Les élections ont peu attiré, un sur trois (34%) a participé au scrutin législatif du 9 juin 2024. Pas étonnant puisque la Bulgarie a plongé dans la crise politique en 2021, après des révélations sur des affaires de corruption. C’est donc pour un sixième scrutin que les Bulgares ont été appelés aux urnes. Un sixième scrutin qui était censé trancher entre les deux plus grandes forces politiques du pays : le GERB (Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie) de Boyko Borisov et la coalition PP-DB (Nous continuons le changement - Bulgarie démocratique) de Kiril Petkov. Une élection aux allures d’affrontement entre deux ex-Premier ministres donc.
Juin 2024 : de nouveaux clivages et de nouveaux enjeux pour un sixième scrutin
La campagne électorale s’est concentrée autour de deux thèmes : la lutte contre la corruption et la politique étrangère, notamment en ce qui concerne les relations entre Sofia et Moscou.
Sur la lutte contre la corruption, l’ensemble des partis a bien évidemment défendu l’intégrité et la tolérance zéro quant à la corruption. L’ensemble des partis s’est aussi saisi de chaque occasion pour dénoncer la corruption généralisée de leurs adversaires. Ainsi, le PP-DB s’est précipité vers les médias pour rappeler les soupçons de corruption de Boyko Borisov envers la justice, et notamment de l’ancien procureur général Ivan Geshev. Plus largement, une affaire de corruption généralisée et de participation à un réseau mafieux bulgare de l’agence nationale des douanes a impliqué des proches de Boyko Borissov et est venue impacter la campagne du GERB. De son côté le GERB, rejoint par le DPS (parti représentant la minorité turcophone de Bulgarie) dont le leader Delyan Peevski est accusé de collusion avec le parti de Borrisov, a déclammé les accusations faites contre le PP-DB de financement illégal de leur parti et de leur campagne électorale. Des accusations sans fondement dont les démentis ont été beaucoup moins entendus et partagés que les accusations originelles.
Les deux partis se sont toutefois accordés sur la nécessité de continuer l’aide économique, politique et diplomatique bulgare à l’Ukraine. Une position qui a fait émerger un nouveau clivage en Bulgarie. En effet, si le GERB et le PP-DB sont en faveur de Kyiv, il en est différemment pour Renaissance (extrême droite), les socialistes du BSP, le nouveau parti nationaliste Velichie, ou pour le parti Solidarité Bulgarie. Ces partis se sont positionnés en faveur de l’arrêt des livraisons d’armes pour Kyiv et pour la levée des sanctions contre la Russie. De même, si le GERB et le PP-DB ont milité en faveur de l’Union européenne et de l’OTAN, les partis favorables à Moscou ont inscrit dans leur programme un retrait de la Bulgarie de ces deux ensembles.
Ces deux thèmes de campagne ont fait émerger de nouveaux clivages dans une Bulgarie habituée au clivage plus traditionnel entre ville et campagne. Néanmoins, l’apparition de ces nouveaux clivages et de ces nouveaux enjeux n’ont en rien retiré la violence et la polarisation des partis lors de la campagne électorale.
Des résultats aux allures de sacre pour Boyko Borisov
C’est finalement l’ancien Premier ministre Boyko Borissov qui a été sacré le soir du 9 juin. Le leader du GERB a réussi son pari en misant sur la stabilité : la promesse d’une Bulgarie stable, débarrassée de la crise politique, pleinement ancrée dans l’OTAN et dans l’Union européenne. Le GERB est ainsi le premier parti, et a réussi à récolter 23,9% des suffrages, soit 68 des 240 sièges que compte l’Assemblée nationale bulgare.
La coalition libérale PP-DB obtient quant à elle la troisième place avec 14,3% des voix. Le DPS ravit la seconde place à la coalition de Petkov avec 15,4%, tandis que le parti d’extrême droite Renaissance engrange 13,6% des voix exprimées. Enfin, les socialistes pro-russes du BSP obtiennent 6,9%, et le parti anti-système et anti-corruption Il existe un tel Peuple 5,9%. Ces deux partis conservent ainsi des sièges au parlement en réussissant de peu à franchir la barre des 5% nécessaire. Un nouveau parti a également réussi à franchir in extremis la barre des 5%, le parti nationaliste, anti-corruption et russophile Velichie qui lui permet de décrocher 13 sièges.
Stabilité ou 7ème élection ?
On l’aura compris, aucun parti ni aucune coalition n’a réussi à obtenir la majorité absolue nécessaire à l’aboutissement de la crise politique. Il en reviendra néanmoins au GERB de Boyko Borissov de former un gouvernement majoritaire. Pour cela, il doit réussir à former une coalition regroupant au moins 121 sièges des 240 de l’Assemblée nationale.
Les pistes privilégiées pour un gouvernement qui emmenerait une Bulgarie ancrée dans l’OTAN et l’UE vers la stabilité politique se dirigent vers une collaboration entre le GERB, le DPS et le PP-DB. À eux trois, ils atteindraient une majorité de 153 sièges, soit plus que les 121 nécessaires. Au-delà de ce qui les différencie et des accusations de campagne, ces partis sont en effet engagés pour une participation active à l’alliance atlantique, un soutien résolu à l’Ukraine contre Moscou. Les partis sont également déterminés à faire progresser l’intégration de leur pays à l’Union européenne, par une adhésion pleine et entière à l’espace Schengen ainsi qu’à l’adoption de l’euro comme monnaie nationale.
Les partis du prochain gouvernement devront également mettre de côté leur position politicienne pour permettre une stabilisation de la jeune démocratie bulgare, et redonner une image responsable des politiques du pays pour faire revenir les citoyens désabusés à la politique. Dans le cas contraire, il est certain que la Bulgarie devra compter sur une septième élection législative.
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