Le coup politique réussi de Pedro Sánchez
En pleine présidence tournante de l’Espagne du Conseil au l’UE, le pays ibérique a tenu des élections nationales parlementaires d’une grande importance du point de vue national comme européen. En effet, l’Europe est en proie à une forte montée de l’extrême droite, qui gouverne déjà en Italie, en Finlande et en Hongrie. La défaite du PSOE (parti socialiste espagnol) lors des élections locales et régionales du 28 mai aprovoqué la tenue d’élections parlementaires anticipées. Ces dernières ont largement été remportées par le PP (Partido Popular), parti de droite conservatrice, à l’exception de la Catalogne et du Pays Basque, mais sans majorité absolue.
Au lendemain de celles-ci , ce n’était pas la victoire du PP qui marquait l’actualité, mais l’annonce d’élections anticipées par Pedro Sánchez. Cela avait pour but d’arrêter une perte des voix socialistes et d’éviter un possible gouvernement de coalition au niveau national entre le PP et l’extrême droite de VOX.
Les résultats des élections ne donnent pas la possibilité d’un gouvernement de coalition entre le PP et VOX, mais permettent une répétition de la coalition de gauche progressiste entre le PSOE et SUMAR, s’ils arrivent à avoir le soutien des nationalistes basques et catalans. Cependant, il semble que le désir de Meloni de redresser l’Union européenne ne sera pas possible pour l’instant, c’est-à-dire, de la rendre un géant politique et pas un géant bureaucratique.
Les résultats sont une bonne nouvelle non seulement pour l’Espagne, mais aussi pour l’Union européenne, qui s’inquiétait d’une possible entrée de l’extrême droite au gouvernement espagnol. Cette situation (politique) aurait signifié une régression des droits sociaux étant donné que VOX dans son programme électoral défendait l’abrogation de la loi sur l’avortement, de la loi contre l’euthanasie, de la loi de mémoire démocratique, de la loi qui protège le collectif LGTBIQ+ ou même de la loi contre le changement climatique.
Une création d’alliances nécessaires afin d’éviter une nouvelle élection
Les résultats montrent que le Parlement espagnol est moins divisé et qu’il connaît un certain retour au bipartisme. En effet, les partis traditionnels de la démocratie, le PP et le PSOE, ont renforcé leur poids au sein du Parlement. Cependant, aucun des deux partis n’a obtenu la majorité absolue, qui nécessite 176 sièges sur les 350 du Parlement, donc, des alliances seront nécessaires.
Habituellement, le parti ayant remporté le plus de sièges aux élections est convoqué par le roi pour former un gouvernement. Cela devrait donc être le PP mais son investiture résulterait probablement en un échec (art. 99 Constitution Espagnole 1978 ) étant donné que les partis nationalistes comme le basque PNV lui ont refusé leur soutien. Le plus probable est que le PSOE et SUMAR, présidé par Yolanda Diaz, présentent un gouvernement de coalition, qui n’aurait pas de majorité absolue, mais une majorité simple (plus de oui que de non).
Néanmoins, pour cela, le soutien des partis nationalistes basques comme le PNV ou EHBildu, sera important. Ces derniers ont déjà affirmé leur appui. Le soutien des partis catalans comme Esquerra ou Junts, parti dirigé par l’ex-président de la Catalogne Carles Puigdemont, sera tout aussi important.
Cependant, il faut dire que les partis indépendantistes catalans ont diminué leur poids au Parlement espagnol, surtout au bénéfice du PSOE et de SUMAR. C’est un fait exceptionnel étant donné que le PSC (Parti Socialiste Catalan) a remporté les élections dans les 4 provinces de la Catalogne, contrairement à 2019, où celles-ci avaient été remportées par l’Esquerra. Le résultat de l’indépendantisme catalan aux élections nationales passe de 51 % à 28 %.
