Il n’y a aucune contradiction à être à la fois résolument pro-européen et critique sur l’Union européenne. Au contraire. Pour avoir le courage de finir ce qui a été commencé, il faut avoir l’honnêteté de dire que cette Union européenne n’en est pas une : ce n’est qu’une confédération d’États-Nations fondée sur le principe de l’unanimité...
D’une part, les dirigeants européens confortent les égoïsmes nationaux en se souciant uniquement de satisfaire leurs électorats respectifs et, d’autre part, les membres des seules institutions qui ont un fonctionnement fédéral, à savoir la Commission européenne et la Banque Centrale européenne, ne sont pas élus ! Partout en Europe, il va donc de soit que l’euroscepticisme égale bien le sentiment de défiance à l’égard des gouvernements nationaux. Pourtant on refuse, par manque d’expérience en la matière ou par facilité intellectuelle, de sortir de cette configuration binaire entre le repli sur soi des États et une forme d’européisme béat. À tous égards, l’Europe est potentiellement la première puissance mondiale, mais seulement à condition d’être fédérale. Malgré cela, d’aucuns voudraient nous faire croire que la réponse aux défis contemporains consiste dans le retour aux frontières nationales alors que la stabilité économique, les dérèglements climatiques ou encore la menace terroriste ne connaissent pas de frontières.
Alors que la mondialisation a définitivement détruit le mythe de l’État-Nation et que le capitalisme a considérablement réduit les capacités d’intervention de l’État-Providence, les États sont ni plus ni moins devenus des entreprises à mesure que les chefs d’État ont manqué de devenir des chefs d’entreprises. On leur reproche à raison de manquer à la fois d’ambition et de pragmatisme, de manquer de vision : ils se reposent sur l’Europe qu’ils accusent de ne pas exercer les compétences judiciaires, policières, militaires et diplomatiques qu’ils résistent à lui déléguer.
(Prop)osons un populisme démocrate...
Mais ce mouvement de globalisation appelle plutôt un contremouvement qui est celui de la régionalisation des échelles de gouvernance. L’impuissance manifeste de nos institutions régionales conjuguée à l’incapacité grandissante des États à gérer au cas par cas les problèmes d’une réalité qui se complexifie impliquent en effet d’engager un large transfert de compétences au profit de l’autonomie des régions au double sens où celles-ci constituent non seulement l’échelon de l’exercice concret du pouvoir mais également l’échelle de la vie quotidienne des individus qui se lèvent chaque matin et qui font de leur travail, de leur santé et de l’éducation de leurs enfants une priorité. La construction historique de la France résulte typiquement de la tentative d’absorption culturelle de plusieurs nations sans État au sein d’une entité politique exclusivement administrative et non-homogène - un quasi État sans nation -, avec tout ce que cela comprend de centralisme institutionnel, d’interventionnisme dans la vie des citoyens, d’entrave aux libertés individuelles ainsi qu’au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Il nous reste à imaginer de nouvelles formes d’appartenance plus inclusives qui permettent aux individus, aux peuples et aux minorités de vivre de façon apaisée leurs identités multiples. L’universalisme républicain ne saurait tout justifier, surtout pas lorsqu’il constitue à la fois une négation des identités ou un obstacle à la construction européenne.
L’Europe s’est au contraire constituée dans une logique d’interdépendance entre les membres qui la composent et qui ne conçoivent pas leur façon d’être au monde et d’envisager l’avenir autrement qu’ensemble, unis dans la diversité. Par démagogie, les populismes de tous bords ont plutôt contribué à l’effacement de cette diversité des peuples qui existent en soi au profit d’un peuple qui n’existe que dans une construction sociologique qui est celle de la lutte des classes. D’où l’idée d’un populisme plus démocrate que démagogue qui privilégierait l’émancipation proactive des peuples à l’exaltation réactionnaire du peuple.
... pour une Europe fédérale des Régions...
À court-terme, l’autonomie des régions, en application du principe de subsidiarité, apparaît donc comme la forme institutionnelle d’organisation territoriale non seulement la plus adaptée à relever les défis économiques, sociaux et environnementaux de notre époque mais également la plus libérale qui soit dans la mesure où celle-ci renvoie à une vision minimale de l’État exclusivement recentré sur ses compétences régaliennes. Il y a effectivement un espace politique à occuper qui relève aujourd’hui du désert idéologique : celui d’un régionalibéralisme qui aurait vocation à précipiter le démantèlement programmé de ces États composites, tiraillés entre des dynamiques contradictoires et complémentaires de régionalisation et de globalisation qui concourent réciproquement à leur disparition. Partout en Europe où il n’existe pas de revendication régionaliste, il faut donc encourager, à l’intérieur comme aux frontières des États, les régions à se regrouper au sein d’entités politiques capables de se substituer aux États et aux Nations parfois même sur la base de structures de coopération transfrontalières déjà existantes en vue que les frontières ne deviennent plus que de simples limites administratives.
