L’Europe nordique, un modèle de liberté en Europe et dans le monde ?

Un article de la série « la liberté de la presse en Europe en 2020 »

, par Théo Boucart

L'Europe nordique, un modèle de liberté en Europe et dans le monde ?
Un fjord en Norvège. Crédit photo : licence pixabay

FOCUS RÉGIONAL. Comme dans de très nombreux domaines, les pays nordiques monopolisent la tête du classement de la liberté de la presse RSF, aussi bien en Europe que dans le monde. Quelle est la recette du succès ? Et quelles défis ce modèle de liberté doit-il affronter ?

Selon le classement 2020 de la liberté de la presse dans le monde, établi par Reporter sans frontières, quatre pays nordiques (la Norvège, la Finlande, la Danemark et la Suède) occupent les quatre premières places. L’Islande est par ailleurs le onzième pays européen, à la quinzième position mondiale. Une performance remarquable, expliquée par l’histoire de ces pays et par leur système politique.

La Suède est le premier pays au monde à s’être doté d’une loi sur la liberté de la presse (1776, plus d’un siècle avant la France), tandis que la Constitution danoise garantit la liberté de la presse depuis 1849. Les pays nordiques ont en outre une longue tradition de lecture, 30% des Norvégiens et 25% des Suédois paient pour s’informer en ligne, bien au-delà des 10% de Français (selon Reporter sans frontières).

L’absence de restriction en Norvège, la transparence en Suède, la lutte contre la désinformation en Finlande, la lutte contre les discours haineux au Danemark, la protection des lanceurs d’alerte en Islande… chaque pays semble briller dans un domaine précis. Le rôle de l’État est également vertueux, car en plus de verser des généreuses subventions (quoiqu’en baisse ces dernières années, notamment en Norvège et en Suède), celui-ci se garde de légiférer sur tous les aspects du secteur de la presse. En Norvège par exemple, une proposition de loi avait été introduite pour lutter contre les infox… sans succès, car la culture nordique privilégie la responsabilisation des journalistes et des citoyens. Toutefois, des législations contre la concentration des médias existent.

Le soutien de la presse locale est également un axe central de la stratégie publique, d’autant plus central que la presse régionale est la plus fragile, notamment en cas de baisse de subvention, en particulier dans des territoires faiblement peuplés où la couverture médiatique s’avère plus fastidieuse.

La protection des lanceurs d’alerte est une autre grande priorité. L’Islande se distingue dans ce domaine par la discussion d’une loi sur leur protection en 2019, après avoir voté en 2010 une « initiative islandaise sur la modernisation des médias ». En Suède, les lanceurs d’alerte sont aussi protégés, notamment de la pression des organismes publics. La loi sur la liberté de la presse de 1949 garantit en outre le secret des sources des journalistes.

Pourtant, tout n’est pas rose dans ces paisibles nations nordiques. Durant la décennie 2010, quelques affaires et drames ont assombri le tableau. Le plus traumatisant étant le meurtre de la journaliste danoise Kim Wall en 2017 par le Suédois Peter Madsen, responsable en grande partie de l’effondrement du Danemark au classement RSF 2018 de la liberté de la presse (de la quatrième place en 2017, il était passé au neuvième rang l’année suivante). Si le pays a depuis réintégré le top 3, cette affaire montre que le meurtre des journalistes ne concerne pas uniquement certaines régions autoritaires du monde.

Quelques affaires d’ingérence sont également à déplorer. En Finlande, l’ancien premier ministre Juha Sipilä a été accusé en 2016 de faire pression sur la presse pour éviter la couverture d’une affaire compromettante pour lui et sa famille. En Islande, le commissaire du district de Reykjavík a empêché en 2017 certains médias d’enquêter sur des affaires financières impliquant l’ancien premier ministre Bjarni Benediktsson. Cette affaire montre le durcissement des relations entre le monde médiatique et la sphère politique islandaise, observable depuis 2012 selon Reporters sans frontières. La baisse des subventions publiques menace l’existence même de petits journaux locaux, surtout en Norvège et en Suède.

Concernant la lutte contre une trop grande concentration des médias, la Norvège a pu faire un léger pas en arrière en remplaçant sa loi de 1997 sur la propriété des médias par une loi sur la transparence de la propriété des médias, votée en 2016. Si l’autorité norvégienne des médias collecte des informations sur la structure de la propriété des médias, pour ensuite les rendre accessibles aux citoyens norvégiens, ce texte législatif est considéré comme moins restrictif par RSF. Enfin, le développement des médias « alternatifs », diffuseurs d’intox plus ou moins complotistes, sont à signaler, en particulier en Suède.

Lors de notre série spéciale « liberté de la presse en Europe en 2020 », retrouvez également des articles plus détaillés sur la liberté de la presse en Norvège, en Suède, en Finlande et au Danemark.

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