Les origines libérales de la construction européenne
De la nécessité de faire dépérir le système westphalien
La construction européenne puise ses origines dans un constat lucide. Pendant des siècles, le libre - jeu des puissances souveraines et des diplomates a échoué à maintenir la paix et la stabilité sur le continent. Au contraire, la guerre avait coutume d’être déclenchée par les caprices de ces derniers. Leur affaiblissement est donc indispensable à la préservation de la paix. Le socialiste Spinelli le constate dans son fameux Manifeste de Ventotene. La logique westphalienne (toujours vivante à travers l’hégémonie de la gouvernance inter-gouvernementale) ne s’est attachée qu’à préserver le pouvoir et les intérêts des élites politiques dominantes en méprisant les impératifs d’émancipation individuelle. L’État-nation a renversé les rapports légitimes entre l’autorité et l’individu, en faisant de la première une fin et du second un moyen, bafouant ainsi le principe de liberté qui constitue le socle de la civilisation. Les logiques westphaliennes doivent dépérir. La nécessité de substituer le libre jeu des puissances souveraines par le libre jeu de la société civile devient une évidence. L’abolition des barrières nationales constitue les processus politiques qui concrétisent le plus cette idée. Malheureusement, certains y voient l’opportunité de consolider l’État-nation et le système westphalien à l’échelle inter-continentale, ce qui dénaturerait instantanément la philosophie des pères fondateurs.
Vers la dépolitisation et l’individualisation des relations internationales
L’Union européenne n’est pas une fin soi. Comme toute construction politique, ce n’est qu’un simple outil dont l’utilité ne peut être que relative (ce qu’un euro-nationalisme n’admettrait plus). Sa mission consiste à impulser par la norme la dénationalisation des espaces sociaux et politiques pour conforter la portée universelle des libertés individuelles, fussent-elles civiles, économiques ou politiques. Ce dernier aspect de la liberté nécessite que l’on réinvente la citoyenneté en l’émancipant de l’identité nationale pour la fonder sur la résidence. La nécessité de remplacer la dimension diplomatique de la puissance publique européenne en charge de cette dénationalisation par une assise beaucoup plus parlementaire voire populaire a une double justification. La première tient à ce que la gouvernance diplomatique est imperméable au contrôle citoyen quand les processus parlementaires sont par définition plus facilement accessibles aux administrés. La seconde tient à ce qu’un cadre institutionnel parlementaire confère beaucoup plus de certitude pour s’assurer de la réciprocité des processus de dénationalisation. Difficile d’admettre la bienfaisance de cette entreprise en l’absence de culture libérale, d’autant plus que celle-ci est étroitement liée au fédéralisme européen.
Fédéralisme et libéralisme, même combat ?
Le fédéralisme n’est pas une idéologie
Contrairement à ce que l’on peut parfois entendre, le fédéralisme n’est pas une idéologie. C’est une doctrine. C’est d’ailleurs ce qui fonde son caractère résolument transpartisan. Remarquons tout d’abord que l’idéologie est un système de représentation complet, non lacunaire, qui doit s’imposer à tous les membres d’une communauté. Elle recourt à toute une ingénierie sociale en prétendant poursuivre une finalité déterminée, en général le bonheur de l’humanité. Or le fédéralisme n’a pas la prétention d’imposer un quelconque système de représentation à tous. Par exemple, dans une société fondamentalement fédérale, les entités fédérées sont libres de faire le choix (ou non) de l’hyper-centralisation. L’inverse n’est pas vrai. Chaque entité est libre de mettre en oeuvre des politiques progressistes ou conservatrices en toute autonomie pour peu qu’elle ne porte pas atteinte à la liberté des autres membres de la fédération.
