De la dramaturgie à la politique
Franca Rame naît en 1929 dans la province de Milan dans une famille d’acteurs : son père descend de générations d’acteurs et sa mère s’est elle aussi rapidement tournée vers la comédie. La jeune Franca Rame grandit dans une atmosphère théâtrale et joue dans des pièces montées par ses parents. A l’âge de 21 ans, elle se produit avec sa sœur dans des revues et entre l’année suivante dans la compagnie de Tito Scotti. Après le succès, l’amour ne tarde pas à la rencontrer : en 1954, France épouse Dario Fo, dramaturge, acteur et metteur en scène talentueux.
Ensemble, ils mettent en oeuvre des projets liés au théâtre. Quatre ans après l’officialisation de leur union, ils montent la Compagnia Dario Fo-Franca Rame ; elle y tient le rôle d’administratrice et d’actrice tandis qu’il en devient le metteur en scène et le dramaturge. Progressivement, Franca décide d’intégrer une dimension politique et satirique aux pièces de théâtre et de mettre en avant ses engagements. Les œuvres traitent de la corruption en Italie, du machisme ou encore de la répression politique. Le couple se déplace pour jouer partout dans le pays : dans les hôpitaux, les salles de fêtes et même dans les usines en grève. Leur réputation se construit au fil de leurs représentations et bientôt des ennemis parviennent à se mettre en travers de leur chemin.
Victime de ses convictions
L’engagement politique de Franca Rame prend un tournant tragique en 1973, lorsqu’elle est enlevée, violée et torturée pendant plusieurs heures par cinq militants d’extrême-droite, à l’instigation des carabiniers de la division Pastengro. Profondément traumatisée par cet événement, la jeune femme taira pendant des années ses souffrances, les dissimulant même à son mari Dario Fo. « Cela m’était absolument impossible d’en parler. J’avais l’impression d’avoir perdu ma dignité », expliquera-t-elle longtemps après son calvaire. C’est en 1981 qu’elle décide de raconter son traumatisme en publiant et jouant Viol (Lo stupro), directement basé sur les faits survenus en 1973. Texte émotionnellement fort et percutant, il permettra à l’Italie de prendre conscience des violences sexuelles qui sont faites aux femmes. Malheureusement pour Franca, bien qu’un procès ait eu lieu 25 ans plus tard, les faits ont finalement été prescrits et les criminels jamais condamnés.
Malgré les épreuves endurées, Franca Rame ne se décourage pourtant pas et continue de se battre pour ses convictions. En 2006, son ambition se concrétise : elle se présente aux élections sénatoriales en Italie sur la liste du Parti des Valeurs (Italia Dei Valori – IDV) et devient une élue de son pays. Mais son mandat ne sera que de courte durée. Deux ans plus tard, elle claque la porte du Sénat, lassée par la corruption dans le système italien. La scène politique ne l’aura finalement pas autant emportée que la scène du théâtre.
En évoquant le Prix Nobel attribué à Dario Fo en 1997, Franca Rame dira : « Pourquoi les femmes n’ont-elles jamais de Prix Nobel ? Parce qu’elles n’ont pas d’épouse pour les aider !« . Une bonne manière de démontrer que les femmes jouent souvent un rôle important dans le succès de leurs hommes.
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