Il est temps de réformer les institutions européennes

, par Deodato Ntoni

Il est temps de réformer les institutions européennes
Photo : Ursula von der Leyen, présidente de la Commission et Charles Michel, président du Conseil Européen. © European Union

Rayée de critique depuis plusieurs décennies, l’Europe est très vite devenue le bouc émissaire des souverainistes. Sous ces critiques, il y a des leçons à tirer car les fragilités de l’Union européenne sont bien réelles et présentes. Une réponse doit donc découler pour résoudre ces faiblesses longtemps constatés, au sein de notre chère Union européenne. À travers cette tribune, je vous fait part de mon analyse de la situation et des solutions qui me semblent justes.

« L’Europe avance à petits pas, mais ces pas, sont des pas de géants » disait R. Schuman. Cette phrase est pleine de sens et sans doute un constat positif pour l’un des pères fondateurs de l’Europe. Mais, chaque jour qui passe, la confiance des citoyens européens envers elle se rétrécit. La moyenne de défiance envers l’UE, dans les 27 États-membres de l’Union européenne, s’élève à 46%, selon un sondage réalisé par l’institut Kantar en 2019. Le temps est désormais venu de moderniser les institutions européennes. L’Union européenne est actuellement un ring familial où chaque État vient défendre ses intérêts. Elle est incapable de faire respecter ses valeurs sur son propre sol, comme le montre la situation de l’état de droit en Pologne, en Hongrie, ou encore en Slovénie, qui est pourtant, l’une de ses valeurs fondatrices, inscrite dans l’article 2 du traité de l’Union européenne (TUE). Il existe une ingouvernabilité institutionnelle liée à la règle de l’unanimité. Comme l’a montré le conseil européen de décembre 2019, 26 États étaient suspendus à la décision d’un seul état, la Pologne. Ce même scénario s’est reproduit à plusieurs reprises, lors du conseil européen de novembre 2020 par exemple. Excédés par le disposition qui prévoit de conditionner l’accès à tout financement européen au respect de l’Etat de droit, la Hongrie de Viktor Orban et la Pologne de Mateusz Morawiecki ont bloqué le plan de relance européen pendant que des pays comme l’Italie et l’Espagne étaient au bord du gouffre économique. À ceci, vient s’ajouter le manque de clarté et de visibilité auprès des citoyens de ces institutions, qui ne sont pas très démocratiques et s’apparentent beaucoup plus à une technocratie.

Stabiliser le processus de décision

C’est pourquoi je propose une réforme majeure des institutions européennes. Tout d’abord, le Conseil européen, devenu une arène politico-diplomatique, doit être modernisé. L’article 15, alinéa 4 du TUE doit être modifié, en remplaçant le “consensus” par une prise de décision à la majorité qualifiée. Autrement dit, les décisions devront être prises par au moins 2⁄3 des États-membres, donc 18, à condition que ces 2⁄3 ou plus, représentent au moins la moitié de la population européenne. Cette règle n’est d’ailleurs pas une nouveauté, mais est déjà en place pour certaines décisions.

Faire du Parlement européen le pilier de la cohésion et de la démocratie

Par ailleurs, il est nécessaire de doter l’UE de vrais parlementaires et non pas des « plénipotentiaires », regroupés en délégations, venus défendre les intérêts de leur pays. En effet, bien qu’une très grande partie des votes des eurodéputés répond à la logique de la consigne de vote de son groupe parlementaire. Force est de constater que lors des décisions importantes, les groupes semblent voler en éclat. Les négociations autour du plan de relance ont été l’occasion d’observer quasiment toutes les faiblesses, mais aussi les forces, de l’Union européenne. Par exemple, au sein du groupe Renew europe, les députés de la délégation néerlandaise (VDD) étaient opposés à la mutualisation de la dette alors que la majorité du groupe y était favorable, notamment les eurodéputés de la délégation Renaissance. C’est pourquoi je propose que le mode de scrutin aux élections européennes soit modifié. Je propose qu’il y ait un scrutin proportionnel à l’échelle européenne, avec des listes transnationales.