Le fédéralisme est une approche libérale
Or qu’est-ce que le fédéralisme sans le libéralisme ? La doctrine fédérale recourt à la technique de la subsidiarité. Cette subsidiarité promeut la nécessité pour l’action politique, lorsqu’elle est nécessaire, de s’effectuer à l’échelle la plus petite possible. Or ce souci de la petitesse a bien une finalité individualiste. Il part du constat que le poids politique d’un individu est plus grand quand la société est plus petite. Privilégier l’échelon le plus petit ne sert donc qu’à maximiser la représentativité des processus décisionnels à son égard. Le « vivre-ensemble fédéral » se trouve ainsi concilié avec la multiplicité des revendications politiques, culturelles, sociales, éthiques propres à chaque société fédérée. Si la bienveillance de la doctrine fédérale semble admise par la plupart des obédiences politiques partisanes, ces dernières sont paradoxalement incapables d’appliquer à l’individu les principes qu’ils appliquent aux entités fédérées.
Le fédéralisme est à l’État fédéré ce que le libéralisme est à l’individu
Le libéralisme n’est pas une idéologie
Le politologue Raymond Aron énonçait que l’idéologie des démocraties libérales était une anti-idéologie. Liberté politique, économique, sexuelle, familiale, identitaire...Seul un environnement foncièrement libéral peut voir émerger de multiples conceptions de la vie en société, y compris celles qui sont hostiles audit environnement. Or de la même manière que le fédéralisme permet de concilier l’unité de la société et la diversité des cultures politiques à l’échelle des entités fédérées, le libéralisme permet de faire exactement la même chose sur le terrain pour permettre à chacun de vivre selon son éthique individuelle pour peu qu’il renonce à la contrainte pour l’imposer aux autres.
Le libéralisme est une doctrine transpartisane
L’ouverture du mariage aux couples gays n’entrave nullement le fonctionnement des familles hétéroparentales. La légalisation de l’euthanasie active ne force nullement les familles traditionalistes à l’utiliser. La liberté économique et le droit individuel à la propriété ne font pas obstacle à ce que des individus s’associent librement pour partager intégralement leurs ressources afin de faire vivre un communisme/socialisme à leur échelle. La dissolution des nations ne fait pas obstacle à la pratique individuelle ou collective d’un héritage culturel. L’ouverture des frontières et l’extension de la libre-circulation n’entravent pas la promotion du localisme. Pour tous ces cas de figure, le libéralisme ne s’attache qu’à ouvrir le champ des possibles en priant l’État de s’abstenir de les refermer par l’utilisation de son monopole de la violence. Or, ouvrir le champ des possibles en permettant l’exercice des libertés individuelles au-delà du simple cadre national, n’est-ce pas la finalité de la construction européenne ? Et si sa promotion passait par l’inculcation d’une culture authentiquement libérale ?
1. Le 18 décembre 2014 à 05:50, par Xavier C. En réponse à : Faut-il assumer la finalité libérale de la construction européenne ?
Quel exquis plaisir d’imaginer Zemmour lire cet article et se tordre de douleur. :D
Ferghane entreprend l’immense tâche d’expliquer le sens des termes « fédéralisme » et « libéralisme ». Un immense bravo, et merci. Une pensée pour Shaft, j’espère qu’il lira cette tribune avec attention.
Pourquoi la citoyenneté devrait-elle être « de résidence » ? Que faire du droit du sang ? Ne peut-on pas concevoir que certaines communautés s’organisent au-delà d’un territoire donné et soient représentées dans une structure fédérale ? Le terme de « droit du sang » peut choquer, mais c’est pour élargir à autre chose que le territoire, sans forcément aller dans l’ethnique. Je pensais en fait à l’État libre d’Islande dans lequel l’individu pouvait librement changer de clan.
Un prochain article sur le principe de subsidiarité ? :)
2. Le 18 décembre 2014 à 11:05, par Ferghane Azihari En réponse à : Faut-il assumer la finalité libérale de la construction européenne ?
Merci pour ton commentaire Xavier.
