuteurs. Ce fut ainsi le cas de la Dobroudja méridionale, peuplée à majorité de bulgares et de turcs, ou du “Székelyföld”, le cœur de la Transylvanie peuplée, encore aujourd’hui, à majorité de Hongrois. Les emblèmes de ces peuples, et notamment leur drapeau, sont interdits et le drapeau roumain est hissé partout sur les territoires désormais roumains.

Une instrumentalisation du symbole national par Ceaușescu

La Seconde Guerre mondiale laisse derrière elle une Europe divisée : une “Europe de l’Ouest” démocratique, libérale et capitaliste et une “Europe de l’Est” totalitaitaire, communiste et sous occupation soviétique. Cette situation n’épargne pas la Roumanie qui se voit forcer de restituer la Dobroudja méridionale à la désormais République populaire de Bulgarie et la Bessarabie au “Grand frère soviétique”, l’URSS, la province devient alors “République socialiste soviétique de Moldavie”. La Roumanie quant à elle devient une “République populaire” et adopte un drapeau tricolore avec un blason communiste : des forêts prospères aportant progrès et énergie. Le tout encerclé par des épis de blé et les initiales “R.P.R.” pour “République populaire de Roumanie”.

Drapeau de la République populaire de Roumanie (1948-1952)
Drapeau de la République populaire de Roumanie (1948-1952)
Domaine public

Ce nouveau drapeau est le signe d’une période de totalitarisme soviétique en Roumanie, qui s’emplifiera par l’arrivée d’un président avide de pouvoir : Nicolae Ceaușescu. Il arrive au pouvoir en 1967 et impose un régime despotique. Tout d’abord, son clan proclame la République socialiste de Roumanie et modifie sa constitution. Le drapeau y est également modifié, une étoile rouge est ajoutée et les mots “Republica Socialistă România” y sont explicités en lieu et place des initiales “R. P. R.”. Ces deux symboles permettent une ligne claire : nationalisme et socialisme ne s’opposent plus pour Ceaușescu. Dans les faits, les minorités sont persécutées, minorités “de classe”, comme les petits propriétaires ou les paysans ruraux, mais également les minorités nationales comme les magyares et les Allemands de Transylvanie ou les populations roms du pays. Ceaușescu installe la terreur dans son pays comme il installe une réelle dynastie en lieu et place du traditionnel appareil du Parti communiste roumain.

Un retour à la démocratie, un retour du drapeau “simplement” tricolore

La période Ceaușescu dura vingt-deux ans. En 1989, le bloc de l’Est s’effrite. Une révolution se déclenche en Roumanie, les révolutionnaires ont un but : le retour à la démocratie. Les emblèmes communistes sont arrachés des drapeaux à coup de ciseaux. Les révolutionnaires brandissent des drapeaux troués comme des symboles du changement. Ceaușescu tente désespérément de fuir son pays, et notamment sa capitale. Il est arrêté puis fusillé dans une caserne militaire de Bucarest.

La même année, la démocratie est proclamée par la mise en place d’une constitution démocratique et libérale. Cette constitution prend modèle sur les textes français et allemand et officialise le retour du drapeau simplement tricolore bleu-jaune-rouge. Deux ans plus tard, la Moldavie nouvellement indépendante s’inspire du drapeau roumain pour créer son propre étendard. Le drapeau est également doté d’une fête, le Jour du drapeau, qui prend place tout les 26 mai, jour qui en 1848 fut choisi par le gouvernement de Valachie pour se doter du drapeau tricolore.

Aujourd’hui, le drapeau est considéré comme un acquis. Il est symbole de la nation roumaine, mais également de la République roumaine. Cette double signification permet d’une part aux roumanophones des deux côtés du fleuve Prout de se considérer comme peuple, et d’autre part aux minorités nationales de Roumanie, notamment Magyare et Roms, de se sentir citoyens de la bannière tricolore.

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