Karl-Heinz Lambertz : « Sans cohésion, il n’y a pas d’Union »

, par Laura Mercier

Karl-Heinz Lambertz : « Sans cohésion, il n'y a pas d'Union »
Conférence de presse du Président du Comité des Régions, Karl-Heinz Lambertz (à gauche) et de la Commissaire européenne à la politique régionale, Corina Crețu, le 8 octobre 2018. Photo : Tout droit réservé.

La Semaine européenne des régions et des villes, manifestation annuelle organisée par le Comité des Régions, a eu lieu du 8 au 11 octobre à Bruxelles. Cet événement rassemble des fonctionnaires des très nombreuses administrations régionales et urbaines de l’Union européenne ainsi que des experts, universitaires et membres d’autres institutions européennes. L’objectif est ainsi de promouvoir l’action quotidienne des régions et des villes auprès des citoyens européens. C’est aussi à cette occasion que le président du Comité des Régions, Karl-Heinz Lambertz, prononce son discours sur l’état de l’Union, vu par les régions et les villes. Et cette année, l’événement est inévitablement marqué par la question de l’avenir de la politique de cohésion (de son budget à sa configuration…).

Bien que limité à un rôle consultatif et de représentation, le Comité des Régions se veut acteur et moteur de la réflexion autour de la politique de cohésion dont les régions et collectivités sont les premiers bénéficiaires. Une action soulignée par la Commissaire européenne à la politique régionale, Corina Crețu, lors d’une conférence de presse conjointe avec Karl-Heinz Lambertz. La politique de cohésion est au cœur du débat sur le prochain cadre financier pluriannuel de l’Union européenne, actuellement en discussion. En effet, le budget alloué à cette politique qui vise directement le développement des villes et régions européennes pourrait être revu à la baisse pour la période de 2021-2027. Ces quatre jours de débats et d’échanges étaient ainsi logiquement tournés autour de cet enjeu, donnant la possibilité aux acteurs régionaux et locaux d’exprimer leurs préoccupations et leurs attentes.

La politique de cohésion en débat

La configuration et l’orientation d’un budget pluriannuel est toujours un chantier d’ampleur. Chaque Etat, chaque acteur, veut en retirer le meilleur. Les négociations pour le prochain budget pluriannuel de l’UE pour la période 2021-2027 sont d’autant plus scrutées que celui-ci sera indéniablement marqué par le départ du Royaume-Uni de l’UE et donc la perte de sa contribution. Cette perte doit être amortie, et pour cela la Commission européenne a proposé en mai dernier de réduire de 10% le budget dédié à la politique de cohésion. La politique de cohésion regroupe les nombreux fonds structurels qui sont destinés aux collectivités territoriales et locales à savoir le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds social européen (FSE) et le Fonds de cohésion. Cette politique est un véritable pilier de l’action européenne, et reposait jusqu’à présent sur un budget de 351,8 milliards d’euros (période 2014-2020), soit 32,5% du budget pluriannuel.

Aujourd’hui, la politique de cohésion pourrait subir les conséquences d’une double dynamique : le Brexit et l’inévitable perte de la contribution britannique au budget européen, et la volonté de financer de nouvelles priorités comme le changement climatique, la révolution numérique, l’innovation. La perte de la contribution britannique au budget européen doit donc être amortie et ne peut que mener à des réductions budgétaires, à moins que l’Union ne se dote de nouvelles ressources propres (mais nous n’en sommes pas encore là…). Mais est-ce judicieux de diriger ces coupes budgétaires sur les Fonds qui permettent à l’UE d’agir localement et d’avoir un impact réel sur le quotidien de ses citoyens ? Karl-Heinz Lambertz s’oppose à toute forme de centralisation de la part de l’Union européenne et rappelle un enjeu non négligeable : la montée de l’euroscepticisme. Or, sans ces fonds structurels, comment l’Union européenne peut-elle agir à l’échelle locale ? Le président du Comité des Régions ne mâche pas ses mots en conférence de presse : « Sans cohésion, il n’y a pas d’Union. »

L’Alliance pour la cohésion, une initiative du Comité des Régions

Malgré la menace considérable de réduction budgétaire, le Président du Comité des Régions s’est réjoui d’une coopération efficace avec la Commission européenne et le Parlement européen sur la réforme de la politique de cohésion, tout en optant pour la prudence : « Comme un bon match de foot, la victoire n’est déclarée qu’à la fin. En attendant, il faut rester vigilants. […] L’amitié s’arrête très souvent lorsque l’on parle d’argent. » a-t-il déclaré en conférence de presse. Il appelle ainsi les Etats membres et les députés européens à prendre des décisions sur le prochain budget pluriannuel avant les élections européennes de mai 2019, au risque sinon de paralyser l’Union européenne et ses politiques.

Karl-Heinz Lambertz défend le rôle et l’impact de la politique de cohésion, rappelant que celle-ci permet d’agir et de répondre à tous les grands enjeux actuels : le changement climatique, la relance économique, les migrations… grands enjeux qui sont justement identifiés par la commission européenne comme les nouvelles priorités qui doivent être prises en compte dans la configuration du prochain budget pluriannuel.

Pour peser davantage dans le débat et rendre les acteurs régionaux et locaux plus audibles auprès des institutions européennes, le Comité des Régions a lancé l’Alliance pour la cohésion, en octobre 2017. Celle-ci rassemble des ONG, universités, PME, pouvoirs publics nationaux, régionaux et locaux qui sont directement concernés par ces fonds européens et qui en bénéficient dans leur action quotidienne.

Une politique de cohésion plus flexible et adaptée aux enjeux actuels

Si la question du budget dédié à cette politique est au cœur des débats, une réforme de la politique de cohésion est également en discussion. La Commission européenne, via la Commissaire Corina Crețu, souhaite ainsi simplifier l’utilisation de cette politique par ses bénéficiaires, via notamment la réduction des charges administratives, la simplification des demandes de paiements et une uniformisation des « corpus réglementaires uniques » entre les sept fonds européens existants. Plus important encore, la prochaine politique de cohésion devra pouvoir être adaptée plus facilement aux enjeux et défis actuels.

La Commissaire européenne écrivait sur le sujet : « Il y a quelques années, personne ne s’attendait à ce que la migration et la sécurité figurent parmi les grandes priorités de la politique actuelle ; or, les régions et les villes sont en première ligne face à ces problèmes, mais elles éprouvent des difficultés à adapter l’utilisation des fonds européens à ces nouvelles priorités. ». Enfin, il est prévu que les autorités locales soient plus impliquées dans la gestion et l’utilisation de ces fonds, via des taux de cofinancements nationaux plus conséquents. Les prochains mois devraient être décisifs dans les négociations autour du prochain budget pluriannuel de l’Union européenne. Il reviendra à la présidence tournante de la Roumanie de trouver un terrain d’entente entre les Etats membres au sein du Conseil, à partir de janvier prochain. Les députés européens et les Etats parviendront-ils à trouver un accord avant les élections européennes de mai 2019 ? Rien n’est moins sûr.

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