Quant à la citoyenneté résidentielle, il me semble que c’est la conception la plus libérale et la plus rationnelle qui soit de la citoyenneté (celle en vigueur en France de 1789 à 1795) : dès que l’individu subit la loi d’une communauté, il doit pouvoir la discuter. Dès lors qu’il ne la subit plus, il n’a plus aucune légitimité à exercer son droit de vote, car il ne ferait que diluer le poids électoral de ceux qui la subissent vraiment.
Je ne connais pas bien le système que tu évoques en Islande. Si tu veux nous l’expliquer, libre à toi.
3. Le 18 décembre 2014 à 13:11, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : Faut-il assumer la finalité libérale de la construction européenne ?
Merci pour cet article très intéressant. Soulignons toutefois que l’on parle ici de libéralisme dans sa dimension politique. Le fédéralisme européen ne préjuge pas nécessairement de la plus ou moins grande implication de l’État fédéré ni de l’État fédéral dans l’économie et dans la société. Au contraire il doit pouvoir rendre possible des expérimentations à la différence de système centralistes qui ne veulent qu’une politique unique pour tous.
Le fédéralisme dans l’absolu n’est pas une idéologie mais il existe des penseurs qui ont souhaité étendre les principes et valeurs du fédéralisme - au départ une méthode d’organisation de l’État - à d’autres domaines dans l’organisation de la société. C’est ainsi que des penseurs fédéralistes se sont notamment intéressés au revenu minimum garanti
4. Le 18 décembre 2014 à 14:44, par Xavier C. En réponse à : Faut-il assumer la finalité libérale de la construction européenne ?
@VXL « Au contraire il doit pouvoir rendre possible des expérimentations à la différence de système centralistes qui ne veulent qu’une politique unique pour tous. » Dans un ensemble fédéral et libéral, si une entité veut expérimenter l’hyper-centralisation, l’intervention étatique dans l’économie, la rigidité sociale, en un mot, le jacobinisme comme en France, il le peut. Mais cet ensemble fédéral, lui, n’a pas à intervenir en économie, ni à tenter de modeler la société : il doit respecter la diversité (sociale, fiscale, politique, etc. etc. etc.).
C’est vraiment dommage que l’UE possède la bonne devise (unis dans la diversité) et soit appuyée sur le bon principe (subsidiarité), mais en soit si éloignée dans les faits (principe de subsidiarité malmené et tendance à l’uniformisation).
@Ferghane Je ne connais pas particulièrement ce système islandais. J’ai juste lu quelques articles sur le sujet et cela me semblait être une piste intéressante. Il y a l’article de Wikipédia cité plus haut, mais également aussi celui du Québécois libre.
5. Le 18 décembre 2014 à 18:57, par Pierrick Hérin En réponse à : Faut-il assumer la finalité libérale de la construction européenne ?
Article intéressant, bon essai de démonstration. Toutefois je trouve que cet article prend de base un parti pris dangereux qui n’est pas de caractère trans-partisan. Or n’est-ce pas l’un des impératifs premiers des Jeunes européens ?
Selon l’auteur l’Union européenne doit, de façon quasi logique et peu discutable, entrer de pair avec le libéralisme. Or plusieurs groupes parlementaires européens souhaitent l’Union européenne dans une perspective beaucoup plus sociale ou jacobine, plus régulatrice des dangereuses dérives que le laisser-faire individuel en absence de peu de régulations institutionnelles peut faire (pensons aux lois économiques de Gordon Brown envers la City en Grande Bretagne, pensons à la crise des Subprimes qui est une oeuvre précisément libérale, ou de la prochaine bulle immobilière chinoise).
