La « cybridisation » de la défense européenne
La cyber-défense a pris une part importante dans la protection des forces européennes à l’occasion des opérations militaires menées par l’UE et sera, à l’avenir, une composante vitale de la politique européenne de sécurité et de défense communes (PSDC). Des cyber-attaques contre des installations militaires pourraient avoir des effets catastrophiques sur les opérations militaires. La digitalisation des armées européennes ayant débuté, les menaces de guerres en réseau (en anglais, « network centric warfare ») se sont accrues et le réseau est aujourd’hui considéré comme le cinquième terrain de la guerre aux côtés des airs, de la mer, la terre et l’espace.
Jusqu’à présent, les actions de l’UE ont consisté principalement en des entrainements et exercices. Ces exercices ont permis à l’UE d’établir sa propre doctrine en matière de cyber-défense, laquelle garantira une réponse efficace de l’UE. De plus, un grand effort a été fait afin d’établir dans le système institutionnel de l’UE une chaine cohérente de commandement et de réponse. La récente Communication jointe sur la cyber-sécurité de l’UE affirme qu’il est désormais nécessaire de mettre l’accent sur un entrainement ciblé et la recherche ; en conséquence 25 millions d’euros ont été alloués au projet d’Action préparatoire pour la recherche sur la défense. La cyber-défense a aussi une place importante dans le Programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense. Ainsi, l’UE a commencé une cybridisation préparant les chaines de commandement militaires des états membres aux défis futurs.
« L’UE compte aider à poursuivre en justice les hackers et apporter son soutien aux états membres »
L’UE a pour objectif d’intensifier la coopération en matière de cybersécurité. D’après un article d’Euractiv, [1] l’UE serait prête à apporter son aide aux états membres afin de trouver et de poursuivre en justice les hackers localisés en dehors de l’UE. L’accord entre les ministres des Affaires étrangères des états membres a été conclu après les deux cyber-attaques massives qui ont eu lieu en début d’année. La proposition de règlement accorde à l’Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information (ENISA) des pouvoirs accrus et crée un programme de certification ayant pour but d’évaluer le niveau de sécurité présenté par les produits technologiques. En cas d’attaque les états membres peuvent demander le déclenchement de différentes répliques telles que la prise de mesures préventives et de sanctions. D’après des chercheurs, « un nouveau niveau de maturité » a été atteint par les politiques de l’UE en matière de cybersécurité, ce qui démontre son engagement dans ce domaine.
L’interview du mois : partenariat sur la cybersécurité : « l’Europe manque d’un muscle technologique stratégique »
Dans une interview avec Euractiv, [2] Luigi Rebuffi, leader du partenariat public-privé européen sur la cybersécurité, affirme que les industriels européens groupés au sein de son organisation investiront très probablement plus que les 1,8 milliards d’euros qu’ils se sont engagés à investir sur quatre ans. Il souligne aussi que les attaques menées contre les états démocratiques ont amené à une prise de conscience politique de la menace que représentent les cyber-attaques, mais que pour faire face à ces nouvelles menaces, certaines compétences technologiques stratégiques manquent toujours à l’UE.
Le discours d’Emmanuel Macron
Dans le discours marquant qu’il a prononcé à la Sorbonne le 26 septembre dernier, le président Emmanuel Macron a exposé les grandes lignes de plusieurs objectifs ayant trait à la coopération en matière de défense européenne. On remarque que sa vision est moins empreinte de la traditionnelle doctrine française que de la conscience résolument pragmatique que l’UE a besoin d’acquérir en urgence une « capacité d’action autonome, complément de l’OTAN » au lieu de rester sur le banc de touche. Il souhaite d’abord que l’UE finisse de mettre en place les projets existants que sont le fond européen de défense et la coopération structurée permanente. Deuxièmement, le président Macron a fait trois propositions ambitieuses : créer une « force commune d’intervention », « un budget de défense commun » et une doctrine d’action commune.
Quelques jours après, au conseil européen de Tallinn, la chancelière Angela Merkel a semblé soutenir les propositions de Macron qui n’étaient pas liées à la question de la gouvernance de la zone euro - un sujet délicat pour les futurs partenaires de coalition de la chancelière. En effet, alors que les verts allemands sont traditionnellement en faveur d’une Europe plus forte, les libéraux du FDP sont plus sceptiques quant à l’agenda économique européen d’Emmanuel Macron. Hermann Otto Solms, un des dirigeants du FDP, reconnait cependant « qu’il y a des propositions intéressantes, par exemple l’intégration plus poussée des politiques de défense et la protection des frontières de l’Union ». De même, alors que la poursuite de l’intégration de la zone euro est perçue comme une menace pour les pays qui n’en font pas partie, comme la Bulgarie, ils accueillent avec enthousiasme les propositions d’Emmanuel Macron sur la défense. Cependant, les différences de culture stratégique, de position géographique et de perception des menaces, vont rendre difficile - si ce n’est impossible - la concrétisation de ces propositions. D’autant plus que suite au Brexit, la France est désormais la première puissance militaire de l’Union : ce qui, vu de Pologne notamment, est problématique.
Zoom sur la PSDC
Plan d’action européen de la défense
La commission a fait un pas en avant vers une balance institutionnelle plus équilibrée de la PSDC en présentant le 30 novembre 2016 son plan d’action européen de la défense proposant notamment la création d’un fonds européen de la défense. Dans la continuité du discours sur l’état de l’Union prononcé par le président de la Commission européenne Jean-Claude Junker le 14 septembre 2016, la commission a proposé que le fond se compose de trois structures de financement : une dédiée à la recherche, une autre au développement industriel et la dernière à une politique coordonnée de passation de marchés publics. Le projet consiste à instaurer un conseil de coordination composé de la haute représentante, de la commission, des états membres, de l’agence européenne de la défense (AED) et de représentants de l’industrie qui supervisera le fonctionnement du fond. C’est une nouvelle étape de franchie dans le développement de capacités militaires jointes et standardisées, rendant ainsi plus facile la coopération et renforçant le rôle des différents acteurs travaillant ensemble.
Un quartier général européen
A l’occasion du conseil européen du 6 mars 2017, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense ont décidé la mise en place d’une capacité militaire de planification et de conduite (MPCC) [3] au sein de l’état-major de l’UE (EMUE), elle sera une « structure statique de commandement » basée à Bruxelles. La capacité militaire de planification et de conduite sera chargée de la planification opérationnelle et de la conduite des missions militaires à mandat non-exécutif de l’UE.
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