À long terme, il s’agit bien de contribuer non pas à la régionalisation des échelles de gouvernance dans le seul cadre des divisions administratives françaises mais bien de contribuer à la construction d’une Europe fédérale de régions autonomes au sein de laquelle chacune d’entre elles siègerait en tant que telle par la voix de ses propres représentants. Au regard des actuelles disparités territoriales et démographiques entre certains pays qui ont les proportions de régions d’autres États membres de l’Union européenne, il ne saurait y avoir d’unification de l’Europe digne de ce nom sans une certaine uniformité. Sur le modèle de la landerisation allemande, cela consiste à fonder la relance de la construction européenne à l’échelle régionale par l’affirmation politique des peuples et des minorités qui préexistent aux États qu’ils ne font que composer et dans lesquels on a pourtant voulu fondre et confondre des territoires et des populations en dépit de leurs disparités politiques, économiques et sociales, sans jamais tenir compte de leurs spécificités linguistiques, traditionnelles et historiques. À l’épreuve de la dématérialisation des frontières, de la multiplication des échanges et de l’uniformisation des modes de vie, le régionalisme n’est pas une fin en soi par contestation de la mondialisation mais bien un moyen de composer avec celle-ci et d’assurer la proximité, la transparence et l’humanité du pouvoir, sinon par revendication identitaire du moins par exigence démocratique.
... bâtie sur les ruines des États-Nations !
Les conflits successifs de notre vieux continent n’ont rien d’exceptionnels en comparaison avec l’exceptionnelle période de Pax Europaea que nous connaissons depuis la fin du dernier d’entre eux. Aussi, le fait que l’éventualité d’une guerre entre les différents membres de l’Union européenne soit désormais inconcevable n’est pas un argument pertinent pour justifier l’interruption à mi-chemin du processus fédéraliste. C’est même plutôt la preuve qu’ayant atteint l’objectif fondateur de stabiliser un équilibre de paix durable en Europe, il faut plus que jamais consolider cette union sans cesse plus étroite entre les peuples européens au détriment de ces agrégations politiques par nature belligérantes que l’on appelle États ou Nations.
Cette perspective d’une Europe fédérale fondée sur le principe de la double majorité de sa population globale et du nombre de régions qui la composent constitue une opportunité pour les peuples en question de continuer à exister tels qu’ils sont sans être ni absorbés par une superstructure étatique ni même isolés face aux superpuissances commerciales, militaires et démographiques qui caractérisent notre économie mondialisée. Si être populiste c’est fonder la légitimité du pouvoir sur le peuple, alors osons mettre les populismes démagogues qui manipulent le peuple à l’épreuve d’un populisme démocrate qui libèrent les peuples de leurs carcans nationaux au sein un modèle politico-institutionnel inédit qui relèverait tout à la fois du fédéralisme et du régionalisme, c’est-à-dire une Europe des Peuples bâtie sur les ruines de ces États-Nations.
L’union fait la force ; à nous de faire l’union !
1. Le 7 décembre 2016 à 11:54, par Jean-Luc Lefèvre En réponse à : L’Europe des peuples « L’union fait la force ; à nous de faire l’union ! »
Excellente analyse, excellente conclusion aussi : l’Europe sera fédérale ou ne sera pas. Mais l’analyse d’un homme, jeune encore, qui sait ses racines, qui sait aussi le poids d’un état destructeur de l’âme d’un peuple.Cet état est sans doute le seul en Europe qui refuse encore de prendre en compte le fait régional : c’est l’état français qui s’est construit sur les cendres de ses provinces historiques, au point d’en gommer le nom dans le cadre de sa dernière réforme institutionnelle. Ceux qui refusent aujourd’hui à l’Europe de se construire à partir de ses territoires historiques sont au pouvoir à Paris et à Paris seulement. Ils n’ont pas encore compris, malgré les secousses en Belgique, en Italie, en Espagne, en Grande-Bretagne même, que le temps travaillait contre eux. Comme ailleurs, c’est de l’intérieur, par la volonté des peuples, que cette véritable Union européenne surgira. Quand, de la Corse au Pays basque des deux côtés des Pyrénées, l’Europe s’éveillera, Paris sera groggy !
2. Le 12 décembre 2016 à 15:26, par Bernard Giroud En réponse à : L’Europe des peuples « L’union fait la force ; à nous de faire l’union ! »
Philosophie simpliste du Régime de la Concurrence. Cet enseignement de la concurrence est seulement la loi du plus fort du moment, cad. Celle qui permet tous les coups non répertoriés au régime de l’interdit actuel, interdit qui n’arrivera qu’après que le mal sera fait.