Je comprend que cet article ait pu être classé dans « Comprendre le fédéralisme », mais à mon humble avis cette rubrique ne devrait être consacrée qu’à des articles jugés « objectifs » afin d’expliquer le fédéralisme dans ses définitions les plus basiques et unanimement reconnues, des études de cas sur le terrain européen ou dans d’autres endroits du globe pour appréhender concrètement des exemples de fédéralisme (toujours dans ses définitions les plus basiques). Pour beaucoup ici nous sommes convaincus de l’Europe, mais nous avons des visions un peu différentes quant à l’interprétation du fédéralisme et comment le rendre le plus efficient et optimal en fonction des objectifs à atteindre. Aussi, toujours selon mon avis, cet article devrait être placé dans une rubrique comme « parole de militant » ou « opinions » car très peu objectif, opérant un plaidoyer massif auprès de groupes comme ALDE ou PPE, ne prenant pas la réelle peine d’expliquer les conceptions alternatives d’un euro-fédéralisme selon les différents groupes parlementaires. Le titre lui-même de l’article est dangereusement équivoque : « faut-il assumer la finalité libérale de la construction européenne ? », comme si cela était immuable et que libéralisme devait de toutes les façons intégrer à vie le code génétique de l’Union européenne..
Ranger cet article dans une autre rubrique, ce serait dans le but de préserver le caractère trans-partisan du Taurillon en affichant très clairement la couleur de ce travail (que je rappelle est très bien écrit et exposant clairement un type de pensée) et ne laissant pas d’ambiguïtés (oranges ou bleues) sur l’identité du Taurillon en faisant passer pour « généraliste et explicatif » cet article ayant un parti pris politique.
6. Le 19 décembre 2014 à 14:58, par Xavier C. En réponse à : Faut-il assumer la finalité libérale de la construction européenne ?
@Pierrick Hérin
« Toutefois je trouve que cet article prend de base un parti pris dangereux qui n’est pas de caractère trans-partisan. »
Le JE sont transpartisans. Ses membres ont le droit d’avoir un parti pris et de le mettre en avant, notamment sur le Taurillon. Transpartisan ne veut pas forcément dire "lisser les opinions", mais parfois "respecter les opinions". Si cela avait été un soutien officiel des JE (comme ils le font lorsqu’Attali propose de soigner la dette par de la dette), là vous auriez tout à fait raison.
« pensons à la crise des Subprimes qui est une oeuvre précisément libérale, ou de la prochaine bulle immobilière chinoise »
Oh ? L’État n’aurait donc aucune responsabilité dans la formation de la bulle immobilière aux USA ? Étrange. Et le marché immobilier chinois peut-il être qualifié, sans rigoler, de "libéral" ?
« dangereuses dérives que le laisser-faire individuel en absence de peu de régulations institutionnelles peut faire »
C’est clair que nous vivons dans un monde caractérisé par l’absence de régulations institutionnelles..... (ironie). Notamment dans les domaines bancaires et immobiliers ! (ironie encore) Et que la tendance était clairement à la réduction des régulations aussi bien en terme d’effectifs que du nombre de pages des réglementations (oui, encore de l’ironie !).
Je pense que cet article avait notamment pour but d’expliquer ce qu’est le libéralisme et, manifestement, vous en étiez une des cibles puisque vous réduisez le libéralisme au laissez-faire économique.
7. Le 19 décembre 2014 à 21:20, par Lucas Quinonéro En réponse à : Faut-il assumer la finalité libérale de la construction européenne ?
Merci pour cet article très intéressant.
Pour répondre à Pierrick, si je me souviens bien, les articles écrits n’engagent que leurs auteurs et non pas le magazine ni l’association fédéraliste. Je pense donc que l’auteur peut faire relativement ce que bon lui semble s’il estime que le libéralisme équivaut au fédéralisme, la rubrique est donc parfaitement choisie.
D’ailleurs, la « neutralité journalistique », ça n’existe pas. Alors vaut mieux assumer de prendre partie plutôt que d’écrire un article hypocrite qui se prétend neutre.
8. Le 20 décembre 2014 à 17:05, par Valéry-Xavier En réponse à : Faut-il assumer la finalité libérale de la construction européenne ?
« cet article prend de base un parti pris dangereux qui n’est pas de caractère trans-partisan. » : je serais très curieux d’apprendre quel parti politique en France s’inscrit dans la défense du libéralisme culturel que défend cet article...
9. Le 20 décembre 2014 à 21:41, par tnemessiacne En réponse à : Faut-il assumer la finalité libérale de la construction européenne ?
