Pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Fernando Iglesias, j’étudie le thème de la mondialisation autour duquel j’analyse celui de la démocratie globale et du fédéralisme mondial. Dans ce domaine, je préside une ONG argentine qui s’appelle « démocratie globale » (Democrácia Global), et qui a comme objectifs l’intégration régionale et le Parlement mondial. Je préside le Conseil du Mouvement fédéraliste mondial (WFM en anglais), et je dirige la Chaire Spinelli de Buenos Aires, spécialisée dans l’étude et la promotion de l’intégration régionale sud-américaine. Je suis également journaliste et écrivain, j’ai publié plusieurs livres sur ces thèmes, j’ai été député, membre du Parlement du MERCOSUR, et du Parlement latino-américain.
Quelle sont les raisons en 2010 qui t’ont poussé à prendre l’initiative de ce Manifeste ?
Le Manifeste pour une démocratie globale est une initiative que j’ai proposée devant l’apparition d’un très grand nombre de mouvements sociaux, à travers le monde, qui manifestaient leur mécontentement face au degré actuel de démocratie, du printemps arabe aux indignés espagnols, et à l’occupation de Wall Street, il y avait un net mécontentement vis-à-vis de l’ordre politique existant. Même si ces mouvements n’étaient pas unis, ils avaient des causes et des motivations communes et il m’a semblé opportun de tenter d’exprimer une certaine forme de cohésion autour du concept de démocratie globale que j’avais rencontrée au cours de mes recherches auprès de beaucoup des auteurs qui ont finalement signé le Manifeste. C’est pourquoi, j’ai écrit un premier texte qui fut corrigé avec l’aide de plusieurs d’entre-eux, de Miguel (José Miguel Onanindia ?), Heikki Patomäki, Daniele Archibugi, Saskia Sassen, entre autres, à qui nous avons proposé la signature.
A Paris, tu as parlé d’un Manifeste « pluraliste » pour la Démocratie globale. Pourrais-tu l’expliquer ?
Nous avons eu la signature d’un très grand nombre d’experts sur ces thèmes, après cela, nous avons organisé des conférences dans le monde entier, dans les villes ou capitales principales où nous avons pu nous organiser pour soumettre le Manifeste pour la démocratie globale à l’appréciation du public. Nous l’avons faite, la première fois, à la London School of Economy à Londres, avec Saskia Sassen, Richard Sennett, Daniele Archibugi, Miguel et moi. Nous l’avons ensuite fait au Sénat italien à Rome où furent présents Daniele Archibugi, Giacomo Marramao, Roberto Esposito, Heikki Patomäki, moi-même, Raffaele Marchetti, et Lucio Levi. Ensuite, nous l’avons fait avec Daniel Innerarity et un groupe de chercheurs espagnols au musée San Elmo de San Sebastián (Pays Basque), en Argentine, où furent présents Teivo Teivanen, Juan José Sebreli, Juan José Campanella, Jorge Castro, moi-même et plusieurs signataires argentins.
Enfin, la dernière, à Sciences-Po, fut, selon moi, la plus excitante et les orateurs furent M. Boutros Boutros-Ghali, ancien Secrétaire général de l’ONU, Pascal Lamy, ancien Président de l’OMC, Bertrand Badie, de Sciences-Po, Alain Touraine, un des plus grands intellectuels français. Nous fûmes aussi présents Heikki Patomäki et moi. Quoi d’autre ? Le manifeste est pluraliste ; car il part de l’idée que si nous voulons une démocratie globale, nous devons tous y participer, toutes les démocraties du monde devraient y participer, y avoir des représentants, et également le droit de participer à sa construction.
