La Moldavie plus proche de l’Europe grâce à sa diaspora

, par Roxana Andrian

La Moldavie plus proche de l'Europe grâce à sa diaspora
File d’attente d’électeurs moldaves à Francfort-sur-le-Main, Allemagne. Source : Tataru Bogdan, Facebook

Le 16 novembre, l’élection de Maia Sandu à la tête du petit pays de l’Europe de l’Est a fait la une de tous les journaux du Vieux continent. Retour sur cette bataille digne d’un référendum pro-européen ou pro-russe, qui cache en réalité plusieurs enjeux importants.

Une diaspora moldave pour le changement

La journée du 15 novembre a été historique pour les Moldaves, notamment grâce au nouveau record de participation de la diaspora moldave au scrutin présidentiel… plus précisément 262.103 personnes lors de ce second tour des présidentielles. Plus impressionnante est la proportion de ce phénomène, car globalement, un Moldave sur six a exercé son droit de vote dans une des urnes ouvertes à l’extérieur du pays. C’est notamment cet impact de la diaspora moldave vivant dans des pays européens que dénonce le président sortant, qui n’a pas hésité à maintes reprises de les qualifier « d’électorat parallèle ».

Ce record a été atteint malgré la mauvaise gestion des sections de vote imposées par le Code électoral moldave. Celui-ci prévoit seulement 5000 bulletins de vote par section et a été déjà augmenté après le fiasco des élections législatives moldaves en 2019, quand il n’y en avait que 3000. Le 19 novembre déjà, un projet de loi a été soumis au Parlement, afin de porter de 5000 à 10000 les bulletins dans les sections de vote à l’étranger, qui seraient ouvertes deux jours. Ce projet de loi n’a pourtant pas abouti.

Les queues sans fin, la déception de ne pas avoir voté malgré une longue attente dans le froid ont uni les Moldaves de l’étranger, comme Londres, Francfort-sur-le-Main ou Milan. Cette solidarité a été aussi visible sur les réseaux sociaux, où de nombreux covoiturages ont été organisés afin de se déplacer vers une section éloignée de son domicile.

Une contestation « trumpienne » du président sortant

Dès que sa défaite a été annoncée, le président sortant s’est lancé dans une politique d’abnégation, tout comme son homologue de la Maison Blanche, Donald Trump. Tout cela s’inscrit bien dans la continuité de la campagne d’Igor Dodon, basée sur le dénigrement de son opposante, sans se gêner pour exprimer des propos pouvant être aisément qualifiés de sexistes.

Igor Dodon dénonce notamment des irrégularités dans la diaspora, où il n’a recueilli que 7% des suffrages exprimés. Selon lui, les covoiturages privés organisés par les Moldaves afin de se rendre dans la section de vote constitueraient de la « fraude électorale » et de la « corruption ».

Après que la Commission électorale centrale a validé le résultat portant Maia Sandu à la présidence moldave le 19 novembre, Igor Dodon a contesté cette décision devant la Cour d’Appel de Chisinau le 21 novembre. Les points retorqués visent l’implication dans la campagne électorale du président Roumain, Klaus Iohannis et d’autres personnalités politiques étrangères, ainsi que l’exercice électoral dans la diaspora moldave vivant dans l’UE. Néanmoins, ce différend sera réglé d’ici le 24 décembre, jour où la nouvelle personne démocratiquement élue par le peuple prendra la présidence.

S’il est possible d’observer un comportement de contestation assimilé à celui de Donald Trump, la République Moldave présente l’avantage d’être un pays plus petit que les États-Unis. La validation ou l’invalidation du scrutin sera donc une affaire vite réglée.

Le vote sensible dans les régions de Gagaouzie et Transnistrie

L’organisation du droit de vote des citoyens moldaves résidant en Transnistrie n’a pas été une chose facile pour la Commission électorale centrale moldave. Plusieurs sections de vote ont été ouvertes dans des villages de la rive gauche pour l’électorat de la rive droite du Dniestr, en imposant toutefois une interdiction totale des transports organisés des électeurs. Cette mesure vise à faire obstacle aux hypothèses de fraude électorale par l’achat des votes des citoyens transnistriens. Des incidents ont eu lieu à la « frontière » séparant la Moldavie de la Transnistrie, lorsque des vétérans de la guerre de 1992 ont bloqué le poste de douane de Varnița – ville moldave très proche de Tiraspol, la « capitale » transnistrienne. Ils ont procédé ainsi après avoir constaté des transports organisés en autocar depuis la rive droite. Ce conflit a été résolu et l’électoral transnistrien se déplaçant par ses propres moyens a pu finalement voter dans une des quatre sections de Varnița. Sans surprise, les transnistriens expriment leur choix pour Igor Dodon, qui gagne dans cette région avec 85,8%.