@ Pierrick Hérin
Tout à fait d’accord avec vous.
Mais c’est attristant de voir un tel ascendant et de voir les « chiens de garde » répliquer au quart de tour.
Il devrait y avoir plusieurs motions :
1) les fédéralistes vers un gouvernement mondial 2) les fédéralistes pour une égalité de chaque région / entité territoriale devant le Conseil / Commisssion 3) les européens, (résidents, citoyens) qui veulent améliorer les choses en Europe 4) les mêmes mais qui ont une sensibilité pour l’Europe et toutes ses histoires
10. Le 21 décembre 2014 à 04:01, par Ferghane Azihari En réponse à : Faut-il assumer la finalité libérale de la construction européenne ?
Tcemessiacne :
Gardez vos insultes de « chiens de garde » pour vous je vous prie. Le fait que vous ayez un avis différent des autres individus ne vous autorise pas à employer un tel langage. C’est tout simplement inacceptable.
11. Le 22 décembre 2014 à 15:21, par Shaft En réponse à : Faut-il assumer la finalité libérale de la construction européenne ?
La finalité libérale de l’Europe,telle que Ferghane la présente et telle que je le ressent moi-même, est la raison pour laquelle je la combats.
Tant que le libéralisme sera le moteur de l’Europe, jamais je n’en serais partisant.J’en serais au contraire l’un de ses ennemis les plus acharnés
12. Le 23 décembre 2014 à 16:49, par Xavier C. En réponse à : Faut-il assumer la finalité libérale de la construction européenne ?
Et quelle est votre alternative Shaft ?
Une Europe centralisée, uniformisée, nationaliste ?
Et, pour reprendre les points que j’avais avancé dans un commentaire sur un article précédent :
– un État très dépensier qui se substitue à l’investisseur privé,
– une instabilité réglementaire histoire de défavoriser les PME au profit des grandes entreprises qui peuvent s’accommoder d’un tel environnement,
– une réglementation complexe là encore pour défavoriser les PME qui naviguent à vue quand les entreprises de plus grande envergure ont des armées de conseillers,
– une instabilité fiscale, encore une fois pour défavoriser les PME qui sont moins bien armées que les grosses entreprises...
Vous êtes pour la mutualisation des dettes, contre la rigueur budgétaire (avoir un budget équilibré) ? Aller toujours plus profond dans les poches des contribuables pour financer la « solidarité » ?
13. Le 23 décembre 2014 à 17:51, par Bernard Barthalay En réponse à : Faut-il assumer la finalité libérale de la construction européenne ?
On ne peut interdire à personne d’être sectaire, mais je crains qu’à se jeter des -ismes à la tête, à classer les uns ou les autres, comme Spinelli qui se voit catalogué socialiste, alors qu’il venait du communisme et venait d’apprendre le libéralisme avec Rossi, tout en absorbant avidement Kant, Maïtre Eckhart et Saint-Paul, ou à considérer ces courants de pensée comme monolithiques et exclusifs, on condamne l’idée européenne à dépérir. D’ailleurs, c’est ce qui se passe sous nos yeux, dans un climat de guerres de religion. Sur ce point, ma conviction est faite de longue date. Tous ces courants sont pluriels. On peut les salamiser à l’infini et se réclamer d’une tranche plutôt que d’une autre en jetant des oukases, mais cela appauvrit le débat, tue l’imagination et fabrique la détestation des uns pour les autres. Or, tous ceux qui se réfèrent à ces courants, en condamnant le système des Etats souverains (westphalien) et l’idéologie de l’Etat-nation ont droit de cité dans la mouvance fédéraliste. Le fédéralisme n’a pas vocation à l’hégémonie. Il est le lien, comme nous y invite à le penser l’étymologie du mot (foedus), entre les pensées politiques de la modernité, comme elles pourraient l’être elles-mêmes, une fois dégagées des gangues totalisantes et ouvertes à la complexité. C’est bien l’intuition fondamentale des antifascistes et des adversaires socialistes du collectivisme d’Etat. On en trouve des traces dans le libéralsocialisme des Italiens, ou dans le Programme du Conseil national de la Résistance en France ou dans la la Loi fondmantale allemande ou dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, ou dans la pensée d’un Vaclav Havel, sans prétendre être exhaustif. J’ajoute qu’il y aurait peut-être intérêt dans cet esprit à redécouvrir la pensée d’un grand Français, Proudhon, volontiers déclaré inclassable par les libéraux aussi bien que par les socialistes, ce qui précisément augure bien de sa pertinence, et à se tourner par ailleurs vers les solutions concrètes à des problèmes réels dans le respect des principes qui fondent la paix et la démocratie.
