Un scrutin historique, une consécration pour les pro-occidentaux
Alors que le 25 mai dernier, les électeurs ukrainiens avaient élu à 55% des voix le « roi du chocolat », Petro Porochenko, à la présidence, le Parlement demeuré celui de l’ère du président Viktor Ianoukovitch, élu en 2012. L’assemblée a donc été dissoute le 25 août pour donner lieu à élections législatives anticipées. L’objectif, renouveler la Rada, le Parlement ukrainien, et instituer les nouvelles figures de la politique ukrainienne, issues des contestations de l’hiver dernier et mis en lumière par les événements de la place Maïdan.
Hier, le scrutin, à moitié proportionnel et à moitié majoritaire, a ainsi remis en jeu les 450 sièges de députés, élus pour cinq ans, faisant la part belle aux nouveaux héros de la Nation, les activistes de Maïdan et les combattants à l’est du pays.
Ainsi, d’après un sondage à la sortie des urnes, la liste de l’actuel président, emmenée par l’ancien boxeur Vitali Klitschko, maire de Kiev, remporte la victoire et capitalise 23,1% des voix. Inattendue fut la percée du Front populaire, emmené par l’actuel premier ministre Arsenii Iatseniouk, qui a totalisé 21,2% des suffrages. La cohabitation entre les deux hommes se poursuivra donc. Troisième force du pays avec un score de 13,4%, Samopomitch, celle d’Hanna Hopko, militante chevronnée contre la corruption.
Sur le banc de la défaite, les partis pro-russes subissent un revers important avec en tête de ces mouvements le bloc d’opposition (7,6%). Quant au parti communiste (autour des 3%), il ne sera pas représenté dans la nouvelle assemblée. Plébiscité par les sondages, le Parti radical emmené par le populiste Oleg Liachko n’a mobilisé que 6,4% des électeurs. De même, le mouvement nationaliste Svoboda en recul comptabilise 6,3% des suffrages.
Les trois forces victorieuses devraient constituer dans les jours à venir une large coalition autour de Petro Porochenko, qui avait déjà annoncé sa volonté de ratisser large et rassembler les forces de Maïdan. Le parti de Ioulia Timochenko, qui demeure en retrait (5,6%) par rapport à ces concurrents, pourrait faire également partie de la coalition gouvernementale.
Une rupture toujours plus marquée
Ce vote a pourtant conduit à accentuer la rupture entre les pro-occidentaux de l’ouest au pouvoir et les pro-russes à l’est qui combattent aux côtés des séparatistes. Malgré les négociations avec le Kremlin et le cessez-le-feu signé en septembre lors des accords de Minsk, le conflit se poursuit dans l’est du pays. De ce fait, le vote n’a pas eu lieu dans les environs de Donetsk et de Lougansk aux mains des séparatistes, qui ne reconnaissent pas ce scrutin. L’annexion de la Crimée par la Russie, entérinée par un référendum contesté en mars 2014, a également amputé l’Ukraine d’une partie de son électorat. Les 12 circonscriptions de la péninsule de Crimée et 15 circonscriptions instables de l’est du pays n’ont pas pris part au vote, ce qui représente environ 5 millions d’électeurs sur les 36 millions que compte l’Ukraine. Ainsi, 27 sièges demeurent vacants au Parlement ukrainien, composé de 450 sièges.
De plus, la corruption électorale, la manipulation médiatique ou le clientélisme continuent de miner certaines provinces. Des contestations et des réclamations risquent de poindre dans les jours à venir. L’OSCE* devrait rendre son rapport d’observation dans l’après-midi, ce qui nous renseignera sur la teneur de ce scrutin.
Un horizon encore sombre
Bien que les Ukrainiens aient fait le choix de la stabilité et de l’unité en accordant à Par ces élections, Petro Porochenko une majorité confortable, la guerre se poursuit dans une partie du pays et la situation demeure critique. Mettant un point d’orgue à la révolution Maïdan et consacrant le camp pro-occidental, ces élections s’accompagnent de leur lot de promesses et d’espérances. Selon le journal Le Monde, les défis qui attendent à présent la nouvelle majorité sont multiples.
