L’environnement, une branche de l’ADN constitutionnel européen

, par Maxime Calligaro

L'environnement, une branche de l'ADN constitutionnel européen

La protection de l’environnement est une priorité politique en Europe et lors des sommets internationaux Sarkozy, Merkel, Barroso en sont d’ardents défenseurs. Comment expliquer l’activisme environnemental européen ? Que révèle-t-il ? Qu’est ce que l’environnement pour les européens ? Avec la thématique environnementale il semblerait qu’une nouvelle branche de l’ADN constitutionnel européen ait été mise à jour.

En 1957, le Traité de Rome ne comprenait aucune disposition concernant la problématique environnementale, malgré cela la Cour de justice trouva le moyen de développer un droit communautaire de l’environnement sur la base d’un article concernant le marché intérieur : l’article 100 du traité de Rome.

En 1986 dans l’Acte Unique européen, l’environnement fait son apparition au titre des politiques de l’Union, en 1992 avec Maastricht cette thématique devient un objectif de l’UE et est reconnue dans le préambule des traités, et c’est à Nice que la protection de l’environnement est élevée au rang de principe. Cette « constitutionnalisation rampante » de la thématique environnementale ne pouvait déboucher que sur une consécration.

C’est chose faite puisque la Charte des droits fondamentaux consacre, à la faveur d’un article 37, un droit à la protection de l’environnement et les dispositions du nouveau traité font de l’Europe l’espace où l’environnement est juridiquement le mieux protégé au monde. Une Constitution est le fruit du « génie d’un peuple » disait Aristote, elle est le réceptacle des valeurs et principes qui animent une société ; pour le peuple européen, il faut donc compter, parmi ces derniers, l’environnement.

Une approche sociologique et historique de la vision européenne de l’environnement

La manière européenne d’envisager les défis environnementaux s’explique, d’un point vue historique et sociologique, par ses origines judéo-chrétiennes. En effet, comme l’a montré le débat qui a fait rage lors de la rédaction du préambule de la Constitution européenne, l’influence de la doctrine chrétienne se fait encore ressentir en Europe à bien des égards. Sans partie prit sur la question, la simple observation scientifique conduit à constater que des principes tels que la dignité de la personne humaine ou la subsidiarité sont hérités des grands théoriciens de l’Église à l’époque de la scolastique médiévale.

Partant, la culpabilité, la repentance entrainant la nécessité de faire acte de pénitence, de se racheter, d’expier ses péchés, ce cycle propre à la vie du chrétien de jadis imprègne l’approche de l’européen d’aujourd’hui à l’égard de l’environnement. Après avoir assumé, pour ne pas dire confessé, leur part de responsabilité dans la dégradation du climat, dans l’étiolement de la biodiversité et l’épuisement des ressources, les nations européennes se sont données pour mission de laver leurs fautes en faisant de la protection de l’environnement un véritable cheval de bataille. Preuve en est le sentiment d’amertume partagé après l’échec du sommet de Copenhague et le poids qu’a pris la mouvance écologiste tant dans la structuration de partis lui étant tout entier dévoués, EE en tête, que dans la pénétration du discours vert (le greening) dans les programmes de l’ensemble des familles politiques.

Enfin, l’Europe, se sent investit d’une mission, elles est habitée par un esprit quasi évangélisateur palpable à l’approche des grands rendez-vous internationaux. Bien heureusement les missionnaires armés ont été remplacés par les juristes et les diplomates. Cette forma mentis judéo-chrétienne s’inscrit donc dans son temps : l’apocalypse selon St Jean a été remplacé par les rapports du GIEC et l’européen, Homo juridicus par excellence, tente d’imposer pacifiquement sont modèle juridique environnemental.

Une spécificité de nature constitutionnelle

Mais, dans le grand dialogue des civilisations notre conception de l’environnement est elle radicalement différente ? Y a-t-il un modèle environnemental propre à l’Europe ? Oui, et l’analyse des textes constitutionnels étaye la thèse de l’existence d’un « génome vert européen ». Tout d’abord, à l’intérieur de l’Union, une grande partie des États membres ont consacré, dans leur constitutions, la protection de l’environnement. En 2004, la France, par le truchement de la charte de l’environnement, a rejoint onze pays membres de l’Europe des 15 faisant référence à l’environnement dans leurs textes fondateurs ; avec l’élargissement ce chiffre a considérablement augmenté puisque les pays candidats ont du, pour accéder au statut d’État membre, réceptionner le fameux « acquis juridique communautaire » tout imbibé de principe environnemental. Ayant fait florès à l’intérieur des États membres, il était logique que l’Union elle même se fasse le support de cette forte préoccupation de la société européenne en l’inscrivant, comme vu précédemment, dans ses textes de référence.

C’est en regardant chez nos voisins que l’ont mesure la véracité du propos d’Aristote mentionné en début d’article. Le constituant américain élude totalement la question puisque la Constitution des États-Unis ne mentionne aucunement l’environnement, s’explique alors que le président Bush refuse, en 2005, de ratifier le protocole de Kyoto sous prétexte que « le mode de vie américain n’est pas négociable ». Les chinois, quant à eux, mentionnent l’environnement dans leur norme suprême mais d’une manière radicalement opposée à la conception européenne. En effet, l’article 9 de la Constitution de la République populaire pose la propriété de l’État sur les ressources naturelles et en déduit, via l’article 10, un devoir de chaque individu de faire un usage rationnel de la terre. Ce qui est en Europe un droit, à savoir une obligation de la puissance publique en direction de l’individu, est en Chine un devoir c’est à dire, à l’inverse, un dû de l’individu vis-à-vis de l’État.

Le constat est donc sans appel, la simple lecture des constitutions des États membres, de celle de l’Union —bien qu’elle ne dise pas son nom—, de celles des civilisations voisines, indique donc la spécificité de l’approche européenne en matière environnementale. À ce titre l’environnement peut être qualifié de véritable marqueur génétique européen.

Illustration : Eolienne sur l’île de Samsø au Danemark

Source : Service audiovisuel de la Commission européenne - 18/09/2009

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