Du 31 mai au 3 juin a lieu à Paris l’évènement « German – French Young Leaders », une rencontre ayant pour but l’échange et la diffusion d’idées portant sur l’Europe et sa construction politique dans un monde en mutation. Une centaine de participants français et allemands, de tous horizons professionnels, participent aux différentes tables rondes thématiques. L’occasion de développer une vision commune du projet européen, mais aussi de découvrir de nouvelles perspectives d’analyse pour ce même projet.
Le thème de la démocratie en Europe et son état (inquiétant) occupent naturellement une place centrale dans les débats. La démocratie représentative est en crise, cela relève du truisme. Doit-on pour autant céder aux sirènes malsaines du populisme ou des démocraties « illibérales » ? L’Histoire est un cycle, les années 30 ne sont pas totalement oubliées et peuvent revenir, tel un spectre freudien, hanter nos sociétés. Il y a néanmoins des paramètres différents à prendre en compte par rapport à l’entre-deux-guerres, les États et les organisations européennes sont beaucoup plus stables aujourd’hui.
Rendre aux citoyens leur véritable place dans la vie démocratique
Le thème des « German – French Young Leaders » 2018, « European idea(l)s in a changing world » (« les idées et idéaux européens dans un monde qui change »), fait la part belle à la démocratie, notamment via la table ronde organisée avec la fondation Bertelsmann, l’un des think tanks allemand les plus connus. L’intervenant, Dominik Hierlemann, présente le concept de démocratie délibérative, censé être une solution pour contrer le manque de confiance des citoyens envers les institutions.
Le principe est simple : il s’agit d’inclure le plus de citoyens possibles à la discussion pour formuler des propositions et ainsi améliorer la vie en société. La recherche du consensus et l’inclusion sont au cœur de la méthode, le fossé se creusant de plus en plus entre les personnes aisées et engagées politiquement et les personnes des quartiers populaires, de plus en plus désabusées. La démocratie délibérative diffère en cela à la démocratie directe, prise dans le carcan du référendum et de l’opposition binaire « oui – non » et à la démocratie représentative, où le débat prend de plus en plus la forme d’une confrontation agressive.
Quelle application concrète, localement et au niveau européen ?
Quelques pays européens ont déjà expérimenté la démocratie délibérative, au niveau local mais aussi au niveau national. L’exemple irlandais est particulièrement intéressant car la démocratie délibérative a prouvé dans ce pays son efficacité quand elle était combinée avec d’autres formes de prise de décision. En 2016, le tout nouveau Premier Ministre Leo Varadkar promettait de constituer une assemblée citoyenne pour établir un rapport sur les changements possibles concernant le Huitième Amendement de la Constitution, relatif à l’avortement. L’assemblée a préconisé la légalisation de l’avortement, une proposition largement acceptée par la population lors du référendum tenu le 25 mai.
Le référendum irlandais est l’aboutissement d’un processus commencé deux ans auparavant et montrant une synergie réussie entre la démocratie délibérative (l’assemblée citoyenne rassemblant un large panel de la société civile), la démocratie représentative (la décision de Leo Varadkar d’organiser un referendum) et enfin la démocratie directe (le référendum en lui-même et le résultat final). Ce mélange peut-il fonctionner ailleurs ? Sans aucun doute.
Les consultations citoyennes, une tentative de répondre aux besoins d’expression des citoyens
Les consultations citoyennes, promesse phare d’Emmanuel Macron pour sa politique européenne, représentent un test à l’échelle européenne pour l’application des principes de la démocratie délibérative. Les prochains mois diront si cette initiative a porté ses fruits. Néanmoins, il existe toujours des questions en suspens : la démocratie délibérative ne saurait jamais fonctionner seule, les institutions ne vont pas se transformer en « Ecclésia » géantes. Quelle place doit prendre cette forme de démocratie dans le système déjà existant ? De plus, comment impliquer toutes les catégories de citoyens, et non pas toujours les mêmes ?
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