Depuis la Macédoine du Nord, le voyage en Europe est très long

, par Martin Laprovitera

Depuis la Macédoine du Nord, le voyage en Europe est très long
Statue d’Alexandre le Grand à Skopje, élément de polémique entre la Macédoine du Nord et la Grèce

Le Conseil européen de Thessalonique en 2003 a identifié l’Albanie et la Macédoine du Nord comme deux candidats potentiels pour devenir États membres de l’Union européenne. Dans le cadre de son processus d’élargissement, l’Union européenne a élaboré le fameux Accord de stabilisation et d’association qui a pour but la facilitation de l’adhésion des pays des Balkans occidentaux à travers une liste d’objectifs à atteindre. La Macédoine du Nord, appelée “ancienne République yougoslave de Macédoine” à l’époque, a signé l’accord en 2004. L’Albanie l’a fait ensuite en 2009. Nonobstant ces développements, leurs procédures d’adhésion se sont gelées pendant les années suivantes et jusqu’à aujourd’hui les deux pays demeurent dans la liste d’attente. Cependant, au cours des deux dernières semaines, une série d’événements ont entraîné un relancement de ce propos.

Balkans occidentaux, région prioritaire… mais quelle approche ?

Le 4 mai dernier, Euronews a expliqué que la Commission européenne pourrait recommander la tenue de la première conférence intergouvernementale pour avancer dans les négociations d’adhésion de l’Albanie. Ainsi, l’ancien Premier ministre albanais Ditmir Bushati, déclarait à la chaîne européenne que “nous sommes tous [en Albanie] dans l’attente d’une décision claire du Conseil européen, pour approuver les premiers cadres de négociation”.

Suite à ce possible avancement pour l’Albanie, les autorités en Macédoine du Nord ont manifesté leur inquiétude en vue de leur procédure d’adhésion : “Le cas de la Macédoine du Nord est le test de crédibilité de l’Union européenne dans les Balkans occidentaux : l’UE tiendra-t-elle ses promesses ?” a questionné le délégué nord-macédonien aux affaires européennes, Nikola Dimitrov.

Les Balkans occidentaux représentent une région très importante pour l’Union européenne, notamment puisqu’ils se situent dans l’espace géographique européen. Dans cette perspective, Josep Borrell a souligné, lors du dernier Conseil des affaires étrangères le 10 mai passé, l’importance géostratégique de cette région pour l’Union européenne - mais aussi que l’engagement à son égard doit être “clair et visible”.

Le Haut représentant a également insisté à l’issue du Conseil : “pendant nos discussions, nous étions d’accord sur la nécessité d’accélérer les réformes exigées par l’Union européenne dans les Balkans occidentaux, et de renforcer une narrative positive et constructive. Nous avons besoin d’avancer sur la procédure d’adhésion de l’Albanie et de la Macédoine du Nord.” Josep Borrell s’est aussi prononcé à propos des rumeurs d’avancement sur le dossier albanais, “et au fait, nous n’avons jamais eu l’intention de découpler les deux pays dans le processus d’adhésion”. Cela signifie, par conséquent, que les autorités de l’Union européenne veulent faire avancer l’adhésion des deux pays dans le cadre du même processus. Ce qui veut dire que tout retard de l’un des deux implique le même retard pour l’autre.

Accepterons-nous la Macédoine du Nord telle qu’elle est ?

Un jour après le Conseil des affaires étrangères, Josep Borrell s’est réuni à Bruxelles avec Zoran Zaev, le Premier ministre de la Macédoine du Nord. À cette occasion et malgré l’appel à une narrative “positive”, Zaev a profité pour exprimer clairement sa volonté d’accélérer le processus d’adhésion : “Nous ne voulons plus attendre, nous voulons avancer, parce qu’avancer c’est la façon européenne de faire les choses (...). Nous ne demandons que ce que nous méritons, et ça c’est de tenir la première conférence intergouvernementale dès que possible”.

Mais est-ce que la Macédoine du Nord remplit les conditions établies par l’Union européenne ? Le Conseil de l’Union européenne s’est prononcé à cet égard le 25 mars 2020, déclarant que ce pays avait accompli des résultats concrets, en satisfaisant les conditions établies par le Conseil de 2018 pour l’ouverture des négociations : ils ont conclu sur la nécessité de tenir la première conférence intergouvernementale dès que possible. Le Conseil a donc recommandé à la Commission de déterminer un cadre pour ces négociations, mais cela n’a jamais été fait : la procédure d’adhésion dépend également de la volonté des membres du Conseil européen, c’est-à-dire, des Chefs d’État et donc des États membres de l’Union européenne.

Or, la Macédoine du Nord a traversé diverses “problématiques” liées à des éléments constitutifs de son identité nationale : le nom du pays et sa langue officielle sont contestés par la Grèce et la Bulgarie respectivement. A la suite de son controversé changement de nom afin d’éviter des discussions supplémentaires avec la Grèce sur la “question de la Macédoine”, c’est la Bulgarie et la reconnaissance de la langue macédonienne qui bloquent à nouveau, à partir de novembre 2020 , les discussions sur une potentielle adhésion.

La Bulgarie soutient que le macédonien est un dialecte dérivé de la langue bulgare. Pour cette raison, ils exigent que la documentation officielle de l’Union européenne évite de mentionner le macédonien en qualité de langue, qui, dans le cas d’une éventuelle adhésion du pays au bloc européen, deviendrait une langue officielle de l’Union européenne (en tant que langue officielle de la Macédoine du Nord).

Les questions culturelles et nationales dans les Balkans sont très sensibles. La construction des États-nations dans cette région s’est produite très récemment et, dans certains cas, à l’issue d’une guerre meurtrière. La Macédoine du Nord sera-t-elle prête à abandonner un autre symbole de son identité nationale pour accéder finalement à l’Union européenne et “avancer” tel comme son Premier ministre annonçait ? Zaev a fini son message en s’adressant directement à l’Union européenne : “Le progrès [des négociations] pour la Macédoine du Nord serait un message d’encouragement pour toute la région [des Balkans occidentaux]. Une régression, serait un message de déconcertement pour toute la région.” Pour l’instant, l’adhésion de la Macédoine du Nord à l’Union européenne ne demeure que dans une perspective à très long terme.

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