Football féminin au sein de l’Union européenne : la chute ou l’envol ?

Deuxième partie : Des équipes toujours plus populaires, un marché qui s’accélère

, par Jérôme Flury

Football féminin au sein de l'Union européenne : la chute ou l'envol ?
Les Néerlandaises viennent d’ouvrir la marque face au Canada. Comme lors de chacun de leur match de la Coupe du monde, elles sont poussées par une marée orange de supporters. Photo : Jérôme Flury

L’heure du football féminin a-t-elle sonné en Europe ? Devant les records de popularité que connaît la discipline et les évolutions positives, notamment sur le plan financier, que démontrent les clubs du Vieux continent, les raisons d’être optimiste sont réelles.

"La Coupe du monde Féminine de la FIFA 2019 est une compétition qui fera date en raison du nombre de records battus sur le terrain et en dehors.” Gianni Infantino, président de la Fifa, n’a pas tari d’éloges au moment de revenir sur le mondial qui s’est tenu en France à l’été 2019.

Stades et canapés se remplissent

Il faut bien reconnaître qu’en termes d’audience et d’affluences, cette dernière coupe du monde a été réussie. Le cap du milliard de téléspectateurs a été franchi, une première dans l’histoire de la compétition et les stades ont globalement fait le plein, avec un pic à 57 900 spectateurs assistant à la finale Pays-Bas - Etats-Unis, un record d’affluence historique en France pour un match de football féminin. Cette compétition était l’épilogue parfait d’une saison 2018-2019 de tous les records. Les chiffres d’affluence des matchs de football féminin sont de plus en plus impressionnants en Europe, témoignant d’un intérêt croissant. 60 739 spectateurs étaient présent le 17 mars 2019 en Espagne pour la confrontation entre l’Atletico Madrid et Barcelone, record en la matière pour des clubs féminins.

Mais d’autres gros chiffres sont tombés. 39 000 personnes le 24 mars pour le choc en Italie entre Juventus Turin et Fiorentina, 43 000 le 4 mai pour la finale de la Coupe d’Angleterre entre Manchester City et West Ham ou encore près de 78 000 spectateurs au match Angleterre - Allemagne le 9 novembre ! De manière surprenante, le public a répondu moins présent en Allemagne ou en France, même si le record pour la D1 féminine a tout de même été battu le 16 novembre : 30 661 personnes étaient au stade lors du match opposant l’Olympique Lyonnais et le Paris Saint-Germain. Cela prouve aussi un développement diversifié des championnats féminins.

Cependant, le faible dynamisme en Allemagne et en France a tout de même de quoi inquiéter alors que les clubs de ces deux pays se renforcent et font figure de cadors sur le continent. Katharina Reckers n’était pas allée de main morte à l’heure de dénoncer cet état de fait en Allemagne, écrivant à propos du nombre de spectateurs relevé en Espagne : « Ce record montre en quoi l’Allemagne se trompe ». En France aussi, certaines voix s’élèvent, alors que parmi les compétitions féminines, le football draine encore moins de public que le basket ou le volley. Un des membres du collectif de supporters lyonnais “Ol’Angelles” avait déploré la communication autour de la finale de la Coupe de France remportée par son club en 2019. Il avait notamment dénoncé le choix du stade de Châteauroux pour un tel événement. « Quand en Angleterre on dispute la finale de la Cup à Wembley, en France c’est dans un stade où derrière les buts la vision est complètement perturbée par des armatures métalliques et des filets, dans une ville où pas une seule affiche annonçait le match, dans un stade loin d’être à guichets fermés, un peu moins de 10 000 spectateurs. »

Tout n’avance donc pas au même rythme, mais les choses avancent, surtout en Europe occidentale. Au Portugal aussi, le 30 mars 2019 et pour un match dont les bénéfices revenaient aux victimes de la tempête au Mozambique, 15 204 spectateurs s’étaient installés dans les gradins pour suivre la rencontre entre Benfica et le Sporting.

