États-Unis et Union européenne : perspectives d’une amitié compliquée

, par Nathalie Bockelt, traduit par Cécile Gérard

États-Unis et Union européenne : perspectives d'une amitié compliquée

Les relations entre l’Europe et les États-Unis se trouvent gravement détériorées à la suite des évènements des derniers mois. Pourtant, s’il y a bien une chose indispensable au vu des défis mondiaux croissants, c’est un partenariat transatlantique solide. Le temps est venu pour l’Union européenne de renforcer son rôle au sein de l’alliance.

Le scandale des mises sur écoutes et ses conséquences

Lorsqu’il est apparu que les États-Unis espionnaient massivement leurs alliés européens depuis des années, l’indignation s’est fait largement ressentir. Des documents secrets révèlent que la NSA, l’agence nationale de sécurité américaine, ne se contente pas de collecter d’énormes quantités de données sensibles relatives aux citoyens de l’Union (rien qu’en Allemagne, on parle de 500 millions de communications par mois), mais les gouvernements, les représentations diplomatiques et les réseaux informatiques internes sont également touchés. L’ampleur inquiétante des activités des services secrets américains n’a été dévoilée que progressivement.

Les médias ont relayé l’information en masse et bon nombre d’hommes et de femmes politiques de premier plan n’ont pas caché leur indignation, ce qui n’a pas manqué de souligner l’étonnante circonspection des mesures prises. Certes, plusieurs diplomates américains ont été convoqués, sans que cela ne mène pour autant à des conséquences durables. Le sujet était épinglé à l’ordre du jour d’un sommet européen, mais une fois encore, aucun résultat adapté n’en est ressorti. La demande du Parlement européen visant à abandonner l’accord SWIFT n’a pas été accueillie favorablement par la Commission européenne ni par les chefs d’État et de gouvernement. Au lieu de cela, l’importance d’une alliance transatlantique a été réaffirmée en bloc. Les critiques ne sont pas du même avis.

Un accord « anti-espionnage » ? Non merci !

Cette affaire d’espionnage a un goût de trahison, surtout pour l’Allemagne. Après tout, le pays est l’un des premiers partenaires commerciaux et alliés des États-Unis. Dès lors, des voix partisanes d’un accord anti-espionnage se sont élevées, celui-ci devant contraindre les États-Unis à ne plus espionner les citoyens allemands et en particulier le gouvernement. Les États-Unis ont finalement répondu par la négative. Pourtant, la déception n’a pas été largement partagée en Allemagne, l’avis des États-Unis étant à prévoir. Le gouvernement allemand n’eut d’autre choix que d’accepter en grinçant des dents.

La faiblesse en matière de politique extérieure américaine pourrait profiter à l’Union européenne

La dernière baisse de moral en date dans les relations entre l’Europe et les États-Unis a été marquée par la gaffe de la diplomate américaine Victoria Nuland, en fonction au sein du département d’État pour le continent européen. Elle s’était indignée, au cours d’une conversation avec l’ambassadeur en Ukraine, Geoffrey Pyatt, de l’ingérence de l’Union européenne dans le conflit ukrainien en utilisant les termes « Fuck the EU » (« Que l’Europe aille se faire foutre »). Elle préconisait davantage une forte participation des Nations-Unies à la recherche d’une solution au conflit plutôt qu’un rôle de médiateur joué par l’Europe. Aux yeux des États-Unis, l’Europe n’affirme pas suffisamment sa position dans le conflit.

Les critiques soulignent les difficultés que connait l’Occident à revêtir une position commune en matière de politique extérieure. Alors que, depuis des années, l’Union peine à trouver des consensus intérieurs, les Américains connaissent des difficultés croissantes à prendre position au niveau international. Certes, les États-Unis ne se privent pas de recourir à leur rôle de superpuissance internationale pour tirer des conséquences ou pour menacer de sanctions, mais ils passent de moins en moins souvent aux actes annoncés. Le conflit syrien l’a clairement montré : en 2012, le président américain Barack Obama avait déclaré que l’utilisation d’armes chimiques avait été la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Néanmoins, lorsque les inspecteurs des Nations unies confirmèrent, à l’été 2013, l’utilisation de gaz sarin, le président retarda une intervention militaire prévue pour finalement abandonner complètement cette idée.

Cette faiblesse en matière de politique extérieure offre ainsi à l’UE la chance de redéfinir son rôle d’acteur international fort. Jusqu’à présent, ce rôle était affaibli par les divergences d’opinions des différents États membres. Le vote sur l’adhésion de la Palestine à l’Unesco en novembre 2011 était un bel exemple d’humiliation. Même les grands États européens, l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, ne parvenaient pas à se mettre d’accord. Il ne fait aucun doute qu’il n’est pas évident de concilier les différents intérêts, d’autant plus que la politique étrangère est traditionnellement une mission propre à chaque État. Néanmoins, les négociations en Ukraine ont démontré que l’Union européenne est tout à fait capable d’endosser son rôle de dirigeant avec brio. En fin de compte, c‘étaient les chefs des diplomaties allemande, française et polonaise qui ont largement contribué à accorder l’opposition et le gouvernement. Mais à l’avenir, ce ne sont pas les ministres nationaux des Affaires étrangères qui devront se réunir à la table des négociations, mais les détenteurs de mandats européens, tels que la Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères Catherine Ashton ou encore le Commissaire européen à l’élargissement Stefan Füle.

Conséquences pour l’avenir

Les incidents des derniers mois ont porté un grave préjudice aux relations transatlantiques. C’est pourquoi il est d’une extrême importance que l’Europe réaffirme maintenant son rôle à l’échelon international, afin de pouvoir agir de manière plus indépendante. Exemples de signaux forts en ce sens étaient la réforme européenne de protection des données ainsi que le nombre accru de revendications européennes apportées à l’accord de libre échange. Étant donné que les directives européennes sont très souvent plus exigeantes que celles des États-Unis, il sera possible d’éviter un relâchement des normes en matière de denrées alimentaires et de protection des consommateurs. De cette manière, l’Union européenne se positionne comme un partenaire égal en droits des États-Unis, capable d’imposer brillamment ses intérêts.

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