Le Parlement européen doit être bicaméral et non pas unicaméral comme actuellement. Ces chambres porteront les noms de Chambres des eurodéputés pour la chambre basse et Sénat européen pour la chambre haute et devront rassembler 500 eurodéputés et 108 sénateurs européens, soit quatre représentants par État membre. Le Sénat européen, lui, remplace le Conseil. Ce dernier gardera toutes ses prérogatives outre celles appartenant au cadre législatif. Le pouvoir législatif doit, dans une démocratie, être confié uniquement et exclusivement à des parlementaires. Le Sénat, comme son prédécesseur, aura pour objet de représenter la majorité (parlementaire) des différents États-membres et ainsi contrebalancer les représentants de la population européenne.

Renforcer l’exécutif européen

La Commission européenne, quant à elle, doit avoir un fonctionnement à la hauteur de ses compétences. Les commissaires ne seront ainsi pas nommés par les chefs d’État ou de gouvernement de leur pays mais directement par la présidente de la Commission. Par conséquent, le vote de confiance ne sera ainsi plus individuel mais mutualisé pour toute la Commission, comme un gouvernement [1]. Le statut des deux dirigeants de l’UE doit être revu, le manque de clarté nous affaiblit durablement sur la scène internationale, plusieurs exemples peuvent être cités mais je me contenterai de citer celui qui illustre le mieux la situation. Je me réfère bien évidemment au sofagate, incident survenu lors d’une rencontre entre Charles Michel, président du Conseil européen, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, et le président Turc Recep Tayyip Erdogan. Cet incident révèle nos fragilités. Il est essentiel de suivre la proposition de l’ancien président de la Commission Jean-Claude Juncker pour qui : “l’efficacité européenne gagnerait en force si nous pouvions fusionner ces deux présidences”.

Assurer la couverture médiatique de l’UE

Toutes ces modifications permettraient à l’UE de retrouver une clarté auprès de ses citoyens. Mais tous ces efforts pourraient être vains si les médias, du moins télévisés, ne suivent pas le mouvement. En inscrivant dans le TUE que “les citoyens européens ont le droit d’être informés sur le fonctionnement démocratique de l’Union européenne “ et que “la presse contribue au respect de ce droit fondamental” de nos concitoyens. Avec une valeur juridique, les médias pourront être poursuivis devant les tribunaux s’ils ne traitent pas suffisamment de l’Union européenne, car ils passent complètement à côté de leurs devoirs. De nos jours, il est déjà possible de poursuivre, devant les autorités compétentes, les médias qui ne respecteraient pas la pluralité politique, ou encore l’égalité H/F, pourquoi ne pas le faire pour un sujet tout aussi important qu’est l’Union européenne ?

En somme, les institutions de l’UE sont devenues des institutions vieillies et usées, comme celles des IIIème et IVème Républiques, avant que des crises majeures ne les fassent purement et simplement disparaître. Pour que l’Union ne subisse pas le même sort, il est temps de mettre en œuvre cette réforme via un nouveau traité modificatif comme ce fut le cas en 2008 avec le traité de Lisbonne. Penser que sa mise en place est si simple, serait faire preuve de naïveté. Néanmoins, j’estime que les dirigeants des 27 États-membres doivent être à la hauteur de leur fonction. C’est la création même de l’UE, ou plutôt de la CEE, qui était censé êtreimpossible , mais les dirigeants des 6 pays fondateurs ont su montrer qu’ils étaient des hommes d’État, que n’importe quel différend pouvait être résolu et que toute solution allant dans le sens de l’intérêt commun devrait être mise en place.

Notes

[1Note de la rédaction : Cela est en réalité déjà le cas

Vos commentaires
  • Le 21 août 2021 à 15:56, par lol En réponse à : Il est temps de réformer les institutions européennes

    C’est bien tout cela, mais il faudrait que l ue puisse traduire l ensemble de ses sites dans toutes les langues officielles et vraiment être plurilingue. Ce qui n’ est plus le cas aujourd’hui malheureusement. Nous sommes entrain de nous faire littéralement dévorer par le globish et jeter aux orties la richesse de nos cultures communes.

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