Champions de l’absentéisme
Le taux d’abstention dans les pays de l’Europe centrale est presque deux fois celui de l’Europe occidentale. Au cours des élections européennes, la participation en Hongrie s’élevait à 28%. En Pologne, elle était à 23%. En République tchèque, où le vote s’est déroulé sur deux jours, le 23 et le 24 mai, la participation n’a même pas atteint le pauvre seuil de 20 %. La palme d’or de la participation la plus faible revient néanmoins à la Slovaquie, qui bat le record absolu : seulement 13% des Slovaques se sont rendus aux urnes samedi dernier.
Malheureusement, il s’agit d’un phénomène récurrent qui se reproduit lors de nombreuses élections dans la région. Alors d’où vient ce désenchantement à l’égard de la politique ? Tout d’abord, il semble y avoir des difficultés au niveau de la consolidation démocratique. En effet, l’écart entre la population et les élites politiques reste considérable. Les riches deviennent plus riches, les pauvres restent en-dessous du seuil de pauvreté. Dans ce contexte, les partis politiques n’ont que très peu de membres, leurs cercles étant élitistes et restreints, ils ont du mal à représenter les intérêts sociaux. Voilà pourquoi la société civile reste peu organisée et les mouvements syndicalistes et les associations sous-représentés. Les mouvements syndicalistes français font d’ailleurs rêver en Europe centrale.
Malgré un faible taux de participation, les représentants politiques restent positifs : en dehors du Jobbik, le parti hongrois d’extrême droite, et dans une moindre mesure (mais d’autant plus étonnante) de la Pologne, les peuples d’Europe centrale n’ont pas voté pour des partis anti-européens, eurosceptiques, ou extrémistes. Marine le Pen va certes essayer de négocier avec le Congrès de la nouvelle droite polonaise mais il n’y aura vraisemblablement aucun député d’Europe centrale qui siègera avec l’extrême droite si jamais celle-ci parvient à se constituer un groupe au Parlement européen. Pour les trois élus du Jobbik, il n’est pas question de s’allier avec le Front National. La République tchèque et la Slovaquie restent complètement hors jeu.
Pourquoi un tel désintérêt ?
En Europe centrale, les élections européennes sont majoritairement considérées comme un scrutin de second ordre, sans grande importance pour régions locales. En effet, ces petits pays au coeur de l’Europe ont l’impression que leurs députés ont peu d’influence au sein du Parlement, que leur voix ne compte que très peu, que la politique européenne est beaucoup trop éloignée par rapport à celle au niveau national. Ils ont alors du mal à se faire motiver pour aller voter. Particulièrement évidente est la faible connaissance des institutions européennes. N’essayez même pas demander dans le rues de Brno, la deuxième ville la plus grande en République tchèque, ce que fait (ou ce qu’est) la Commission européenne. Ils vont vous dire qu’ils savent pas et que c’est un vrai casse-tête, mais qu’ils trouvent injuste le fait que Bruxelles réglemente leur beurre à tartiner. Les candidats au poste d’eurodéputés eux-mêmes constituent une cause de désenchantement. L’intérêt pour les élections diminue considérablement, car très souvent, les gens trouvent que les candidats choisis sont des politiciens de second rang. Ils estiment notamment que les élus sont des politiciens qui ont échoué au niveau local et que les partis nationaux les envoient à Bruxelles, dès qu’ils ont envie de se débarrasser d’eux. Dernièrement, et cela est incontestablement la raison d’abstention la plus récurrente en Slovaquie, sont les salaires des députés européens. En effet, les Slovaques trouvent cela particulièrement injuste qu’en période de crise, il peut y avoir des élus qui gagnent près de 6000 euros par mois alors que le salaire minimum dans le pays tourne autour de 700. Allez comprendre...
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