Le projet européen en danger
L’heure est grave pour L’Europe. Les élections présidentielles autrichiennes ont placé en tête au premier tour le candidat d’extrême-droite du FPÖ Norbert Hofer, opposé au second tour à un candidat écologiste crédité d’à peine 20% des voix, ce qui lui donne de bonnes chances de remporter l’élection. Au Royaume-Uni, les sondages donnent au coude-à-coude les partisans et les opposants à la sortie du pays de l’Union européenne. En France, les sondages placent dans tous les cas de figure Marine Le Pen en tête au premier tour de l’élection présidentielle de 2017.
Les attentats de Paris et Bruxelles, la gestion de la crise migratoire, une croissance économique malgré tout assez modeste et inégale même dans les pays les plus performants de l’Union européenne expliquent en partie ce discrédit de la classe politique en place et des institutions européennes. En y regardant de plus près, l’argument ne tient pas : aux Etats-Unis, qui a songé à remettre en cause l’union pendant la crise de 1929 ou la Seconde Guerre mondiale ? Au contraire, ces moments difficiles ont ressoudé la nation américaine. Pourquoi ? Parce que justement elle formait une nation.
La peur des politiques
Le vrai problème de l’Union européenne, c’est que les classes politiques en place dans les différents pays qui la constituent ont renoncé à construire une nation européenne, préférant mettre en avant les bénéfices économiques ou pratiques qu’elle pourrait apporter. La dernière guerre a donné de très bonnes raisons de se méfier du nationalisme, en particulier dans les grands pays fondateurs de l’Europe : l’Allemagne, la France et l’Italie. L’ancien président français François Mitterrand disait en toute connaissance de cause, « le nationalisme, c’est la guerre ».
On peut comprendre que les hommes politiques n’aient guère envie de mettre en avant une Union européenne de moins en moins populaire… Mais se sont-ils seulement interrogés sur la cause de cette impopularité ? Ils ont promis monts et merveilles économiques pour justifier la construction européenne, alors qu’on ne construit pas une nation dans une optique utilitariste : la nation est sacrifice, c’est ce qui permet l’unité nationale dans les difficultés. Le problème est que cette notion de sacrifice a laissé de lourdes cicatrices dans le passé : elle a permis la Première Guerre mondiale, elle a été le carburant du nazisme et des fascismes européens.
Ainsi, la construction européenne s’est basée sur une philosophie antinationale. Le but a été de la fonder sur la prospérité économique et sur la vertu : le refus de la guerre et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, qui ont présidé à la création de la Cour Européenne des Droits de l’Homme et à l’Agence des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne. Machiavel nous a pourtant enseigné que la morale et le politique, sans être toujours antinomiques, ne sont pas de même nature : le politique cherche la moins mauvaise solution dans un monde imparfait ; la morale repose sur de grands principes intangibles qui ne souffrent pas la négociation. Comme l’Union européenne se veut une union politique, il lui faut nécessairement une autre base que de s’en tenir à des règles de conduite morales en refusant le politique, qui obéit à une logique d’une autre nature : agir pour défendre des intérêts communs et une identité commune. Soyons bien clairs : elle n’a pas le choix.
La nécessité d’un sentiment national européen
Aucune union politique n’a survécu et prospéré sans un sentiment d’unité nationale. Le sentiment d’unité nationale est d’abord un discours et une glorification de l’identité de la nation. Comme des valeurs à vocation universelle ne peuvent tenir lieu d’une identité nécessairement particulière, la classe politique pro-européenne doit donc nécessairement inventer cette identité en se basant sur des moments forts et des symboles de notre histoire commune. Ensuite elle doit produire ce discours et le diffuser là où il peut l’être : dans les écoles, lors des meetings politiques, de cérémonies et de fêtes à la gloire de l’Europe. Il ne s’agit pas de renier les valeurs universelles qui ont présidé à la construction européenne, mais de leur donner un corps : une nation européenne.
Des symboles forts pour l’Union européenne
Ainsi, unir les peuples d’Europe passe par l’exaltation d’un sentiment d’appartenance européen, donc par une forme de patriotisme.
Il ne faut pas hésiter à mettre en place des mesures volontaristes visant à la glorifier en tant que nation. On a légiféré en France pour faire apprendre la Marseillaise dans les écoles et les collèges, ne serait-il pas plus judicieux de faire de même avec l’hymne européen ? De prévoir une fête européenne comme notre 14 juillet national, où l’Union serait glorifiée, avec des défilés civils et militaires des différentes armées de l’Union ?
1. Le 22 mai 2016 à 10:14, par dani streng En réponse à : L’urgence face au rejet de l’Europe : construire la nation européenne
beaucoup de choses à dire !! pour moi qui suis de la génération née avant guerre et ayant vécu pas mal d’évènements comme tous mes contemporains, je suis extrêmement inquiet quant à l’avenir de l’Europe ! nous étions tellement enthousiastes pour tout ce qui signifiait : « plus de guerre », en tant qu’alsacien, l’amitié franco-allemande était précieuse (soit dit en passant mon grand père a changé 5 fois de nationalité durant sa vie, moi deux !) j’aimerais pouvoir faire un « petit quelque chose » pour l’IDEE, mais je comprends aussi les jeunes qui ne peuvent se mobiliser comme nous, les circonstances ayant tellement changées !! que faire ? avec vous de tout coeur ds
2. Le 8 juin 2016 à 13:00, par Jean-Luc Lefèvre En réponse à : L’urgence face au rejet de l’Europe : construire la nation européenne
Construire une Nation européenne ? Mais comment, sinon de la même manière qu’a été construite l’école « nationale », en mobilisant tous les acteurs de l’éducation, en ce compris le monde de l’édition (les outils de socialisation que sont dictionnaires, manuels d’histoire...), le monde des media...C’est toujours de la sorte, hier comme aujourd’hui, que l’on façonne la terre plastique de nos cerveaux dès le plus jeune âge. Sommes-nous prêts, en France, à dire à nos enfants que Charlemagne n’était pas français, en Belgique, à dire que Godefroid de Bouillon n’était pas belge, en Grande-Bretagne, à dire que Mme Tussaud était strasbourgeoise...??? Aussi longtemps que subsistera cette norme protestante de la subsidiarité, malgré Pisa et ses évaluations mondialisées, l’éducation appartiendra au monopole de chaque pays. Même les objectifs généraux, les finalités donc, du projet éducatif, à savoir l’image de citoyen que l’on veut construire. Comme si elle différait fondamentalement de Vienne à Dublin, comme s’il était impossible de définir, une fois encore, le profil de l’européen !?! Rien n’empêcherait alors de laisser à chacun le soin de couler cela dans des programmes scolaires ! D’éducation à la citoyenneté européenne, il n’est donc question que lorsque nos dirigeants peuvent, comme à Verdun, comme à Oradour, comme à Omaha..., se mettre en valeur et pavaner, avec des jeunes qui font irruption parmi les tombes de Douaumont. Du spectacle, du show, rien de plus. Le cache-sexe de notre misère à tous, en effet !
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