14. Le 23 décembre 2014 à 17:53, par Bernard Barthalay En réponse à : Faut-il assumer la finalité libérale de la construction européenne ?
Valéry-Xavier mentionne à juste raison le revenu de base, idée inclassable comme Proudhon, qui attend sa maturité depuis plus de deux siècles, de Paine à Standing, et dont nous avons besoin plus que jamais, quand le travail disparaît et que le passage d’un métier à l’autre, qui est tout sauf instantané, augmente la précarité et rend vaines les solutions à base de réduction du temps de travail. Bref, je vous enjoins à considérer que notre adversaire n’est pas l’Etat « utile », la puissance publique ou la res publica, mais l’Etat « abolutisé » qui fait alliance avec une idéologie exclusive, qu’il s’agisse de la nation, donnant naissance au « monstre paranoïde » (Morin) de l’Etat-nation ; ou de l’Etat réduit à sa dimension sécuritaire pour protéger la liberté des ultra-riches, complice du libéralisme, ou plutôt du libertarianisme, véritable dictature du marché aveugle, qui détruit le lien social ; ou de l’Etat du socialisme « étatique », qui donne naissance au soviétisme de sinistre mémoire.
15. Le 24 décembre 2014 à 14:36, par Alexandre Marin En réponse à : Faut-il assumer la finalité libérale de la construction européenne ?
@Shaft @Xavier C
La finalité libérale évoquée dans l’article ne fait pas référence à un libéralisme économique, mais à un libéralisme politique.
La finalité de la construction européenne ne va pas de pair avec un idéal économique. On peut soutenir l’idée européenne, qu’on soit ultra-libéral ou communiste.
Par conséquent, soutenir ou s’opposer à l’idée européenne pour des raisons économiques, c’est aussi impertinent que soutenir ou s’opposer à l’existence de la République française en raison de la politique menée par tel ou tel gouvernement.
16. Le 11 août 2016 à 05:15, par Anne-Solène L En réponse à : Faut-il assumer la finalité libérale de la construction européenne ?
Ce brillant article m’interpelle et m’évoque le livre exquis de Milan Kundera : « L’Ignorance » qui évoque la complexité à faire entendre sa voix lorsqu’on entre dans un autre pays que celui qui nous a vu naître ; chef d’oeuvre que Mr Zemmour aurait probablement discrédité s’il en avait eu l’occasion. L’ignorance serait de refuser d’accepter l’union de manière générale au détriment d’eux, oui, des autres. Nous devrions bannir l’ignorance démagogique au profit d’un système plus ouvert porteur de valeurs et d’actes concrets, en faveur de tous, et la sensibilisation des scolaires sur l’Europe, les rencontres, les débats sont les clés du monde de demain.
Nos frontières ne doivent pas redevenir des barbelés idéologiques ou économiques, bien au contraire ; les dessins géographiques que l’on colorie dès l’école primaire, pourraient laisser place à la création innovatrice de contours plus neutres et moins effrayants.
La politique européenne, selon moi, ne se fait pas toujours assez entendre dans la cohue des médias comme une réalité positive pour tous, et les debats extrémistes et démagogiques polluent souvent nos chaînes de télévision, malheureusement...
Merci Ferghane Azihari !
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