Le symbole du droit de vote
Le droit de vote a une symbolique particulière. Il permet tout d’abord à un citoyen de décider des personnes qui vont édicter des normes sur le territoire sur lequel il vit. Au-delà de cela, il lui permet surtout de s’impliquer dans la vie de la cité. Le citoyen sera concerné par les campagnes électorales et inclus dans les débats qui animent le territoire le temps d’une élection. Le sentiment d’appartenance à la communauté vivant sur un même territoire a donc plus de chance de se développer chez lui.
Au contraire, si une personne n’a pas le droit de vote sur le territoire sur lequel elle vit, elle se sentira moins concernée par les débats et pourra même se sentir exclue. Le repli sur soir et/ou le repli communautariste a plus de risque d’arriver dans cette situation. Les étrangers qui payent les mêmes impôts, les mêmes taxes que les autres, peuvent ressentir une injustice à ne pas pouvoir exprimer leur avis sur le montant de ceux-ci ou la manière dont ils seront utilisés. Plus longtemps la personne aura résidé sur le même territoire et plus le sentiment d’injustice sera susceptible d’augmenter.
La déconnexion entre le vote et la résidence
Ce qui justifie, en France, cette différence de traitement est la nationalité. Celle-ci permet d’obtenir le droit de vote, indépendamment de la résidence sur le territoire. Ainsi, des Français partis vivre à l’étranger de manière permanente peuvent toujours voter pour les élections nationales. En revanche, les étrangers qui vivent en France depuis de nombreuses années mais qui n’ont pas été naturalisés, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas obtenu la nationalité française, ne peuvent pas voter en France.
De même, un Français résidant dans une ville depuis quelques mois, peut voter aux élections municipales s’il a effectué le changement à temps sur les listes électorales. Un étranger vivant dans la même ville depuis plusieurs années, lui, ne pourra pas voter pour les mêmes élections. La résidence n’est donc pas un critère décisif pour le droit de vote en France et passe bien après le critère de la nationalité.
Pourtant, ce qui permet à des personnes de cohabiter sur un même territoire n’est pas uniquement la nationalité, puisque des étrangers vivent sur ce territoire, mais aussi et surtout un contrat social. C’est une sorte de contrat tacite qui implique que des individus se soumettent aux normes qui s’imposent sur ce territoire. Il existe plusieurs types de normes, issues des pouvoirs publics ou de la société. Les premières s’imposent à tout le monde, sous peine de sanctions. Les deuxièmes dépendent du sentiment d’appartenance à la société. Elles peuvent être plus ou moins strictes selon les sociétés, mais n’empêchent pas forcément la diversité. Plus une personne à un sentiment d’appartenance développé à la société dans laquelle elle évolue, plus elle respectera ses normes sociétales. Lorsqu’une personne se sent au contraire exclue de la société, elle sera moins encline à faire des efforts pour respecter ses mêmes normes sociétales. Cela peut être le cas des étrangers résidant en France depuis une certaine période, sans bénéficier du droit de vote. Exclus de la vie politique, ils peuvent s’exclure eux-mêmes de la vie en société.
La nation, censée unir un peuple, est donc plus forte en France que le contrat social, qui est censé unir des personnes résidant sur un même territoire. C’est un choix de société qui peut être contesté. En Europe, tous les pays n’ont pas effectué le même choix.
Tour d’Europe
Il existe plusieurs situations en Europe pour le droit de vote aux élections municipales. En Irlande, les étrangers bénéficient du droit de vote aux élections depuis 1963. La loi électorale a même supprimé l’exigence de résidence depuis au moins 6 mois. La société irlandaise n’a pas pâti de ce droit. Au contraire, le communautarisme se fait moins sentir. Une dizaine de pays octroient le droit de vote aux étrangers à condition qu’ils aient résidé un certain temps sur leur territoire. C’est le cas pour le Danemark, la Suède, l’Estonie et la Slovénie par exemple. L’Espagne et le Portugal, quant à eux, accordent ce droit à condition de réciprocité et d’une certaine durée de résidence. Le Royaume-Uni a accordé ce droit uniquement à ceux qui ont la nationalité d’un Etat du Commonwealth.