Tout d’abord, la guerre dans le Donbass, bassin houiller de l’est du pays n’a pas pris fin lors de la signature du cessez-le-feu du 5 septembre. Les tentatives de paix entamées par Petro Porochenko seront renouvelées, malgré l’obstination des séparatistes, qui ont bien l’intention d’organiser des élections « présidentielles et législatives » le 2 novembre prochain. La nouvelle coalition devrait pourtant adopter la stratégie du compromis, notamment en proposant une fédéralisation du pays pour offrir quelques gages aux séparatistes. De même, les négociations avec le Kremlin devraient se poursuivre pour faire cesser les tentatives de déstabilisation du nouveau régime ukrainien, orchestrées par Vladimir Poutine.
Or, la Russie possède une arme redoutable : l’hiver. Alors que celui-ci arrive à grands pas, les inquiétudes autour de la question du gaz s’intensifient. Le bras de fer avec Moscou a déjà commencé. En juin, le Kremlin avait déjà coupé le robinet, prétextant des impayés et en profitant pour augmenter les prix de ses livraisons. Malgré la médiation de la Commission européenne, aucun accord n’a vu le jour. La signature simultanée d’un accord d’association historique entre l’Ukraine et l’Union européenne, le 16 septembre, apportant également une aide financière et énergétique à l’Ukraine, ne suffira sans doute pas à préserver l’Ukraine de la guerre énergétique, engagée avec son voisin russe.
De plus, les finances du pays minées par le coût de la guerre et l’économie au plus bas font de l’Ukraine, un Etat malade. Les perspectives économiques sont mauvaises, et ce malgré les coups de pousse de l’Union européenne. La perte probable d’une partie du Donbass, région industrielle particulièrement riche en ressources minières et énergétiques, risque d’accroître encore la situation de crise et de pénurie du pays.
Enfin, un dernier point occupera la nouvelle équipe gouvernementale. Les mouvements de Maïdan ont fait remonter de nombreuses revendications, appelant à un changement profond de la société ukrainienne. Les citoyens, et certains députés entrants, seront particulièrement vigilants à l’action de la nouvelle majorité en matière de lutte contre la corruption, de réforme de l’Etat et de la justice, de renouvellement de la classe politique et des élites. Les mesures seront longues à adopter et les effets ne s’en feront ressentir que plus tardivement.
Une partition difficile à jouer pour cette nouvelle coalition, qui aura à batailler sur tous les fronts pour redresser le pays et répondre aux espoirs des citoyens ukrainiens.
1. Le 27 octobre 2014 à 15:09, par Alain En réponse à : Elections législatives en Ukraine : Les pro-occidentaux raflent la mise
En refusant de faire droit aux revendications légitimes des russophones pour de l’autonomie (résultant d’appels à la haine à leur égard des néo-nazis mais aussi de l’égérie ukrainienne Ioulia timochenko), aucune réunification n’est possible ; Et gardons d’encenser un gouvernement d’oligarques qui financent des milices privées, il est tout aussi corrompu que tous les gouvernements qui se sont succédés depuis l’indépendance
2. Le 27 octobre 2014 à 16:23, par Hervé Moritz En réponse à : Elections législatives en Ukraine : Les pro-occidentaux raflent la mise
Les néo-nazis sont en recul sur ce scrutin et Ioulia Timochenko demeure largement marginalisée. C’est l’armée régulière, ainsi que le volontaires issus des groupes militants de Maïdan qui se battent actuellement sur le front est, je n’ai pas entendu parlé de milices privées. La corruption endémique sera l’un des obstacles majeurs à la nouvelle coalition. Au nouveau gouvernement de prouver qu’il ne veut pas renouer avec cette habitude malsaine de la classe politique.
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