Elections en Slovaquie : nouveau danger pour l’Union européenne

, par Sarah Bonnefoix

Elections en Slovaquie : nouveau danger pour l'Union européenne
Robert Fico, actuel Premier ministre slovaque (SMER-SD), remporte les élections, mais perd sa majorité absolue. Pour gouverner, il lui faudra constituer une coalition. - European Council (CC/Flickr).

Régime parlementaire monocaméral, la Slovaquie a procédé ce samedi 5 mars au renouvellement de son Parlement, le Národná rada Slovenskej republiky (le Conseil national de la République slovaque), comprenant 150 membres. Sans grande surprise, c’est le parti social-démocrate de Robert Fico (Smer-SD), actuel Premier ministre du pays, qui a été reconduit, remportant 28,3% des voix. Il s’agit néanmoins d’une victoire en demi-teinte.

En effet, malgré sa victoire aux législatives, le Premier ministre sortant, Robert Fico, perd sa majorité absolue, et les élections ont consacré pour la première fois l’entrée au Parlement de l’extrême droite nationaliste LS-Nase Slovensko (Notre Slovaquie) avec 14 sièges. Alors que la Slovaquie s’apprête à prendre la tête du Conseil de l’Union européenne en juillet 2016, ces élections semblent donc faire peser une nouvelle menace sur la stabilité politique européenne et participer au vent d’euroscepticisme qui souffle sur le continent.

Robert Fico, l’anti-européen ?

Rappelons en effet que le maintien de Robert Fico et de son parti social démocrate au pouvoir n’est pas de bon augure pour la stabilité politique de l’Union Européenne. Ce dernier a en effet largement axée sa campagne sur le refus d’accueillir des migrants en Slovaquie - position du groupe de Višegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie) - fragilisant ainsi un peu plus le principe de solidarité européenne sur le sujet et accentuant l’isolement d’Angela Merkel.

Robert Fico est une figure à part dans le paysage politique slovaque. C’est lui qui parvient à unifier les partis de gauche du pays au sein de son parti SMER-SD qu’il fonde en 1999. De tendance sociale-démocrate, il s’impose aux élections législatives de 2006 et de 2012 en faisant campagne sur les échecs des politiques libérales des précédents gouvernements, menées en vue d’intégrer la zone euro (qui se fait le 1er janvier 2009). Une fois au pouvoir, Robert Fico s’appuie sur un gouvernement de coalition mené avec le parti national slovaque (SNS, nationaliste) ainsi que le Parti populaire - Mouvement pour une Slovaquie démocratique (LS-HZDS, populiste) pour mettre en place des réformes jugées emblématiques dans le pays : marché du travail moins favorable aux employeurs, réduction de la taxe sur la valeur ajoutée sur les livres et médicaments, etc. Lors de sa réélection, en 2012, il entreprend une série de réformes fiscales allant dans le même sens : abolition de l’impôt à taxe unique, création d’un taux d’impôt sur les sociétés de 23%, ou encore la très symbolique création d’une surtaxe de 5% pour les ministres, parlementaires et le président de la République.

Toutefois, la nature composée de son gouvernement le contraint en 2006 à prendre des positions anti-européennes : il entretient ainsi des liens étroits avec la Russie et la Serbie, prenant position en 2007 en faveur de Vladimir Poutine lors de l’affaire sur le bouclier anti-missiles européen, déployée par les Etats-Unis en Pologne et en République tchèque.

Plus récemment encore, et plus inquiétant également, Robert Fico, à l’instar de Viktor Orban et Jaroslaw Kaczynski, s’est frontalement opposé à l’accueil des migrants, en particulier des migrants non chrétiens, déclarant que le pays n’avait pas à se « prosterner » devant la France et l’Allemagne. Bratislava a même fait appel à la justice contre le système de quotas de répartition des demandeurs d’asile. Dans les dernières semaines qui ont précédé les élections, la ligne du gouvernement s’est durcie, versant largement dans le populisme antimusulman, appelant à « surveiller chaque musulman du pays », et qualifiant le multiculturalisme de « fiction ».

Vers un difficile gouvernement de coalition

Toutefois, s’il s’est imposé une fois de plus au cours des législatives, sa faible marge (rappelons le, 49 députés sur 150) ne lui garantit pas la majorité absolue, le conduisant donc nécessairement à composer avec les autres partis en lice : les libéraux de Sas (21 sièges), les conservateurs d’OLANO-NOVA (19 sièges), les nationalistes du SNS, anciens partenaires de coalition de Robert Fico en 2006 (15 sièges), et enfin Notre Slovaquie (14 sièges).

Autant dire que l’émiettement excessif du paysage politique rend quasi impossible la mise en place d’un gouvernement de coalition dans le temps court. Selon certains analystes, la formation du nouveau gouvernement pourrait ainsi s’étaler sur des mois ; ce qui n‘est pas sans être inquiétant au vu de l’échéance de juillet 2016.

Le danger « Marian Kotleba »

Aussi, l’arrivée de l’extrême-droite inquiète particulièrement Bruxelles et la classe politique traditionnelle. Selon certains, à l’instar d’Igor Matovic, président du parti OLANO, Notre Slovaquie présente « ouvertement des candidats fascistes sur sa liste ». Le parti est mené par Marian Kotleba (Notre Slovaquie, LSN-S), dont l’ancien parti, « Fraternité Slovaque », dissout en 2006, revêtait des uniformes noires comme ceux de la Garde Hlinka, milice pro-nazie lors de la Seconde Guerre mondiale. Comme le souligne l’eurodéputée Monika Benova (SMER-SD) : « Ce serait un désastre majeur que d’avoir des fascistes au Parlement alors que la république slovaque préside l’Union européenne ».

Le climat politique en Slovaquie apparaît donc comme profondément révélateur d’une tendance anti-européenne et droitisante qui traverse l’Europe de l’Est depuis quelques temps. Il semblerait qu’un nouvel « euroscepticisme », moins britannique, moins enclin à défendre une forme d’insularité économique, mais davantage social et culturel soit désormais à l’œuvre.

Vos commentaires
  • Le 7 mars 2016 à 12:14, par Babar En réponse à : Elections en Slovaquie : nouveau danger pour l’Union européenne

    Merci pour cet article. La montée du national-populisme est loin d’être un phénomène purement européen (Trump, Poutine, Modi), pas plus qu’il n’est un phénomène d’extrême droite. La lamentable campagne électorale de Fico (« social démocrate ») aurait faire rougir Marine Le Pen. Fico a cru faire le malin en courant derrière son extrême droite (les xénophobes du SNS et les néonazis de L’SNS) ; comme disait Barnier, inutile de courir derrière les populistes, ils courront toujours plus vite que vous. J’ajoute que l’unité a la Visegrad n’est qu’une unité de façade : Orban est anti-slovaque du fait de son pan-magyarisme, la plupart des partis Slovaques sont anti-Hongrois (cf l’histoire de la double nationalité) quant au PiS Polonais il est anti-tout (les Russes, les Allemands), la seule chose qui les unit est la haine des migrants, l’anti EU et un christianisme d’opérette qui renie joyeusement les valeurs du christianisme.

    PS : il s’agit de Marian (et non Martin) Kotleba. PSPS : pour ceux qui se gavent de l’argument selon lequel l’EU est la cause de la montée du national populisme rappelons l’ère Meciar en Slovaquie, avant l’adhesion du pays a l’Union.

  • Le 7 mars 2016 à 13:55, par Hervé Moritz En réponse à : Elections en Slovaquie : nouveau danger pour l’Union européenne

    Merci pour cette correction.

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