L’IVG, un droit en danger sur le territoire italien
En Italie, l’IVG a été dépénalisé en 1978 lors de l’adoption de la loi 194 sous la pression des féministes. Selon ce texte, l’avortement est autorisé dans les 90 premiers jours de grossesse, ou plus tard si la santé de la femme est en danger ou si le fœtus présente des anomalies graves, un délai similaire à d’autres pays européens. Effectivement, en comparaison à d’autres États membres de l’Union européenne, la France et le Luxembourg autorisent la pratique dans un délai de 12 semaines. Il en va de même pour Chypre et l’Irlande, qui accordent une prolongation de l’interruption lorsque que le fœtus présente un risque pour la santé de la femme enceinte[1].
En dépit de la consécration du droit, cette pratique reste fragilisée au sein du pays. En Italie, l’IVG représente un réel parcours du combattant pour les femmes. Avant d’y recourir, elles doivent se procurer une certification délivrée par un médecin. Or, dès la requête de cette autorisation, les praticiens peuvent l’écarter. La clause de conscience est un droit leur permettant de refuser une action en raison de croyances et d’éthiques. Elle est inscrite dans la loi 194, et son article 9 garantit sa protection. De ce fait, au nom de ce droit, les professionnels peuvent refuser l’acte médical. 70% des gynécologues se déclarent objecteurs de conscience, rendant l’accès à l’IVG ardu[2]. Des chiffres qui ne cessent d’augmenter chaque année. Selon une enquête du ministère de la santé italien, 80% des médecins sont contre l’IVG dans la région des Abruzzes, dans l’Est du pays. Le Sud de l’Italie est particulièrement touché par ce phénomène où l’avortement est peu pratiqué. C’est le cas dans le Molise, où 90% des médecins sont objecteurs de consciences.
Le refus systématique des obstétriciens de pratiquer les IVG prolonge les délais pour les femmes, les obligeant souvent à parcourir plusieurs régions, voire envisager de se rendre dans un autre pays. Ce qui augmente le risque de dépassement du délai légal et peut les inciter à recourir à des avortements clandestins.
Dans les meilleures universités catholiques du pays, la contraception et l’IVG ne sont pas enseignées. Par ailleurs, les élèves doivent signer un document les réclamant être objecteurs de conscience[3]. Cela s’explique par la forte influence de L’Église catholique au sein de la société italienne. Le Pape François avait qualifié l’avortement d’ « intervention d’un tueur à gages ». Lors de l’inscription de la liberté d’avorter dans la Constitution française, le Vatican a manifesté sa désapprobation à « tout droit de supprimer une vie humaine ».
L’extrême-droite italienne : un obstacle persistant au droit à l’avortement
L’accession du parti Fratelli d’Italia au gouvernement a considérablement inquiété les féministes et les militants pro-IVG. Giorgina Meloni a pourtant déclaré à maintes reprises ne pas vouloir toucher à la loi 194. Or, la Première ministre est réputée pour son slogan « Dieu, patrie et famille », reflétant le modèle familial traditionnel qu’elle défend avec ferveur[4]. En supplément, celle-ci a sous-entendu s’opposer à l’IVG : « Oui à la culture de la vie. Non à l’abysse de la mort ». Plusieurs membres de son parti adoptent eux aussi un comportement antagoniste sur le sujet. Le 20 janvier 2023, Eugenia Roccella, la ministre de la Famille et de la Natalité partageait que « l’avortement fait malheureusement partie du droit des femmes ». Lorenzo Malagola a explicité son soutien envers les associations pro-vie. Ces organisations sont d’ailleurs financées par certains politiques.
L’arrivée au pouvoir de Meloni a notablement amoindri la pratique dans certaines régions, notamment depuis la coalition formée entre son parti, la Lega Nord (mouvement anti-migrants d’extrême-droite de Matteo Salvini) et la Forza Italia (mouvement de centre-droit d’Antonio Tajani)[5]. La droite est hautement présente dans les régions italiennes. Certaines d’entre elles mettent en place des fonds aux mères abandonnant l’idée d’avorter et font écouter le cœur du fœtus à celles-ci. C’est le cas du Piémont, région du Nord-ouest, qui promet la somme de 4 000 euros pour tout renoncement à l’IVG.
Face à l’instauration de la politique, les militants pro-avortement et les opposants dénoncent fermement la rétrogression des droits des femmes. Silvia Roggiani, députée démocrate, affirme que « la droite continue d’afficher sa nature nostalgique et sa vision obscurantiste et patriarcale en essayant, par tous les moyens, d’éroder les droits des femmes ». Au sein du Sénat italien, Gilda Sportiello, députée de Movimento 5 Stelle, a indigné sa colère : « Ce que vous voulez dans les centres médicaux, ce sont les anti-avortements. Votre amendement, c’est un homme qui l’a présenté, c’est un homme qui décide de ce que nous devons faire de nos corps. […] C’est nous qui choisissons d’être mère ou pas. Il y a quatorze ans, j’ai choisi d’avorter. […] Je le dis ici, car je souhaite qu’aucune femme voulant avorter ne se sente attaquée par cet Etat, car une femme qui choisit aujourd’hui d’avoir recours à l’IVG doit savoir qu’elle a un Etat ami, ce que n’incarne pas ce gouvernement ».
L’adoption de l’amendement par les députés italiens permettant aux militants pro-vie d’entrer dans les cliniques constitue un recul préoccupant pour les droits des femmes en Italie. Alors que cette mesure représente un pas en arrière, il reste à voir comment elle sera mise en œuvre et comment la société italienne y réagira. Cette décision soulève des inquiétudes quant à l’avenir de l’IVG en Italie et appelle à une vigilance continue de la part des défenseurs des droits des femmes.
Suivre les commentaires : |