Élection présidentielle en Autriche : après l’Empire, la pire des déchirures

, par Geoffrey Lopes

Élection présidentielle en Autriche : après l'Empire, la pire des déchirures
Après cette élection présidentielle, la société autrichienne est profondément divisée. Une division qui pourrait également se ressentir au Parlement, où la Grand coalition est remise en cause, et ce malgré l’élection récente d’un nouveau chancelier, Christian Kern (SPÖ). - GabianSpirit (CC/Flickr)

Rarement une société n’aura concentré d’aussi forts clivages. Le second tour de l’élection présidentielle autrichienne révèle la polarisation socio-économique, démographique ou encore géographique du pays. L’Autriche se trouve découpé en deux camps au moins, l’un soutenu par l’extrême droite et l’autre par les écologistes. Une fracture profonde et durable qui préfigure voir même symbolise l’Europe électorale d’aujourd’hui.

La perfection des symphonies de Mozart tranche avec la décomposition de l’électorat autrichien. Après le second tour de l’élection présidentielle, ce pays d’un peu plus de huit millions d’habitants se retrouve écartelé entre deux candidats départagés par 31 000 voix seulement. On trouve d’un côté le favori d’extrême droite, Norbert Hofer, soutenu par le FPÖ créé après la Seconde Guerre mondiale par d’anciens nazis. En face Alexander Van der Bellen, challenger surprise, défend sans l’avouer expressément les couleurs du front républicain sous la bannière verte du parti écologiste.

L’Autriche recompte ses voix et surtout ses divisions

Tout oppose les deux candidats : Norbert Hofer, ingénieur aéronautique, a 45 ans et arrive d’une zone rurale frontalière de la Slovénie ; Alexander Van der Bellen, économiste, en a 72 et vient de Vienne. Le premier incarne le changement, le repli identitaire, le rejet des élites et des migrants. Le second illustre le rempart contre l’extrémisme et prône la libre circulation des personnes et la mondialisation économique. L’Autriche hésite entre deux modes de vie dissonants qui confrontent les classes d’âge, les catégories socio professionnelles, les niveaux d’étude et même les genres.

Une franche majorité des hommes a voté pour le candidat d’extrême droite. À l’inverse, les femmes ont plébiscité le candidat des Verts. Une proportion massive rarement atteinte dans des élections aussi indécises.

La fracture entre les genres rejoint un fossé plus béant encore. Entre les villes et les campagnes, l’électorat autrichien s’écharpe. Seuls deux Länder (régions) sur neuf, celui de Vienne et le Vorarlberg, ont donné la majorité au Vert Alexander Van der Bellen. Le gouffre frappe les esprits dans le Land de naissance de son adversaire d’extrême droite : en Styrie, 56,88 % des électeurs ont choisi l’extrémiste Norbert Hofer, tandis que Graz, la capitale du même Land, a voté à 61,89 % pour le candidat vert. Si les citadins, plus diplômés, profitent de la mondialisation, les ruraux souffrent et manquent de moyens pour se conformer à la numérisation de la société.

86% des cols bleus pour l’extrême droite, 81% des cols blancs préfèrent le Vert

Il ne s’agit plus d’une tendance, mais bel et bien d’une réalité. L’élection creuse un fossé entre les catégories socio professionnelles. Les chiffres impressionnent. Selon un sondage de la télévision publique ÖRF, 86% des ouvriers et 53% des travailleurs indépendants ont choisi l’extrémiste Norbert Hofer. La concurrence étrangère à bas coût bouscule ces populations fragiles qui ne peuvent plus compter sur l’État. A l’inverse, 81% des diplômés, 60% des employés et 55% des fonctionnaires ont préféré l’écologiste Alexander Van der Bellen. Ces catégories professionnelles restent associées à l’élite et dépendent en partie de l’État. On constate une résurgence de la lutte des classes : plus les électeurs se trouvent relégués dans les bas fonds de la hiérarchie sociale ou entrepreneuriale, plus ils votent pour l’extrême droite. L’élection traduit encore une fissure générationnelle. Si les jeunes ont massivement voté pour le candidat des Verts, les plus de quarante ans se sont tournés vers celui de l’extrême droite.

« Encore un attentat et des réfugiés et on gagnera la prochaine élection », assure un sympathisant d’extrême droite. Les électeurs de Norbert Hofer s’inquiètent de la qualité de vie dans leur pays et les deux tiers d’entre eux ont voté pour lui parce qu’il semblait sympathique et crédible. Dans l’autre camp, Van der Bellen a bénéficié du vote des abstentionnistes au second tour et surtout de la peur de l’extrême droite pour arracher la présidence.

L’élection a rendu son verdict. Mais la société dans son ensemble n’a pas choisi son camp. L’Autriche se cherche un avenir et les électeurs, à défaut d’être désenchantés, ne veulent pas tricher.

Vos commentaires
  • Le 27 mai 2016 à 19:34, par eurial vinka En réponse à : Élection présidentielle en Autriche : après l’Empire, la pire des déchirures

    Il fallait tenir compte des électeurs autrichiens d’Autriche et pas du tout de ceux hors du pays. Le votes par poste, ils démontrent un truc au dépense de Holfer, qui autrement ce serait le gagnant. C’est au dépense des citoyens qu’ont joué, car clairement résulte que les autrichiens, eux mêmes,comme l’indique le résultat du premier tour, ils auraient choisi une orientation politique de l’Autriche aux autrichiens. Les japonnais n’acceptent pas des migrants, car ils n’aiment pas perdre leur identité, comme peuple autochtone depuis de combien de siècles. C’est a cet exemple que devait se conformer d’autant plus l’Europe, le continent qui a rependue et construit la civilisation mondiale, maintenant son identité historique intouchable.

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