Ce qui est certain, c’est que l’intérêt est grandissant. Dans un sondage Ipsos révélé en mars 2019 par la Ligue de football professionnel française, 30% des femmes ont indiqué être intéressées par le football. Elles étaient 20% en 2013-2014. La présidente de la Ligue, Nathalie Boy de la Tour n’avait alors pas caché sa satisfaction de voir « 2,8 millions de femmes intéressées par le foot, qui ne l’étaient pas deux ans plus tôt ».

Le mondial 2019 est bien venu renforcer ce mouvement. Le nombre de personnes qui se sont rassemblées devant les écrans avait été sous-estimé. TF1 n’avait pas vu venir cet engouement, comme l’avait expliqué Europe1 l’an dernier. « On savait que ça serait un bel événement. Mais peut-être qu’on ne s’attendait pas à des niveaux aussi exceptionnels d’audience dès le démarrage », a reconnu François Pélissier, directeur général de la publicité et des sports pour la chaîne numéro 1. « Les tarifs publicitaires ont été augmentés de 50 à 60 % sur les matchs de l’équipe de France. » L’argent, tiens, parlons-en…

Des transferts et des salaires qui se multiplient

Sarah Bouhaddi en route vers les Etats-Unis”, “Sarah Bouhaddi annonce son départ”, “Sarah Bouhaddi prolonge finalement avec l’Olympique Lyonnais”... En ce printemps, la gardienne de l’équipe de France a fait l’objet d’un véritable feuilleton, qui aurait pu sembler inimaginable il y a quelques années encore. Certes, des Américaines comme Alex Morgan à Lyon ou des Brésiliennes, comme Cristiane au Paris Saint-Germain, se rendent dans le championnat de France depuis des années déjà, mais le mouvement s’accélère.

La D1 française attire et plusieurs équipes accueillent dans leurs rangs des joueuses étrangères. Pourtant, c’est seulement en 2013 que le premier transfert payant de l’histoire du football féminin s’est produit, avec le mouvement de la buteuse Marie-Laure Delie de Montpellier au PSG, en 2013, pour 50 000 euros. Désormais, l’argent n’est plus tabou. Les salaires augmentent. Kadidiatou Diani, attaquante au Paris SG qui attirait les convoitises, a été prolongée par le club de la capitale… moyennant un salaire de 450 000 euros par an, faisant d’elle la joueuse la mieux payée de l’hexagone. Quelques mois plus tôt, c’est l’Australienne Sam Kerr qui défrayait la chronique en arrivant au club londonien de Chelsea contre la promesse d’un salaire de 480 000 euros annuels, un record.

Droits télé, “naming” : des chèques toujours plus grands

Alors pourquoi une telle montée en puissance ? Parce que l’argent rentre dans les caisses. Par le naming des championnats, une nouveauté en France notamment. Un sponsor donne ainsi de l’argent pour que son nom soit accolé à la compétition, ce qui est un gage de visibilité. La pratique est ancienne dans le football masculin mais elle se développe désormais chez les femmes. Le championnat français est nommé depuis la saison 2019/2020, “D1 Arkema”, du nom de l’entreprise de chimie, pour un contrat estimé à un million d’euro par an. En Angleterre, la firme bancaire Barclays a même promis dix millions de livres sterling sur trois ans, soit plus de 3,5 millions d’euros par an. Et ce phénomène se généralise, comme en Espagne, en Suède ou en Allemagne.

Autres montants logiquement en augmentation : les droits télévisés, comme le montrait l’exemple de TF1 pour la Coupe du monde. En Italie par exemple, le groupe Sky s’est accordé avec la fédération. En France, Canal + s’est octroyé les droits exclusifs de la D1 entre 2018 et 2023 en l’échange de plus d’un million d’euros. Un cap est peut-être en train d’être franchi. En mai, l’Equipe a publié un article “En finir avec le mépris pour le foot féminin”, avec plusieurs propositions pour les mois à venir, dont la mise en place d’un salaire minimum en France. Il faudra sans doute en passer par là. Il est temps au sein de l’UE d’offrir plus de garanties à des joueuses qui génèrent plus de gains.

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