“God save the King !” : Histoire du drapeau britannique

, par Paul Brachet

“God save the King !” : Histoire du drapeau britannique
Drapeau du Royaume-Uni ou Union Flag, appelé plus trivialement Union Jack. © Pixabay

Ce 6 mai 2023 est un jour historique. Le Royaume-Uni célèbre le couronnement de son nouveau Roi, Charles III. La dernière fois que le pays a connu un couronnement, ce fut pour la Reine Elizabeth II, le 2 juin 1953. Une occasion de célébrer l’unité du Royaume alors que cette dernière a été fragilisée ces 10 dernières années. Une unité symbolisée également par le drapeau du Royaume-Uni : l’Union Flag.

Quand le Royaume d’Angleterre devient Royaume de Grande-Bretagne

Le premier usage de l’Union Jack est constaté trois ans après la création de l’union personnelle entre les royaumes d’Angleterre et d’Écosse, lorsque le Roi Jacques IV d’Écosse hérite des deux trônes en 1603. Si les deux Royaumes restent indépendants, le roi impose à l’ensemble des navires de hisser un pavillon composé de la croix rouge sur fond blanc de Saint George, symbole de l’Angleterre, et de celle blanche sur fond bleu de Saint André, symbole de l’Écosse. Les navires conservent toutefois l’obligation de brandir, au côté de l’Union Jack, l’étendard de leur Nation, celui du Royaume d’Angleterre ou celui du Royaume d’Écosse.

Le drapeau, qui n’est alors que pavillon, ne fait pas l’unanimité, notamment chez les Écossais les plus attachés à l’indépendance de leur Royaume. Ces derniers le considèrent comme outrageux. Pour eux, le fait que la croix de Saint André soit recouverte par celle de Saint George implique implicitement que l’Écosse se soumet à Westminster. Les soutiens au drapeau arguent au contraire que le drapeau est le fruit d’un consensus sur l’union personnelle : si la croix anglaise recouvre celle écossaise, la couleur dominante et essentielle du pavillon est bel et bien le bleu de Saint André. Malgré les quelques querelles, le pavillon est plutôt bien accueilli. En 1707, l’Union act, qui unie officiellement Edimbourg et Londres et créé ainsi le Royaume-Uni de Grande Bretagne, impose l’Union Jack, devenu Union Flag, comme drapeau officiel. Le drapeau aux deux croix va rapidement s’imposer aux drapeaux nationaux des Royaume d’Angleterre et d’Écosse quant à la représentation du pouvoir politique, aussi bien sur l’île que dans le reste de l’Europe.

Nouvelle nation, nouvelle croix, nouveau drapeau

En 1800, un nouvel acte d’Union est signé pour unifier le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et celui d’Irlande. Or, le Royaume d’Irlande est largement représenté sur l’île et en Grande-Bretagne par une harpe d’or sur un fond bleu, et non par une héraldique en croix. Cette situation rend difficile aux premiers abords la concrétisation de l’union des royaumes sur l’Union Flag. Cependant, une croix permet la représentation de l’Irlande sur le drapeau du nouveau Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande : la croix de Saint Patrick. En plus d’être le symbole du sain patron de l’île, la croix rouge écartelée sur fond blanc est aussi le symbole choisi par l’une des plus puissantes familles anglaises d’Irlande, les Fitzgeralds. Cette famille noble anglaise est en effet Duc de Leinster, alors province la plus riche d’Irlande, et marquis de Kildare.

L’ajout de la croix de Saint Patrick aux croix de Saint André et de Saint George finalise le drapeau du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande. Même après l’indépendance de la partie méridionale de l’île d’Irlande, devenue République d’Irlande, l’Union Flag est restée inchangé, notamment du fait que le drapeau représente désormais le Royaume de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

Rule Britannia ! L’Union Jack à l’heure de la (dé)colonisation

Comme énoncé plus tôt, l’Union Flag est tout d’abord un pavillon maritime. C’est à ce titre qu’il va faire le tour du monde alors que les grandes puissances européennes, dont le Royaume-Uni, se lancent dans une course à l’exploration du globe. Une exploration qui va devenir colonisation et impérialisme alors que les marins, les marchands et le pouvoir politique se rendent compte du potentiel mercantile des « nouvelles terres ».

Des colonies sont mises en place. Les différents territoires de ce qui devient l’Empire britannique sont sommés de hisser l’Union Flag. L’Empire constitué par Londres ne cesse de croître jusqu’à atteindre son apogée à la fin du XIXème siècle. L’Union Flag a sous son emprise quatre cents millions d’habitants et près d’un quart des terres émergées de la planète. Son influence est si grande que la Reine du Royaume-Uni de l’époque, la Reine Victoria, donnera son nom à cette période : l’ère victorienne.

La Seconde Guerre mondiale met fin à l’Empire, mais pas à celui de la présence de l’Union Flag aux quatre coins du globe. Si aujourd’hui, la majorité des anciennes colonies peuvent être qualifiés de souveraines, l’Union Flag reste présent sur les drapeaux de dix-sept États et territoires. Outre le Royaume-Uni, l’Union Flag peut être vu sur les drapeaux de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande -États dont le souverain demeure le Roi d’Angleterre- des Fidji, ou encore sur celui de l’État d’Hawaii. Cette présence n’est pas sans critique. En Australie et en Nouvelle-Zélande, les débats et consultations sont récurrents quant à un possible changement de drapeau, citant notamment les exemples canadiens et sud-africains qui ont tous deux fait disparaître l’Union Flag de leur drapeau national.

Disunion Jack ?

Aujourd’hui, n’importe qui reconnaît le drapeau du Royaume-Uni. Or son avenir n’est pas assuré, tant ces dernières années le Royaume n’a semblé désuni.

Depuis le vote en faveur du Brexit en 2016, le Royaume souffre de tendances sécessionnistes notamment dans les provinces qui ont votés pour rester dans l’Union européenne ; parmi elles, l’Irlande du Nord et l’Écosse. En effet, les partisans d’une réunification irlandaise sont passés de 17% en 2013 à 41% en août 2022. Une tendance qui devrait s’accélérer quand on regarde les dernières données démographiques : les catholiques, majoritairement partisans d’une réunification, sont plus nombreux que les protestants, partisans de l’union avec la Grande-Bretagne. Une tendance qui ne ralentit pas. En Écosse, la société est divisée en deux parts égales : 50% souhaitent devenir une nation indépendante, 50% pensent que l’avenir de l’Écosse est dans l’Union britannique.

De l’avenir du Royaume-Uni dépendra celui de l’Union Flag. En attendant, 64% des Britanniques pensent qu’en cas d’indépendance de l’une des nations constituantes, l’Union Flag devrait être modifié. Dans tous les cas, une unanimité existe sur le fait que la quatrième nation constituante du Royaume, le Pays de Galles, n’est pas assez représentée sur le drapeau. Un état de fait que 71% des Britanniques interrogés souhaitent changer en ajoutant un symbole gallois à l’Union Flag. Le drapeau du Royaume-Uni est donc en perpétuel évolution, au gré des changements politiques mais surtout territoriaux du Royaume britannique.

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