Espace Schengen : le point sur son fonctionnement (3/4)

, par Juliette Favarel-Denat

Espace Schengen : le point sur son fonctionnement (3/4)
Manifestation pour la fin de Frontex en 2008 à Varsovie Wikimedia commons

S’il est parfois difficile de comprendre le fonctionnement de l’Union européenne, l’espace Schengen n’est pas en reste. Petit rappel sur ce groupement original, et sur les futures évolutions qui pourraient en transformer l’ordre de marche.

Le fonctionnement de l’espace Schengen aujourd’hui

L’espace Schengen est un un espace de libre circulation des personnes composé de plusieurs pays européens. Plus précisément, il englobe 23 des 27 Etats membres de l’Union européenne.

La Croatie en est la dernière participante, le pays y ayant adhéré le 1er janvier 2023, une fois sa demande approuvée par les ministres européens de l’intérieur en décembre 2022.

Il comporte aussi quatre autres États non membres de l’Union européenne : l’Islande, la Norvège, le Liechstenstein et la Suisse. Autres membres de facto, plusieurs micro-états européens : Monaco, le Vatican, Saint-Marin et le territoire de Gibraltar, depuis le Brexit.

Le cas de l’Irlande est particulier. Le pays n’est pas membre de l’espace Schengen, mais participe à une partie de ses dispositions via la clause d’opting-in. En revanche, il conserve le droit de contrôler les personnes traversant ses frontières, ainsi que de ne pas adopter immédiatement de nouvelles mesures, notamment concernant l’immigration ou l’asile.

L’espace Schengen est étroitement lié à l’Union européenne. Depuis 1997, l’Acquis de Schengen a été intégré au droit de cette dernière. Ainsi, une base juridique au sein des traités européens est-elle associée à chaque mesure de la Convention de Schengen.

De plus, les institutions européennes sont impliquées dans la création des actes régissant l’espace Schengen. Les sujets de visas, de l’asile et de l’immigration sont traités par la procédure législative ordinaire pour l’adoption des actes. Le procédé est plutôt simple. La Commission émet une proposition législative, puis la procédure est structurée par trois lectures au maximum. Le parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, sur un pied d’égalité, s’entendent alors pour l’adopter dans un accord mutuel.

La gestion des frontières : parfois un point de discorde

Les normes de l’espace Schengen sont souvent associées à la suppression des contrôles aux frontières « intérieures », c’est-à-dire existant entre deux Etats membres de l’espace. Ces contrôles se renforcent donc sur les frontières « extérieures ». Ce fonctionnement implique aussi d’autres transformations. Les pays de l’espace Schengen ont dû s’adapter en harmonisant les contrôles aux frontières et en instaurant la coopération policière et judiciaire.

La gestion des frontières “extérieures” constitue en elle-même un défi. C’est l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, précédemment connue sous le nom de « Frontex » (agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne).

Elle a pour mission d’en assurer la sécurité, et ce depuis 2004. Cette gestion a été vivement critiquée. En effet, l’agence a essuyé de multiples critiques et a été le centre d’un grand nombre de polémiques. Des acteurs non-gouvernementaux l’ont notamment accusée de ne pas respecter les droits fondamentaux, la dignité humaine par exemple, et d’être coupable du refoulement de migrants arrivant en Europe par bateau, causant par leur négligence active des centaines de morts.

Plus récemment, en 2022, une enquête de l’OLAF, l’organe de surveillance antifraude de l’UE, a conclu que trois fonctionnaires européens placés à la tête de l’agence ont laissé leurs « opinions personnelles » interférer avec la conduite de Frontex.

Les frontières nationales entre pays de l’espace Schengen ne sont, elles, pas gérées par l’Agence européenne de garde-frontières et garde-côtes. Les Etats ne sont pas censés y établir de contrôle. Cependant, en cas de menaces pour l’ordre public ou la sécurité, ceux-ci peuvent être rétablis de façon temporaire. Par exemple, afin de vérifier les passeports d’entrants à leur frontière, la France a fait usage de cette exception à la suite des attentats de novembre 2015. Ces rétablissements temporaires des contrôles se sont également montrés utiles durant la pandémie de Covid-19, bien que leur mise en application désordonnée ait montré un certain manque de coopération entre les Etats européens.

De nouvelles réformes envisagées

Les institutions européennes examinent plusieurs réformes de l’espace Schengen.

Une proposition serait le Pacte européen sur la migration et l’asile. Présenté en 2020, il vise à réformer la politique migratoire de l’Union européenne. Son but principal ? Transformer intégralement le système de Dublin. Il inviterait les Etats européens à agir avec plus de solidarité dans l’accueil des demandeurs d’asile et migrants.

Une autre idée serait la consolidation des frontières “extérieures”. La Commission européenne a présenté cette volonté de réforme en juin 2021, expliquant que cette nouvelle stratégie reposerait sur trois piliers. Le premier serait le renforcement du mandat et des moyens alloués à l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. Le second serait l’accélération de l’interopérabilité des systèmes d’information (c’est-à-dire leur combatibilité, ce qui permet à plusieurs systèmes, pays ou organismes d’agir ensemble). Enfin, dernier pilier de cette réforme : une procédure d’enregistrement des demandes de visas avant l’entrée en Europe des réfugiés et des migrants.

Enfin, en décembre 2021, peu avant le début de la présidence française de l’Union européenne, une dernière réforme a été présentée. Celle-ci cherche à renforcer l’espace Schengen et à empêcher l’instrumentalisation des flux migratoires par certains Etats. Emmanuel Macron en avait fait l’un des points clés de la politique européenne en France.

Aujourd’hui, hélas, des événements comme la pandémie de Covid-19, la menace du terrorisme ou encore la crise migratoire de 2015 ont révélé des failles cruciales dans le fonctionnement de l’espace Schengen. Entre désorganisation et abus des mesures de contrôle aux frontières, difficile de se montrer entièrement satisfait de la gestion de ces crises majeures. Des réformes sont alors nécessaires, ne serait-ce que pour que la coopération des Etats européens soit plus entière et plus efficace. Cependant, comme tout changement au sein de l’Union européenne, il faudra de la patience avant de voir des initiatives prendre racine.

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