Il y eut beaucoup d’essais de document de la sorte, mais je pense qu’ils étaient tous trop orientés dans une certaine ligne idéologique alors que l’objectif de ce Manifeste est de pouvoir dire des choses importantes en faveur de la démocratie globale et de demander certaines mesures concrètes, comme la création d’une Assemblée parlementaire des Nations Unies (UNPA), la réforme démocratique de l’ONU, un pouvoir plus important à la Cour pénale internationale, la réforme de la Cour internationale de justice, l’avancée vers des formes d’intégration régionale, et la participation de ceux qui font partie de la démocratie, depuis la gauche ou les sociaux-démocrates, les libéraux, les sociaux-chrétiens, et ceux qui ne rentrent pas explicitement dans l’une de ces idéologies. En ce sens, le Manifeste est pluraliste et je crois que l’une des clés de son succès est justement d’avoir appelé au consensus général autour de l’idée de démocratie.
Où en êtes-vous avec votre campagne de signatures ?
La campagne pour les signatures a été organisée par Democrácia Global , qui est une petite ONG argentine avec très peu de fonds. Elle a organisé la campagne et continue à promouvoir son lancement partout. Le prochain rendez-vous sera fin mars 2014 à l’université d’Helsinki avec Teivo Teivanen, Heikki Pätomaki, moi, et d’autres chercheurs que nous connaîtrons sous peu.
Pour connaître les signataires, le moyen le plus simple est d’aller sur Internet, et chercher dans « global », dans l’une des versions, elle est en espagnol, en anglais, en français et on peut voir qui l’a signé. C’est globaldemocracymanifesto.org., facile à chercher sur Google en écrivant Manifeste pour une démocratie globale dans l’une des langues dans lesquelles il est traduit.
Quels sont les liens entre cette action et le World Federalist Movement ?
La relation entre le concept de démocratie globale et le fédéralisme mondial est très étroite, il n’existe pas de démocratie globale sans fédéralisme, sans une répartition et une coordination fédérale des politiques, et le Mouvement fédéraliste mondial l’a bien compris. C’est pourquoi l’activité du Manifeste n’est pas une activité officielle du Mouvement, elle a été acceptée par le Mouvement au dernier congrès qui s’est déroulé en 2012 à l’Université de Winnipeg, au Canada.
En conclusion comment pourrais-tu résumer la notion de démocratie globale ?
Résumer la notion de démocratie globale. La démocratie globale est une application du concept de démocratie dans chaque question pour laquelle il faut prendre des décisions politiques et où il est nécessaire d’avoir des politiques communes pour affronter certains problèmes, ce qui veut dire que le concept de démocratie globale ne fait pas seulement référence à la construction d’institutions mondiales, mais aussi à la démocratisation des institutions mondiales existantes comme les Nations unies, à la démocratisation de l’ordre politique global, mais surtout aussi à un vaste réseau d’institutions capables de prendre des décisions politiques, depuis le local jusqu’au provincial, jusqu’au national, le continental / régional, l’international et le mondial. Tout cet ensemble de manières de prendre des décisions politiques de manière démocratique, en respectant la représentation démocratique à tous les niveaux, est ce que nous appelons « démocratie globale ». Il faut dire que le concept de démocratie naît de cela justement, du droit de chaque citoyen à participer aux décisions qui affectent son destin.
Aujourd’hui, les procédés qui affectent notre destin ne se détiennent pas au niveau local, régional, ou continental, ils ont franchi les barrières nationales, ils sont arrivés à des niveaux régionaux et globaux, comme la crise financière, le changement climatique, la prolifération nucléaire, le terrorisme international, les problèmes liés aux grandes épidémies, il y a toute une série de problèmes qui ont dépassé la sphère nationale, et c’est pourquoi la démocratie doit aussi la dépasser, et s’installer à tous les niveaux, y compris les niveaux international et global, comme l’a dit Georges Monbiot, qui est un des signataires du Manifeste, tout s’est globalisé sauf la démocratie, et je crois que les êtres humains sont en train de payer ce problème avec la dégradation de nos conditions de vie et l’augmentation des grandes crises globales qui affectent le futur de l’humanité.
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