Mauvaise place pour la presse russe
En 2020, avec une place perdue, la Russie est classée 149ème sur les 180 pays listés. Guère reluisant… À titre de comparaison, la France est 32ème, l’Allemagne 13ème et les États-Unis d’Amérique 48ème. L’ONG dénonce la pression légale de plus en plus accrue sur la presse indépendante que ce soit par la fermeture de sites, l’intimidation ou l’emprisonnement, d’autant plus que le pouvoir étend sa mainmise sur les médias de masse.
De plus, RSF dénombre pas moins de 28 journalistes russes assassinés et trois encore emprisonnés en 2020. Parmi les meurtres les plus retentissants, on trouve celui d’Anna Politkovskaïa en 2006, alors que ses articles sur les droits de l’Homme notamment en Tchétchénie ont été récompensés à de multiples reprises dans le monde.
Nous pouvons prendre l’année 2011 comme le début du mouvement de régression et de répression de la presse russe. Les élections législatives de décembre 2011 sont les premières depuis que Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev ont joué aux chaises musicales, avec deux chaises. Le premier est Président mais a épuisé ses deux mandats successifs, limite constitutionnelle. Le second est Premier Ministre. En 2008, Dmitri Medvedev devient donc Président et Vladimir Poutine devient alors Premier Ministre. Seulement, les Russes n’ont guère apprécié le subterfuge. Le Parti présidentiel Russie Unie est alors sanctionné : il recueille 49,3% des voix. Force est de reconnaître qu’il y a eu bien pire en termes de sanction électorale. Néanmoins, de nombreuses irrégularités et des fraudes sont relevées. Ainsi par exemple, à Rostov, le total des voix dépasse les 146%...
Des vidéos ont circulé montrant clairement des bourrages d’urnes. À la suite de ces fraudes scandaleuses, de nombreuses manifestations ont éclaté dans les grandes villes. Moscou, Saint-Pétersbourg, Tomsk, Nijni-Novgorod, ces regroupements, organisés majoritairement via internet, ont notamment vu apparaître l’opposant Alexeï Navalny. La réponse du pouvoir ne se fera pas attendre.
Le tour de vis se fait notamment par la Douma qui adopte des lois liberticides : notamment la loi de 2013 relative officiellement à la protection des enfants contre les informations nuisibles à leur santé et à leur développement. Cette loi bannit officiellement toutes les manifestations LGBT, les débats autour de la question des droits des minorités sexuelles et notamment à l’école. C’est donc une violation claire à la liberté d’expression et de la presse en plus de renforcer la discrimination et la stigmatisation des personnes LGBT, ce qu’a reconnu la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) en 2017.
En outre, de plus en plus de simples blogueurs sont emprisonnés quand ils tentent d’aborder la question de l’intervention russe en Syrie. En 2013 toujours, la Douma adopte deux lois visant à protéger les valeurs familiales traditionnelles russes et les croyants. Cette nouvelle interdiction du blasphème intervient après le coup d’éclat des Pussy Riot en 2012 qui avait investi un office religieux dans une cathédrale moscovite pour critiquer violemment la politique de Poutine.
Vladimir Poutine réorganise les médias
En 2014, l’organisation des organes de presse russes est modifiée : en 2013, Rossia Sevodnia est créée par décret présidentiel, regroupant l’ancienne agence RIA Novosti et la radio La Voix de la Russie. Cette fusion aurait pour but de diminuer les coûts, mais c’est également un moyen pour le Président Poutine de raffermir son autorité sur les médias, à l’intérieur du pays d’autant qu’elle est financée principalement par l’État et son dirigeant nommé par le Président de la Fédération. L’agence a d’ailleurs été accusée de censure sur leur couverture de la crise ukrainienne en 2014-2015. En outre, le directeur est connu pour son homophobie virulente. S’agissant de la couverture à l’étranger, le décret de 2014 a également créé l’agence Sputnik. Très connue dans le monde entier pour ses contenus très favorables au pouvoir russe, Twitter l’a bannie de son réseau et Google l’a déclassée, rendant plus difficile son accès. Notons que des agissements de ce type de la part d’entreprises russes auraient fait hurler les médias occidentaux…
Cible privilégiée des fake news russes, le Président Macron n’a pas hésité à qualifier RT et Sputnik d’ « organes d’influence, de propagande et de propagande mensongère » durant la conférence de presse commune avec le Président russe à Versailles en mai 2017.
La liberté de la presse est en grand danger face aux invasions légales de Moscou. Chaque année, des journalistes accrédités ou de simples citoyens sont emprisonnés pour avoir critiqué, dénoncé l’action du gouvernement ou enquêté sur des sujets sensibles. Chaque année, des journalistes accrédités ou de simples citoyens sont assassinés ou tués dans des circonstances étranges alors que les enquêtes officielles parviennent rarement à trouver les auteurs. Le pouvoir, exécutif et législatif, reviennent dangereusement sur des droits en termes de liberté de la presse ou d’expression. La CEDH alerte sur ces violations, nous l’avons vu. Il n’est pas rare également de voir les médias occidentaux dénonçant l’effroyable situation de la presse russe. Cependant, il est primordial également de ne pas occulter la situation des médias en Europe : il n’est pas rare de voir des patrons de chaines de télévision nommés par les chefs d’État et la quasi-totalité des journaux sont aujourd’hui détenus par des patrons de grandes entreprises, ayant leur intérêt propre en vue. Finalement, le devoir de tout citoyen est d’être vigilant sur les sources de l’information.
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