Election présidentielle en Italie : le retour attendu de Mattarella

, par Prince Maboussou

Election présidentielle en Italie : le retour attendu de Mattarella
Sergio Mattarella lors de son discours de fin d’année en 2021, pensant faire son dernier discours en tant que Président de la République (Palazzo del Quirinale)

La Constitution italienne de 1948 prévoit en son article 83 alinéa 3 que l’élection présidentielle doit requérir une majorité des deux tiers du Parlement. Cependant, après le troisième scrutin, seule la majorité absolue est nécessaire. Un pallier très vite atteint voir dépassé, comme l’a montré l’élection présidentielle de cette année.

Un président honorifique… mais pas que

Il est vrai, le Président de la République italienne dispose de pouvoirs limités. Cependant, il peut jouer un rôle central notamment en cas de crise politique, comme l’a prouvé son action durant la crise politique de 2019 et surtout durant celle de 2020 où ce dernier nomma Mario Draghi Président du Conseil. Il est le garant de l’unité nationale. Il faut se référer aux articles 87 et 88 de la Constitution pour connaitre ses prérogatives. Il peut fixer les élections des nouvelles chambres, dissoudre les chambres. Comme en France, il promulgue les lois, ratifie les traités internationaux et commande les forces armées. Il nomme le Président du Conseil des ministres et les ministres, sur proposition du Président du Conseil. Il a notamment empêché la nomination d’un ministre aux Affaires européennes, qui était hostile à l’Union.

Les élections présidentielles

Devant l’absence de consensus quant au nom du futur Président, les votes se sont rabattus sur le choix du Président sortant, Sergio Mattarella, ce dernier ayant indiqué préalablement qu’il ne souhaitait pas être de nouveau à la présidence. Or, l’élection présidentielle italienne n’attend pas de candidature, ce sont les grands électeurs qui choisissent souverainement les “présidentiables”, même si ces mêmes “présidentiables” ne souhaitent pas l’être. La réélection du président Sergio Mattarella a évité une crise politique. Cette élection vient au moment du 8ème scrutin, et le second du 29 janvier. La réélection aura recueilli le vote de 1009 grands électeurs en faveur du président sortant. En revanche, les manœuvres machiavéliques ne font que commencer.

L’Italie est le pays de l’Union européenne qui a subi le plus lourd tribut de la pandémie. Elle a été lourdement endettée et durement touchée par la Covid-19 (100 000 morts). Le président a même déclaré que le pays « traverse encore une grave urgence sanitaire, économique et sociale  ». Lors du dernier scrutin, le seul autre prétendant sérieux était le Premier ministre, Mario Draghi. Celui-ci a réussi, depuis son arrivée au pouvoir en février 2021, à relancer la croissance économique du pays, tout en maintenant l’unité d’un gouvernement de coalition composé de presque tous les partis politiques italiens.

Le problème que posait sa candidature était que son départ du gouvernement provoquerait, selon de nombreux grands électeurs, un retard dans les réformes nécessaires faisant suite à la réception des fonds du plan de relance européen. En effet, l’Italie a reçu de la part de l’Union européenne, 191,5 milliards d’euros dont 69 milliards de subventions. À cette somme s’ajoutent 30 milliards du fonds national. L’autre crainte était que sa candidature ne déstabilise l’exécutif, avec le danger de déclencher des élections anticipées. L’élection de M. Mattarella permet d’échapper à cette issue et de respecter l’agenda initial puisqu’en effet, les élections générales italiennes devraient se tenir au printemps 2023. Cependant, cet épisode va grandement fragiliser les partis politiques italiens. Lorenzo Codogno, ancien économiste en chef du Trésor italien déclare à ce propos que « les partis sont plus faibles et divisés. » Cet élément ne doit pas être négligé.

En effet, l’ingrédient clé du gouvernement Draghi était la collaboration de plusieurs partis. Cet épisode bouleversera-t-il l’équilibre politique si fragile ?

Matteo Salvini est le grand perdant de cet épisode. Lui qui espérait être le faiseur de roi n’a guère réussi à faire élire son candidat, dû notamment au manque d’unité de la droite derrière lui. Pire encore, sa participation au gouvernement de coalition avec le centre gauche crée de nouvelles tensions à droite permettant à la droite de la droite, Fratelli d’Italia de dépasser aujourd’hui dans les sondages la Lega de Salvini.

Davantage de scrutins, moins de clarté

Le Parlement ne dispose d’aucune majorité claire. À travers les trois premiers scrutins, il y eut beaucoup de propositions de noms. À l’issue du premier scrutin, le candidat ayant recueilli le plus de voix était Paolo Maddalena avec 36 voix (Alternativa C’è – « il y a une alternative » en italien). Le deuxième était Sergio Mattarella, le président sortant, avec 16 voix suivi par la ministre de la Justice, Marta Cartabia avec 9 voix.

