Entre France et Allemagne, l’Alsace, de front à trait d’Union
Situés entre la France et l’Allemagne, l’Alsace et les Alsaciens ont toujours été au cœur des affrontements entre les deux ensembles. Sans remonter aux révolus Royaume de France et Saint Empire romain-germanique, le joug de la province fut une raison directe, ou indirecte, de trois guerres entre Paris et Berlin : la guerre franco-allemande de 1870, la Première et la Seconde Guerre mondiale. Des conflits qui marquèrent à jamais l’Alsace par leur violence et leur cruauté. Ce fut d’autant plus vrai lors de la Seconde Guerre mondiale quand l’Alsace fut rattachée directement à l’Allemagne nazie et administrée par Robert Wagner, chargé de “germaniser” la région à marche forcée.
Autant de traumatismes mis en lumière par l’initiative des Jeunes Européens - Strasbourg, 1871-2021 Lieux de mémoire, qui vise à proposer une réflexion générale dans une perspective européenne des traumatismes des guerres passées entre la France et l’Allemagne.
Cette fatalité faisant de l’Alsace une éternelle ligne de front prit fin à la sortie de la Seconde Guerre mondiale avec la concrétisation du projet européen. La mise en place successive de la CECA, de la CEE, du traité de l’Elysée, puis de l’Union européenne, fut autant de jalons qui permit à l’Alsace de devenir progressivement un trait d’Union entre les deux anciens ennemis.
Aujourd’hui, grâce à cette réconciliation, l’Alsace est l’une des régions les plus dynamiques d’Europe. Afin de formaliser cette adhésion au deux ensembles, les institutions alsaciennes multiplient les partenariats et les jumelages. Ainsi, alors que Strasbourg est jumelée avec Dresde et Stuttgart, Mulhouse avec Cassel et Chemnitz, des Eurodisctricts sont créés : ceux de Strasbourg-Ortenau, de Bâle, de Freiburg-centre et sud d’Alsace ou de PAMINA. Il en va de même pour les acteurs associatifs, notamment les Jeunes Européens - Strasbourg qui, avec les Jeunes Européens - Baden-Wurtemberg et les Jeunes Européens - Suisse, ont mis en place un partenariat transfrontalier : les Jeunes Européens - Rhin supérieur (Junge Europäer - JEF Oberrhein), qui donne lieu à plusieurs événements axés sur des thématiques transfrontalières chaque année.
L’Alsace, un territoire de frontières
Par sa position de trait d’Union entre l’Allemagne et la France, l’Alsace est avant tout un territoire frontalier.
Une position géographique de “marge” dont la région a réussi à tirer des avantages conséquents, notamment pour son économie. Aujourd’hui, près de 70 000 Alsaciens sont des travailleurs frontaliers, travaillant soit en Allemagne, soit en Suisse. Ces travailleurs transfrontaliers sont essentiellement attirés par des salaires relativements plus élevés et des conditions de travail plus flexibles, notamment dans le domaine de la recherche et de l’innovation médicale. De même, de nombreux touristes Belges et Allemands décident de franchir la frontière le temps d’un weekend, de plusieurs jours ou de plusieurs semaines, afin de découvrir le patrimoine culturel et naturel de la pointe orientale de la France.
Dès lors, une frontière ouverte est d’une importance capitale quant au développement économique d’une région traumatisée par la question frontalière comme l’Alsace. Un traumatisme réveillé par le rétablissement momentané des frontières intra-européennes pendant la pandémie liée à la Covid-19. Une catastrophe symbolique, économique, et pratique. Pour ne donner qu’un exemple, aussi anecdotique qu’emblématique au regard de la présence de la frontière dans l’esprit et la vie des Alsaciens : pendant la pandémie, le tramway Strasbourg-Kehl, emprunté par des centaines de voyageurs chaque jour, fut coupé en deux entre le tronçon français, et le tronçon allemand. La situation ne revient à la normale que par la levée totale des restrictions aux frontières en Europe.
Ne voir l’Alsace que par son emplacement frontalier serait une vision tronquée de la position de la région en Europe. Le Rhin, qui fixe la frontière, permet à l’Alsace de dépasser cette condition frontalière. Le fleuve se trouve au cœur de l’axe rhénan et peut être considéré comme la “colonne vertébrale de l’Europe” en ce qu’il permet aux différentes régions qu’il traverse de se connecter par voie fluviale. L’Alsace n’est pas en reste, puisque par le Rhin, elle est connectée à la Suisse et à l’Allemagne, mais aussi aux Pays-Bas, et par eux au reste du monde ! Le fleuve-frontière permet de dépasser cette même frontière : une situation récemment explicitée à Strasbourg lors d’un évenement intitulé “Le Rhin, laboratoire européen”. Une autre façon de présenter le fleuve mythique donc.
Une capitale, coeur de l’Europe
Il n’y a pas que le Rhin qui place l’Alsace au cœur de l’Europe. Sa capitale, Strasbourg, par les multiples institutions européennes qu’elle héberge, est le cœur de la démocratie européenne. Depuis 1959, Strasbourg est le siège du Conseil de l’Europe. L’institution qui a pour objectif le renforcement de la démocratie, la préservation des droits de l’Homme et le rapprochement des nations européennes, fait ainsi de la capitale alsacienne la capitale d’un continent unifié par des valeurs libérales et démocratiques incarnées dans le Conseil de l’Europe et la Cour européenne des droits de l’Homme qui lui est adjacente.
De même, c’est bien à Strasbourg que bat le cœur de la démocratie européenne. Depuis 1953, le Parlement européen, organe représentatif des citoyens de l’Union européenne qui sera renouvelé le 9 juin prochain, siège sur les rives de l’Ill, le fleuve alsacien. En 1999, un nouveau bâtiment, l’hémicycle Louise Weiss, est d’ailleurs construit, complété par des bureaux dans un immeuble inauguré en 2023, le bâtiment Simone Veil. Le but est clair et affiché : ancrer Strasbourg, ville témoin de l’histoire et de la réconciliation, en tant que capitale européenne et siège du Parlement européen.
Enfin, Strasbourg est également le siège d’une nouvelle collectivité, la Collectivité européenne d’Alsace (CeA). Cette collectivité territoriale inédite est le résultat de la fusion des conseils départementaux du Haut et du Bas-Rhin. Cette dernière est dotée des compétences des anciens départements ainsi que de nouvelles prérogatives, notamment liées aux questions transfrontalières, culturelles et linguistiques…sans toutefois être une région à proprement parler puisque la CeA reste encore et toujours fondue au sein de la région Grand Est. Malgré cela, l’institution se veut être, comme son nom l’indique, une force de proposition sur les questions européennes touchant l’Alsace et ses habitants. Un pari jusqu’à aujourd’hui réussi.
L’identité de l’Alsace a toujours été liée à la notion d’Europe, à ce qu’elle a été jusqu’à ce qu’elle est désormais. Conflits, paix, économie, valeurs, démocratie, l’Alsace a toujours réussi à incarner l’Europe. Jacques Delors parlait de l’âme de l’Europe, nous disons qu’elle se trouve sûrement en Alsace !
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