La chute de l’URSS en 1990 a permis à ces Etats d’entreprendre l’écriture d’une nouvelle page de leur histoire. Les régimes communistes tombent les uns après les autres et des élections amènent au pouvoir des dirigeants libéraux, tant sur le plan politique qu’économique. L’humeur est à l’ouverture. Pour assurer leur avenir et préserver leur intégrité, les huit Etats de l’ancien bloc de l’Est souhaitent intégrer l’organisation toute fraîchement nommée “Union européenne”. En espérant trouver le moyen de tirer leur épingle du jeu, les nouveaux entrants doivent également remplir leur devoir de solidarité envers l’UE, y compris le contrôle aux frontières extérieures. Un enjeu d’une toute autre dimension.
Des réfugiés aux hôtes
Pour la jeunesse européenne de 2024, il peut parfois être difficile d’imaginer que l’immigration ne fut pas toujours l’apanage des pays situés de l’autre côté de la Méditerranée. Les bouleversements politiques en Europe ont été les principaux vecteurs d’immigration. Avec la redéfinition des frontières après la Seconde Guerre mondiale, 1.5 millions de Polonais, autant de soviétiques (personnes venant des anciennes Républiques socialistes membres de l’URSS) fuient vers l’ouest. 200 000 Hongrois quittent la Tchécoslovaquie après l’insurrection de Prague en 1956. Entre 1980 et 1986, 40 000 Allemands de l’Est (RDA) migrent chaque année en Allemagne de l’Ouest (RFA) ; 80 000 en 1987 ; 200 000 en 1988 et près de 390 000 en 1989. Certains se souviendront également de l’arrivée en France de dizaines d’autobus transportant des réfugiés Serbes, Croates, Bosniaques ou Albanais qui fuient les guerres en ex-Yougoslavie (1991-2001).
Les Européens ont connu l’immigration. Et certains la connaissent encore, comme les Ukrainiens ou certains Russes. Avec la construction progressive de l’Union européenne et le principe de paix et de solidarité qu’elle instaure, l’immigration change de couleur et de modalités. Elle vient des pays du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord ou d’Afrique subsaharienne, où les difficultés poussent les personnes à quitter leur pays pour tenter la traversée de la Méditerranée. Les Européens deviennent ainsi les hôtes de ce phénomène qu’ils ont parfois eux-mêmes vécus dans leur chair. Lorsque les Etats d’Europe de l’Est intègrent l’UE en 2004, ils intègrent également l’espace Schengen, créé en 1995. Un espace au sein duquel les frontières n’existent pas mais qui délimitent également les frontières extérieures de l’UE, lesquelles sont à la charge des Etats qui se situent sur ses marges territoriales.
Du devoir de protéger les frontières
Les Etats membres de l’UE s’inquiétaient en 2004 des conséquences que l’intégration des anciens pays du bloc de l’Est pouvait avoir sur la gestion des flux migratoires. La responsabilité n’est pas anodine. Les rapports frontaliers redéfinis par l’élargissement de 2004 posent des problèmes pour les pays exclus de l’élargissement comme la Moldavie, l’Ukraine, la Biélorussie ou les Balkans occidentaux. De même, l’enclave russe de Kaliningrad impose à la Pologne d’agir sur deux fronts.
Les Etats intégrés en 2004 n’étaient pas suffisamment préparés à prendre à leur charge les frontières européennes. La nouvelle frontière Schengen a en outre, et peut-être de manière paradoxale, accru les flux illégaux de migration. Ceux qui tentent de pénétrer en Europe par l’Est choisissent la route des Balkans, qui en 2004 s’arrêtent à la Slovénie et à l’Autriche. Devant un système sans coordination, les États membres frontaliers choisissent des mesures fortes. Ainsi, les frontières extérieures et intérieures de l’UE se sont-elles progressivement érigées en murs et en contrôles ; en République Tchèque, Autriche, Pologne, ou en Hongrie. En 2024, ce résultat doit interroger sur la nécessaire réforme que l’UE doit entreprendre dans la perspective de nouveaux élargissements.
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