L’Union de l’énergie, un chantier colossal pour la Commission Juncker

, par Thomas Lymes

L'Union de l'énergie, un chantier colossal pour la Commission Juncker
Les liaisons énergétiques entre les Etats membres sont au coeur de l’Union de l’énergie. Elles doivent permettre de partager les fruits de la production énergétique des pays. - Joern Spiegelberg

Durant les sept derniers mois, le vice-président de la Commission en charge de l’Union de l’énergie, Maroš Šefčovič, aura joué le rôle de commercial de la Commission européenne en présentant l’un des projets phares de la Commission Juncker visant à connecter les Européens par l’énergie.

Les débuts de la Commission Juncker furent fortement marqués par le conflit géopolitique en Europe de l’Est opposant l’Ukraine à la Russie. Outre les répercussions sur la scène diplomatique, cet épisode a révélé la dépendance de l’Union européenne envers les pays tiers concernant son approvisionnement énergétique et notamment envers le gaz russe. Selon, les chiffres de la Commission européenne, environ la moitié de la consommation en énergie de l’Union est actuellement importée depuis des pays tiers. Dans certains pays, comme les pays baltes, cette dépendance dépasse les 80% de l’énergie consommée. Profitant d’une telle situation, la Russie n’a pas hésité à agiter la menace d’une fermeture du robinet de gaz pour les pays de l’Union ou pour l’Ukraine tout au long de la crise ukrainienne.

La grande conférence environnementale, la COP21, qui aura lieu dès la fin novembre à Paris, n’est pas non plus étrangère à l’engagement de la Commission dans la modernisation de sa politique énergétique. Cette conférence doit permettre de définir un cadre pour la réduction des gaz à effet de serre pour les prochaines décennies, ceci afin de limiter le réchauffement climatique. L’Union européenne, qui a toujours été plutôt bonne élève en matière de réduction de ses émissions, cherche ainsi à montrer la voie en matière de politique énergétique afin d’exporter son modèle de production et de consommation d’énergie verte dans le monde entier. L’importance de l’enjeu énergétique aux yeux du président Juncker s’est finalement ressentie dans la structure de la Commission Juncker. Avec deux commissaires en charge de l’Union de l’énergie, Maroš Šefčovič et Arias Cañete, l’exécutif bruxellois espère faire avancer rapidement ce chantier herculéen.

Une énergie sécurisée, abordable et renouvelable

La sécurité de l’approvisionnement énergétique en Europe est l’un des points clés de cette stratégie de l’Union énergétique. Afin de pallier à la fragilité de l’approvisionnement en énergie, la Commission souhaite réduire la dépendance énergétique des pays membres de l’Union. Selon le commissaire Šefčovič, la Commission présentera à l’automne 2015, une nouvelle stratégie visant à diversifier les sources d’approvisionnement en énergie des Etats membres. Si le contenu exact de cette stratégie n’est pas encore connu, ses grandes lignes sont déjà perceptibles. La Commission encouragera ainsi le développement de corridors gaziers dans le nord de l’Europe, notamment en coopération avec la Norvège, et renouvellera son soutien au développement des infrastructures en mer Méditerranée et en Europe orientale. Elle favorisera également la collaboration et la solidarité entre les Etats membres pour que chacun puisse survivre à une pénurie potentielle d’énergie.

Dans l’une de ses communications, la Commission envisage également de redessiner le marché intérieur de l’énergie. Ce nouveau marché serait marqué par une coopération transfrontalière accrue entre les pays membres voisins dans l’élaboration de leur politique énergétique nationale, et par un meilleur maillage du réseau européen. Le développement des liaisons entre les marchés nationaux de l’énergie est également à l’ordre du jour.

Une refonte du système d’échange des quotas d’émission

La Commission a également pour projet une refonte totale du système européen d’échange des quotas d’émission. Ces « permis de polluer », échangés et revendus entre Etats et entreprises, constituent l’un des outils fondamentaux de l’Union européenne pour influencer la baisse des émissions de gaz à effet de serre et favoriser le développement des énergies renouvelables. Ce système a cependant montré quelques limites, notamment quant à la faiblesse relative de ces permis. Pour pallier à ces problèmes, la Commission européenne a présenté en juillet 2015 un projet de refonte de ce système, permettant de mieux contrôler le marché de quotas d’émission et de favoriser le développement des énergies renouvelables. Un tel outil ambitionne d’aider l’Union européenne à respecter ses engagements pris en matière environnementale en prévision de la COP21.

Un consommateur informé en vaut deux

Le projet d’Union de l’énergie vise également une participation accrue des consommateurs. La Commission mise ainsi sur le développement d’une tarification intelligente et transparente afin de sensibiliser le citoyen sur sa consommation d’énergie. Ce « new deal » proposé par la Commission vise également à rendre le consommateur plus autonome par rapport aux fournisseurs d’énergie en lui donnant la possibilité de bénéficier d’une offre plus variée en matière d’énergie. La production individuelle d’électricité est également mise en valeur comme l’une des solutions pour réduire le montant de la facture énergétique.

Unir les Européens par l’énergie : une utopie ?

Le chemin vers la création d’une union de l’énergie est cependant pavé d’embûches. Au premier rang des possibles entraves à un tel projet, les Etats membres pourront potentiellement faire valoir leur veto du fait de l’absence de compétence de la Commission sur certaines questions. En effet, si la Commission a mis en avant les intérêts d’une telle union, les intérêts des Etats membres divergent énormément en matière de politique énergétique. L’une des pierres d’achoppement sur laquelle pourrait buter la Commission européenne est l’exploitation du gaz de schiste. Si le Royaume-Uni et la Pologne semblent en faveur d’une telle exploitation, la France ainsi que d’autres Etats membres restent sceptiques. L’avenir des centrales à charbon ou du nucléaire fait également débat au sein du Conseil de l’Union européenne. Cela rappelle que si l’Union tente de développer une politique claire en matière énergétique, les Etats membres restent les véritables maîtres de leur production d’énergie. La Commission européenne marche donc sur des œufs et tente de concilier les différents points de vue en utilisant au maximum sa marge de manœuvre. Même si certaines divergences pourront poindre quant au développement futur de l’Union de l’énergie, la production d’énergie fut toujours l’un des domaines où les Européens finirent par s’entendre, comme ce fut le cas au lendemain de la guerre avec la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, qui posa les fondations de l’Union européenne actuelle.

Un article à retrouver prochainement dans l’édition papier anniversaire du Taurillon.

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