Détenu depuis plusieurs mois
Sergueï Tikhanovski est un youtubeur bélarusse âgé de 43 ans. Sur sa chaîne “Страна Для Жизни” (Un Pays pour la vie), il mettait en avant les biélorusses qui contribuaient à améliorer la situation du pays et discutait des problèmes de la nation. Ce sont ses abonnés, aujourd’hui plus de 300.000, qui lui ont conseillé de se présenter aux élections présidentielles d’août 2020. Mais après une première arrestation le 9 mai 2020, c’est son épouse Svetlana Tikhanovskaïa, qui a repris la tête de la campagne.
Libéré le 20 mai, il est de nouveau arrêté neuf jours plus tard, dans la ville de Hrodna, au nord-ouest du pays, alors qu’il récolte des signatures pour la candidature de sa femme. Amnesty International alerte alors sur l’illégalité de cette arrestation et considère Sergueï Tikhanovski et huit autres détenus, comme des prisonniers politiques ayant été arrêtés “pour avoir exercé leurs droits humains”.
Jugés depuis le mois de juin dans un procès à huis clos, Sergeï Tikhanovski et les autres accusés ne pouvaient pas compter sur leurs avocats, qui ont reçu l’interdiction de s’exprimer sous peine de perdre leur droit d’exercer. En conséquence, le youtuber contestataire a été écroué pour “trouble à l’ordre public” , “incitation à la haine dans la société”, “obstruction à la Commission électorale” et “organisation de troubles massifs".
Une manière pour Loukachenko de se venger ?
Les cinq autres accusés ont aussi écopé de peines extrêmement sévères. Mikola Statkevitch, président du parti social-démocrate bélarusse et grande figure de l’opposition, arrêté à plusieurs reprises, a été condamné à 14 ans de prison. Artiom Sakov et Dmitri Popov, qui travaillaient pour M. Tikhanovski, ont été condamnés à 16 ans de prison. Tandis que Vladimir Tsyganovitch, un autre youtubeur ouvertement hostile à Loukachenko et Igor Lossik, journaliste d’opposition, ont tous deux été condamnés à 15 ans de prison.
Cependant, le fait que le mari du visage de l’opposition bélarusse reçoive la peine la plus lourde n’est pas anodin. C’est d’ailleurs ce que laisse entendre Svetlana Tikhanovskaïa qui, une fois le verdict tombé, a vivement réagit sur Twitter : “Mon mari, Sergueï Tikhanovski, est condamné à 18 ans d’emprisonnement. Le dictateur [Alexandre Loukachenko] se venge publiquement de ses opposants les plus forts”.
Le terme de vengeance ne pouvait pas être mieux choisi car c’est bien depuis l’apparition de Svetlana Tikhanovskaya que tremble le siège du président Alexandre Loukachenko. Alors qu’il est au pouvoir depuis 1994, cette ex-professeure d’anglais revendique avoir remporté les dernières élections présidentielles d’août 2020. Depuis cette date, les manifestations contre le gouvernement font rage et le pays est entré dans un mouvement de révolte sans précédent. Il est probable qu’au travers de son mari, ce soit l’égérie de l’opposition bielorrusse que la justice condamne.
Une réponse insuffisante de l’Union européenne
Dans une déclaration de Peter Stano, porte-parole du chef de la diplomatie européenne, l’Union a qualifié ces condamnations de "nouveaux exemples d’accusations infondées contre des citoyens biélorusses qui ont exercé leur droit d’expression et réclamé des élections libres et équitables”. Ainsi, elle a demandé “une libération immédiate et inconditionnelle [des 920] prisonniers politiques” recensés en Biélorussie et s’est également dite “déterminée à envisager de nouvelles sanctions” contre Minsk.
Svetlana Tikhanovskaïa, réfugiée en Lituanie depuis l’été 2020, sillonne le monde à la recherche de soutiens “pour accroître la pression sur le président biélorusse”. Le 24 novembre dernier, elle était au Parlement européen de Strasbourg pour demander aux eurodéputés de faire “beaucoup plus” pour contrer le régime de Loukachenko. Dans un entretien accordé à RFI, elle déclarait : "Le fait qu’il y ait encore autant de détenus politiques en prison montre que la pression exercée par les Européens sur le régime biélorusse est insuffisante."
Parmi ses requêtes, “plus de soutien pour la société civile” ; citant les milliers de biélorusses ayant fui leurs pays, la fermeture des médias et la suspension des programmes humanitaires, comme autant de causes nécessitant une intervention européenne. Elle demandait également des sanctions économiques plus dures et un jugement devant "des Cours internationales" pour celui qu’elle nomme le "criminel au pouvoir".
Suivre les commentaires : |