Enfin l’espoir de former un gouvernement en Allemagne ?

, par Théo Boucart

Enfin l'espoir de former un gouvernement en Allemagne ?

« Steht die Groko wieder ? » Une nouvelle grande coalition verra-t-elle le jour ? La CDU-CSU d’Angela Merkel et de Horst Seehofer et le SPD de Martin Schulz se sont accordés pour commencer à rédiger un contrat de coalition, le document indispensable pour gouverner chez nos voisins d’Outre-Rhin. Ce serait la troisième « Groko » depuis 2005, malgré la lassitude des Allemands devant cette possibilité. Quelles seraient les conséquences pour l’Allemagne et pour l’Europe ?

« Jetzt bleibt sie also doch, die Grosse Koalition, die keiner mehr wollte » (« Et voilà qu’elle reste, la grande coalition que plus personne ne voulait »). C’est un brin ironique que le Spiegel Online débute son article sur la grande coalition qui se dessine de plus en plus à Berlin. Une grande coalition qui, selon le journal en ligne, aura besoin cette fois-ci de plus que de la chance pour fonctionner. [1] La bonne conjoncture ne peut durer éternellement et aussi bien la CDU-CSU que le SPD sont sortis grandement affaiblis des élections fédérales de septembre dernier (déjà quatre mois que cette impasse politique dure…). Malgré la volonté de suivre la voie tracée par le Président Macron pour réformer la zone euro, les principaux points du texte qui devront être négociés officiellement dans les prochains jours entérinent largement un statu quo qui a justement été rejeté avec force par les électeurs allemands.

Les principaux points de l’accord : avantage aux conservateurs ?

En consultant le document de 28 pages qui va servir de bases aux négociations officielles une fois celles-ci autorisées, il semblerait que la CDU-CSU ait réussi à contenir les « ardeurs sociales » du SPD. Si quelques mesures chères au SPD sont incluses dans le document, comme plus d’investissements dans les infrastructures ou dans la santé, Martin Schulz n’a pas pu imposer de hausse d’impôts pour les plus riches ni la création d’une assurance-maladie citoyenne (Bürgerversicherung). Côté politique migratoire, le sujet qui divise particulièrement, si le SPD a pu sauver le regroupement familial pour les réfugiés, la CSU a imposé sa mesure phare : un plafond annuel pour l’accueil des migrants. Entre 180000 et 220000 personnes pourront être accueillies chaque année en Allemagne. [2]

Concernant la politique économique, le sacro-saint budget à l’équilibre (le « Schwarze Null ») n’est pas touché. De ce fait, le gouvernement fédéral dispose d’une marge de 45 milliards d’euros maximum pour investir dans les infrastructures ou dans le numérique. Il pourrait également baisser l’imposition des entreprises, une réponse à la vaste réforme fiscale votée par Donald Trump aux États-Unis. L’accord arraché par les partis semble donc convenir plus à la CDU-CSU qu’au SPD qui considère que le texte peut encore être amélioré. Il y a également des sujets qui n’ont quasiment pas été évoqués dans le document. La sécurité et l’OTAN n’ont pas été mentionnées. L’écologie et la transition énergétique ont aussi été largement oubliées, provoquant la colère des Verts. Les négociateurs avaient déjà avoué que les objectifs climatiques pour 2020 seraient inatteignables. Les grands défis internationaux sont donc éludés, signe que l’Allemagne, malgré son poids économique, n’est pas encore prête à assumer un poids diplomatique correspondant à son rang.

Macron peut sourire : l’Europe est mise en avant

Alors que l’Union européenne n’avait pas eu la place escomptée lors de la campagne législative, celle-ci a été remise sur les devants de la scène, notamment avec le discours de Martin Schulz se prononçant pour la création des « États-Unis d’Europe » d’ici 2025. Le document issu des négociations confirme cette importance : la CDU-CSU et le SPD entendent « réformer » et « renforcer » la zone euro avec la France. Une réponse forte adressée au Président français, malgré le manque de détails du texte. Le budget et le parlement de la zone euro, le ministre des Finances des pays de l’UEM seront « examinés ». Les conservateurs de la CDU sont en effet assez hostiles à toute mutualisation des risques au sein de la zone euro. L’Allemagne serait néanmoins disposée à payer plus d’argent pour mener à bien ces réformes et à soutenir notamment une harmonisation concernant l’imposition des entreprises et la lutte contre l’évasion fiscale. [3]

Les réactions européennes ne se sont pas fait attendre. Jean-Claude Juncker et Emmanuel Macron ont exprimé leur pleine satisfaction. Le Président français peut espérer un déblocage de la situation, lui qui avait craint dans un premier temps la participation au gouvernement du FDP, hostile aux réformes de la gouvernance économique de la zone euro. La perspective d’une nouvelle grande coalition est certainement la meilleure chose pour Macron, le SPD étant bien plus favorable à ses propositions que la CDU-CSU.

Attention ! La base du SPD a encore son mot à dire…

L’accord de 28 pages n’est pas le contrat de gouvernement, mais une base pour les négociations officielles. Or ces négociations doivent d’abord être autorisées par la base du SPD, échaudée par les résultats catastrophiques aux élections et plus que réticente à la perspective d’une nouvelle coalition avec la CDU-CSU. L’accord sera soumis à un vote le 21 janvier lors d’un congrès extraordinaire assez délicat, tant les résistances sont vives, notamment au sein de la section jeune des sociaux-démocrates (les « Jusos »). En cas de vote positif, les négociations du contrat de coalition pourront vraiment débuter. Si la « grosse Koalition » est reconduite, ce serait le triomphe du pragmatisme et du statu quo. Les Allemands ont sanctionné la politique menée depuis 2013 en votant notamment pour l’AfD. Martin Schulz a eu la sagesse d’accepter l’ouverture des négociations, seule alternative pour Angela Merkel afin d’éviter de nouvelles élections. L’accord semble être déséquilibré en faveur de la CDU-CSU sauf sur la politique européenne, véritable bonne surprise des « Sondierungsgespräche ».

Le document final de l’accord CDU-CSU-SPD est à consulter ici.

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