Le comptage des votes des Espagnols résidant à l’étranger, lui, a donné un siège de plus au PP (137) perdu par le PSOE (121). Ainsi, la somme des blocs au Congrès sera de 172 sièges pour le PP et Vox - à condition qu’ils intègrent Coalición Canaria et UPN dans le bloc - et de 171 pour la somme du PSOE, Sumar, ERC, PNV, EH Bildu et BNG.
Les conditions des indépendantistes catalans
Alors, comme dit l’article 99 de la Constitution Espagnole de 1978 lors d’un second vote, le gouvernement a besoin de plus de oui que de non et ce petit changement oblige Sánchez à obtenir le oui de quelques députés de Junts. Il semble donc que la clé de voûte de la gouvernance de l’Espagne est surtout entre les mains des indépendantistes, et particuièrement du parti de Carles Puigdemont.
L’une des revendications des groupes indépendantistes a été la possibilité d’utiliser le catalan, une langue co-officielle de l’État. C’est depuis l’arrivée de Francina Armengol à la présidence du Congrès des députés que le catalan, ainsi que le galicien et l’euskara peuvent être utilisés dans la chambre basse. La droite espagnole, le PP et VOX, s’y sont opposés et considèrent que l’espagnol devrait être la seule langue parlée dans l’hémicycle. Depuis le 18 septembre, ces trois langues co-officielles peuvent être utilisées grâce à un système de traduction simultanée, ce qui a coûté 53 000 euros. L’image marquante de cette journée a été lorsque les députés de VOX ont quitté l’hémicycle et ont déposé leurs écouteurs sur le siège de Sánchez, qui était absent en raison de la 78e Assemblée de l’ONU.
L’une des autres conditions des Catalans est que le gouvernement espagnol propose le catalan comme langue officielle de l’Union européenne. Le catalan peut être considéré comme une langue moyenne, avec 10 millions de locuteurs, un chiffre plus important quecertaines autres langues officielles de l’UE, telles que le finnois. Considérant quel’officialité du catalan est essentielle pour le gouvernement espagnol, le ministre des Affaires étrangères espagnol, José Manuel Albares, profitant de la présidence espagnole du Conseil, a déposé une proposition au Conseil visant à faire du catalan, du galicien et de l’euskara des langues officielles de l’UE. Cela trouve un précédent dans l’UE lorsque, en 2005, le gaélique a été reconnu comme langue officielle de l’UE. La condition pour que cela devienne réalité est l’unanimité de tous les pays. Néanmoins, il convient de mentionner qu’au cours du dernier Conseil de l’UE, les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont demandé plus de temps pour le faire en raison des doutes juridiques et financiers que cela pourrait entraîner, en particulier de la part de la Finlande et de la Suède. Il faudrait modifier l’article 55 du TUE, qui détermine les langues officielles de l’UE.
Les indépendantistes ont comme condition pour soutenir Pedro Sánchez l’élaborationd’une loi d’amnistie pour tous les accusés du 7 octobre 2017 , qui sont au nombre de plus de 1000. Cela signifierait que tous les « exilés », tels que Carles Puigdemont, pourraient rentrer en Catalogne si cette loi est approuvée. Cela a suscité un débat non seulement au sein de la droite, qui a organisé une manifestation contre l’amnistie, mais aussi au sein du secteur socialiste. Plus précisément, l’ancien président Felipe González et l’ancien vice-président Guerra sont opposés à cette loi. Toutefois, il s’agit d’une initiative qui pourrait contribuer à déjudiciariser un conflit politique.
Conformément à la loi espagnole, le roi a demandé au chef du PP, Feijóo, de former un gouvernement, ce qu’il a accepté. Son investiture, qui risque probablement d’échouer en raison du manque de soutien, devrait avoir lieu entre le 26 et le 27 septembre, deux jours au cours desquels la loi d’amnistie et l’utilisation des langues co-officielles seront certainement au cœur du débat.
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