Sur le plan des élections locales autres que municipales, seuls le Danemark et la Suède autorisent les étrangers à voter et à être élus.
Un choix de société
Il existe donc une multitude de contours à la citoyenneté. Nous devons nous détacher des traditions et des passions qui polluent le débat pour décider quels contours nous voulons donner à la citoyenneté et qui permettront d’améliorer la société dans laquelle nous vivons. Plusieurs possibilités s’offrent à nous. Nous pouvons continuer à faire primer la nationalité sur le contrat social, au risque de renforcer le communautarisme et l’exclusion. Nous pouvons également choisir de délier la citoyenneté de la nationalité, pour la relier uniquement à la résidence. Le contrat social serait ainsi supérieur à la nationalité.
Ces deux possibilités ne sont pas les seules. Entre les deux, nous pouvons faire persister le critère de nationalité, mais la résidence durant un certain laps de temps pourrait permettre d’obtenir le droit de vote. Ces possibilités ne doivent pas être écartées d’un revers de la main car l’actualité tire plus la couverture sur la sécurité. La passion ne doit pas l’emporter sur la raison. L’inclusion de personnes voulant vivre sur un même territoire relève du bon sens, les modalités, elles, peuvent être débattues.
1. Le 2 mars 2016 à 09:47, par Courouve En réponse à : Droit de vote des étrangers : Pour les fédéralistes, nationalité ne doit pas rimer avec citoyenneté
Depuis que l’on a supprimé le suffrage censitaire, payer des impôts (ou non) ne donne (ni n’enlève) aucun droit de vote.
Par ailleurs il est juridiquement déplacé d’invoquer une exigence d’égalité entre étrangers ressortissants de l’Union Européenne et étrangers hors U.E., sauf à nier toute la logique de la construction d’un droit européen et tout l’esprit de cette U. E..
Ce vote des ressortissants d’ États hors U. E. n’aurait été une mesure de justice que si les distinctions Français / citoyens de l’Union Européenne / étrangers n’étaient pas fondées, en droit interne comme en droit international. Or ces distinctions sont parfaitement fondées, légitimes et constitutionnelles. La qualité d’électeur exprime en effet non seulement la citoyenneté française individuelle mais aussi la souveraineté nationale.
Comment justifier aux yeux des Français, auxquels on a fait approuver par le référendum du 20 septembre 1992 ce Traité de Maastricht de 1992, que cette exigence de réciprocité, légitimement exprimée pour les ressortissants des 15 États alors membres de l’U. E. (aujourd’hui pour les 28), exigence inscrite dans notre Constitution à l’article 88-3, pourrait être abandonnée, sans autre forme de procès, dans le cas d’immigrés hors U. E., et en majorité ressortissants de nombreux États (pas tous amis de la France) en dehors du continent européen ?
2. Le 2 mars 2016 à 21:14, par Lame En réponse à : Droit de vote des étrangers : Pour les fédéralistes, citoyenneté ne doit pas rimer avec nationalité
En France, comme dans la majorité des pays du monde, le droit de vote est attribué aux citoyens et eux seul en vertu de l’attribution de la souveraineté nationale au Peuple français (démocratie), ni plus (sociocratie), ni moins (démocratie censitaire).
Les résidants étrangers insatisfaits de leur situation peuvent toujours émigrés. Ceux qui choisissent de rester obtiendront le droit de vote en se faisant naturaliser.
En sus, avant de reprocher à la République française de faire comme la majorité des Etats, on devrait se demander combien de résidants étrangers réclament effectivement le droit de vote ... ou accepteraient le droit de vote des étrangers dans leur propre pays.
3. Le 6 avril 2016 à 06:54, par Curtis Futuremann En réponse à : Droit de vote des étrangers : Pour les fédéralistes, citoyenneté ne doit pas rimer avec nationalité
Allez expliquer aux citoyens de la République française que des extra-européens auront le droit de vote en France alors que les français qui se sont expatriés en Nouvelle-Calédonie après les accords de Nouméa n’y ont pas le droit de vote.
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