On connaît enfin l’issu d’un des plus grands projets juridiques de niveau européen de ces dernières années. L’adhésion de l’Union européenne ne se fera malheureusement pas dans les prochains mois. Fruit d’une longue négociation entre les Etats membres de l’Union européenne et ceux du Conseil de l’Europe [1] visant à faire de l’Union la 48e partie à cette Convention unique en son genre.
Entrée en vigueur en 1953, la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) rassemble aujourd’hui 47 membres dont les 28 Etats membres de l’Union européenne et permet à toute personne qui estime avoir subi une violation de ses droits par un État de porter son affaire devant la Cour européenne des droits de l’Homme. S’il existe des conventions similaires sur les continents africain et américain, elle est l’instrument le plus poussée en la matière et les arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme font souvent grand bruit dans la presse européenne.
L’intérêt de cette adhésion est alors important dans un contexte où une grande partie du droit des Etats membres est en fait issu du droit européen. L’Union européenne n’étant cependant pas signataire de cette convention, les citoyens européens ne peuvent jusqu’à présent pas saisir la « Cour de Strasbourg » lorsque les institutions violent leur droit. Cette adhésion permettrait alors de renforcer la protection des droits de l’Homme dans l’Union européenne en confiant la protection de ces droits à une juridiction aguerrie.
Des juges européens intransigeants
L’avis de la Cour met donc un frein au processus. Celle-ci n’en est toutefois pas à son premier coup d’essai. En 1996, la Cour avait déjà rendu un avis similaire en ce sens. Cela avait conduit à de nombreuses précautions dans la rédaction du nouveau projet et avait engendré des modifications des textes fondateurs, la CEDH d’un coté et les traités européens de l’autre.
Cela n’aura cependant pas suffit. Dans son avis négatif, la Cour estime que le projet ne respecte pas les spécificités de l’Union européenne et de son droit. Ainsi, une telle adhésion conduirait à dénaturer ce droit et à porter atteinte à la compétence de la Cour de Luxembourg. Elle redoute en effet que ce projet lui vole le monopole de l’interprétation du droit de l’Union européenne et conduirait à terme à la marginaliser.
Il est cependant dommage que la juridiction européenne ne se place que du point de vue de l’Union - dans une attitude qu’on pourrait qualifier de jalousie - et réduise ainsi à néant tout les efforts entrepris jusque-là. Les 28 s’étaient en outre accordés pour soutenir ce projet.
Qui nous a dit que nos partenaires membres du Conseil de l’Europe ne seront pas froissés par la désinvolture de la Cour face à un projet qui a mis des années à mûrir et ne mettront pas fin aux négociations par lassitude ?
Un mariage entre les « deux Europes »
L’adhésion de l’Union européenne à la CEDH, au-delà du simple aspect juridique, aurait permis de renforcer la collaboration entre les deux principales organisations européennes et de sceller un partenariat entre celles-ci. Elles agissent en effet au sein de sphères d’activité qui ont de plus en plus tendance à se confondre, comme c’est le cas en matière de droits de l’Homme. Si l’Union européenne a été plus loin dans le processus d’intégration de ses membres, le Conseil de l’Europe permet de rassembler les membres de la grande Europe et est souvent considéré comme un forum de discussion au niveau européen. Pendant le début de la crise ukrainienne, le Conseil de l’Europe a par exemple été le théâtre des tensions entre les représentants russes et ukrainiens tout en permettant aux deux parties de garder des contacts diplomatiques.
On ne peut qu’espérer que les négociateurs se remettent au travail et puissent enfin concrétiser cette union entre les « deux Europes » dans un nouveau projet.
1. Le 18 janvier 2015 à 11:49, par Joan Ruiz i Solanes En réponse à : Échec et mat : l’adhésion de l’Union à la Convention européenne des droits de l’Homme retoquée
Si les spécificités du droit de l’Union Européenne ne peuvent pas être compatibles avec la Convention Européenne des Droits de l’Homme, alors c’est sans aucun doute que les spécificités du droit de l’UE sont erronés et injustes.
Bien sûr, je le sais, je ne viens pas d’énoncer une nouveauté, mais une évidence . . .
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