Concernant le vote en Gagaouzie, une unité territoriale autonome au sud du pays, le suffrage s’est déroulé sans problème puisque les sections de vote ont été organisées dans les villages et villes Gagaouzes. Ici, les résidents ont donné presque tous leur confiance au candidat pro-russe, où il recueille 94,59% des suffrages exprimés. Irina Vlah, la gouverneure de cette région s’est contenté de souligner le taux de participation très élevée en Gagaouzie, d’où son attente des solutions de la part des autorités centrales pour les problèmes du pays. Elle se réfère certainement à l’organisation étatique de la Moldavie. Le président sortant aurait souhaité créer un État fédéral composé de la Moldavie, la Gagaouzie et la Transnistrie. Néanmoins, Maia Sandu s’est déjà opposée à cette idée.

Une responsabilité lourde du changement pour Maia Sandu

Cela nous conduit à nous interroger sur le changement qui aura lieu avec Maia Sandu – pro-européenne à la présidence. La Moldavie a choisi en 1991 un régime politique parlementaire et Igor Dodon n’a pas cessé de le rappeler depuis sa défaite, même si, pendant ses quatre années de mandat, il voulait réformer le système pour le tourner vers un régime présidentiel.

Dès lors, Maia Sandu n’aura pas la tâche facile avec son gouvernement, puisque son parti – le PAS – n’a que 15 sièges sur 101 au Parlement. Sa seule option reste la dissolution du Parlement, qui ne peut être faite que s’il est dans l’incapacité d’adopter des lois pendant trois mois ou s’il n’approuve pas le nouveau gouvernement dans un délai de quarante-cinq jours.

Mais Igor Dodon a déjà commencé la consultation avec les différents partis du Parlement afin de trouver une nouvelle coalition. Est-ce qu’il réussira à trouver son alliance et assurer ainsi sa place comme Premier Ministre après le 24 décembre ? Ou est-ce que sa défaite déplaira à ses paires politiciens qui vont se tourner vers le parti de Maia Sandu en choisissant un autre Premier Ministre ?

Si les affinités politiques sur le plan interne - très changeantes en Moldavie - sont des données mystérieuses aujourd’hui, on connait déjà à qui cette défaite n’a pas plu : Moscou. Dès le 16 novembre, Konstantin Kosachev – sénateur du parti « Russie Unie » au Conseil de la fédération de Russie et président de la comission des Relations externes a émis des menaces à l’encontre de la Moldavie si celle-ci opérait trop de changements à l’avenir.

Dans un premier temps, il s’en prend à la légitimité de la présidente élue le 15 novembre, en soulignant qu’elle a été élue par les jeunes Moldaves habitant dans des villes européennes, alors que la Moldavie est un pays agraire, et où les villages ont voté pour Dodon. Il continue en affirmant que si une collaboration étroite entre la Moldavie et l’UE aura lieu dans le futur, la Russie pourra appliquer des sanctions. Il évoque aussi la question des exportations moldaves vers la Russie, qui sont soumises aujourd’hui à un embargo. Enfin, il met en garde que les décisions de la Moldavie devront se faire « grâce au dialogue, et non à la manière ukrainienne d’un conflit sévère ».

Tout laisse à entendre une forte désapprobation du pouvoir russe en place par rapport au changement brusque de paradigme des relations externes qui pourrait avoir lieu en Moldavie à l’avenir. Il y a énormément de questions sur lesquelles la Moldavie doit prêter attention. D’abord il y a l’éternelle énigme de la Transnistrie, qui reçoit une aide financière de la Russie depuis 2008 et où des soldats russes sont toujours stationnés. Une deuxième question est liée à la dépendance énergétique de la Moldavie, où la compagnie centrale de fourniture de gaz est détenue en majorité par le titanesque Gazprom russe.

En troisième vient l’embargo russe sur les vins et aliments moldaves, après la signature de l’accord d’association entre la Moldavie et l’Union européenne le 28 novembre 2013 dans le cadre du Partenariat oriental de voisinage.

Au vu du message du sénateur russe Konstantin Kosachev, la future présidente de la Moldavie doit faire preuve de beaucoup de tact afin de mener à bien ses politiques pro-européennes. Trouvera-t-elle le parfait équilibre pour éviter que la poudrière transnistrienne explose ?

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