A l’occasion du deuxième scrutin, le centre droit a décidé de présenter des noms permettant un possible rassemblement des voix. Ainsi, se sont présentés Letizia Moratti, ministre de l’Éducation Nationale et ex-présidente de la RAI (chaîne de télévision nationale, 1994-1996) ; Marcello Pera, ancien président du Sénat et Carlo Nordio, ancien magistrat. À l’issue de la nouveau vote, seul Mattarella a gagné des voix avec un total porté à 39. Lors du troisième vote, le président sortant continue son ascension exponentielle comme on peut le voir sur ce document de YouTrend  :

Lors de la vote suivant, le centre-droit décide de s’abstenir. Paolo Maddalena, le candidat de Alternativa C’è annonce qu’il ne souhaite plus être “candidat” et se déclare soutenir Antonino Di Matteo. Cependant, la tendance se confirme : Mattarella gagne de nouvelles voix. Il en est alors à 166, mais toujours pas de quoi être élu. Au cinquième tour, le centre-droit revient dans la course et propose la présidente du Sénat, Elisabetta Casellati. Le coup de poker a failli réussir mais c’est un nouvel échec qu’essuie cette formation politique. En effet, les abstentionnistes sont au nombre de 441, suffisant pour obtenir la majorité relative avec le concours de quelques voix supplémentaires. Or, la présidente du Sénat n’en a récolté que 382 sur les 441 escomptées. Le centre-gauche s’est, cette fois, abstenu.

Juste avant d’entamer le sixième tour, Enrico Borghi (Partito Democratico) a déclaré que Mattarella avait bénéficié d’un réel soutien et d’un consensus de plusieurs partis. En clair, il est en mesure, avec les voix mathématiquement calculées, de pouvoir obtenir une majorité. Voici, alors, les résultats des votes : Mattarella – 336 ; Nino Di Matteo – 41 ; Pier Ferdinando Casini – 9 et 106 votes blancs. La Lega (Nord) et le M5S – Mouvement 5 étoiles, ndlr – se sont pourtant mis d’accord pour Elisabetta Belloni (Directrice générale des services secrets et ex-secrétaire générale du ministère des Affaires Étrangères). Elle ne fera que retarder la réélection de Sergio Mattarella.

Lors de l’antépénultième vote, Mattarella est à 387. Silvio Berlusconi, ex-Président de la République, assure au futur Président qu’il aura le soutien de Forza Italia. Un de ses concurrents, Casini, appelle à voter pour Mattarella. Il déclare alors : «  Je demande à tous les collègues, au Parlement où j’ai toujours défendu des idées centristes, de retirer mon nom de chaque discussion et de demander au Président de la République, Mattarella de renouveler son mandat dans l’intérêt de l’Italie. »

Dans la foulée du septième scrutin, à 16 heures 30, se tient le huitième et dernier scrutin. Avant ce dernier, Matteo Renzi, chef d’Italia Viva – parti dissident du Parti Démocrate – déclare qu’il est inacceptable que le Président de la République soit la directrice générale des services secrets. Il ajoute même que « celui qui ne le comprend pas, n’a pas la culture institutionnelle.  » Le scrutin ultime confirme le plébiscite de Mattarella. La réaction du Président du Conseil, Mario Draghi n’a pas tardé. Il félicite le nouveau Président.

Les perspectives politiques

Comme évoqué, ces élections ont fragilisé l’équilibre politique. En effet, en 2018, lors des élections générales, la coalition de centre-droit remporte le scrutin. Ceci va se matérialiser par 195 nouveaux parlementaires. Le Parlement italien est composé de 315 sénateurs et 630 députés. Les candidats proposés par Lega Nord et M5S, soient un parti de la coalition du centre-droit et le M5S, ont généré de la crispation et figé les tractations de janvier 2022. Mario Draghi, Président du conseil, avait su former un attelage hétéroclite : du centre-gauche à la droite dure. Il y a dans son gouvernement : le chef de M5S, Luigi di Maio, un haut responsable de la Lega et un haut responsable du Parti Démocrate. Ce gouvernement a été formé il y a à peine douze mois et les dissensions commencent déjà à apparaître. Est-ce que Super Mario – surnom de Mario Draghi – saura remobiliser les troupes alors que les élections se profilent ? Il le faudra puisque le pays doit se relever. Selon France 24, l’Italie a enregistré l’une des pires chutes du PIB de la zone euro, avec un plongeon de 8,9% en 2020.

L’Italie reste en apnée politique durant au moins quatorze mois. Pour le meilleur ou pour le pire ?

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