Mais avec les moyens que l’homme concurrentiel et guerrier développe sur cette planète, on peut facilement imaginer ou nous pouvons aller très rapidement : La disparition de l’espèce Rassurons-nous, cette sanction ne fera pas disparaitre les ensembles différents innombrables qui nous entourent, parmi lesquels nous sommes une « splendide bien modeste part ».
Pourtant nos bases spirituelles ont tenté de nous enseigner qu’il nous fallait changer de « logiciel »., Ces bases mieux énoncées depuis deux mille ans sont claires : Il nous faut nous éloigner, peu à peu du système de la sélection sauvage, dite naturelle, en vigueur depuis la « nuit » des temps et comprendre que nous sommes parties prenante.
Le temps est venu de prendre en main notre devenir. Bien comprendre en effet, que nous les humains, actuel sommet des derniers arrivants dans la chaine du vivant, nous devons prendre en main la suite, prendre en main cette destinée dont nous faisons partie.
Pour cela, nos meilleures chances de réussir, c’est d’associer nos compétences, nos intelligences, donc ménager nos forces, plutôt que de les opposer, (éviter de dupliquer, éviter de refaire sans cesse les mêmes efforts), les mêmes inventions, à tourner en rond ou revenir en arrière ; Ainsi nous deviendrons ce pour quoi nous sommes faits, ce qu’au fond nous sommes : des associés à cette aventure créative, situation que pour le moment nous ne comprenons pas :
L’extraordinaire facilité de communications que nous donnent les moyens modernes nouveaux rendent aujourd’hui la chose possible.
3. Le 12 décembre 2016 à 15:37, par Bernard Giroud En réponse à : L’Europe des peuples « L’union fait la force ; à nous de faire l’union ! »
Donc ces enseignements du mauvais exemple des comportements asociaux des cupides, partout enseignement de guerre, guerre commerciale « libérale » sans égard pour ses partenaires ou voisins ; système de production faussée par le choix de moyens de main -d’œuvre à bas couts, mauvais exemple mondial :dilapidation de l’avance technologique, destruction des structures industrielles de ses partenaires, sans bénéfice technologique ou qualitatif profits indécents individuels ou de grands groupes financiers et commerciaux, tous ces mauvais exemples correspondent au vol du niveau de vie ou de la qualification de dizaines d’années d’efforts collectifs et donc de progrès.
Ces enseignements et leurs exemples nous entrainent dans un engrenage sans fin, d’une spirale suicidaire. Nous programmons notre disparition par l’opposition irréfléchie entre les hommes et les régions ou les communautés humaines, plutôt que recherche de la voie nouvelle de la coopération régionale et mondiale.
Nous sommes dans le règne du mensonge, de l’illusion, de la cupidité, de l’orgueil, du m’as-tu vu, de l’esbroufe, et de l’insignifiance, avec ses grands exemples suivants.
L’argent « arrose » à souhait« les grands valets » de ce siècle ; Nombre de ces valets, « vendus » pour grands chefs d’entreprise ne se préoccupent nullement des réelles contreparties pour les régions détroussées. Ils cassent un tissu industriel organisé qui ne demande qu’à progresser avec les générations suivantes et les bons exemples des ainés : Ex : les voitures, dans la chimie organique, Bayer et Monsanto, dans l’énergie (nucléaire et solaire) que l’on n’ose pas prendre à bras le corps, ou règne l’incohérence vendue pour science. . Ces grands valets pillent le savoir-faire et jouent des oppositions régionales, pour à nouveau piller les ressources financières de ceux qui ne comprennent rien à ces manœuvres, ou n’ont pas le courage de s’en affranchir.
De même, Le pouvoir de l’argent et sa cupidité mortelle sur Les philosophies ou les religions, la lettre plutôt que l’esprit, en faisant de millions de « fidèles », des marionnettes à la réflexion anesthésiées et paresseuses, et la démarche morbide et suicidaire ;
Nous avons bien besoin, en effet d’esprit neuf et de démarche plus saine et claire, encore faut-il que notre réflexion le comprenne, et notre cœur l’accepte ; Nous avons besoin de la seule démarche qui puisse nous satisfaire, satisfaire cet esprit humain en recherche, celui de l’aventure et l’espérance.
Cette espérance laisse la place à tout le possible probable, celui que la logique place un peu plus loin , qu’il nous faudra du temps pour bien saisir. En attendant, elle laisse la place à quelque chose de plus palpable et bien concret : les bons exemples de chacun d’entre nous, grands ou petits.
Là, nous pouvons être beaucoup, majoritaires !
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