L’Union et les États membres ont mobilisé, en totalité, 12 milliards d’euros d’aide militaire à l’Ukraine. Volodymyr Zelensky déclarait devant le Parlement Européen, le 9 février 2023 : « Pour la première fois dans son histoire, l’Union européenne fournit une aide militaire à une si grande échelle ».
Un héritage du mandat de Federica Mogherini
Le 13 juin 2018, la Haute Représentante Federica Mogherini présentait un nouvel instrument, la Facilité européenne pour la paix, permettant de « soutenir les forces armées des pays partenaires avec des infrastructures, de l’équipement ou de l’assistance militaire, lorsque le Conseil [de l’Union européenne] décidera de le faire. De toute évidence, la nature, la portée et les limites de ces actions seront définies par le Conseil. » La Haute Représentante ajoutait : « Nous avons beaucoup fait en matière de défense et je pense que nous partageons tous le sentiment qu’il s’agit probablement de l’un des héritages les plus forts de notre mandat et nous aimerions que nos successeurs disposent d’outils encore meilleurs pour mener à bien ce travail. »
Le 19 novembre 2018, le Conseil de l’Union européenne prenait « note de la proposition de la Haute Représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, avec le soutien de la Commission européenne, d’une Facilité européenne pour la paix ». Un accord politique était entériné le 18 décembre 2020, par le Conseil. Le 22 mars 2021, le Conseil adoptait une décision établissant la Facilité européenne pour la paix.
Federica Mogherini témoignait : « Je me souviens des controverses…Il a fallu déjà à l’époque briser un tabou, pour que l’Union envisage de soutenir des partenaires – on pensait au Sahel ou aux zones où on formait déjà des militaires – y compris avec des moyens militaires létaux. »
La guerre en Ukraine : « une page d’histoire a été tournée »
Le 27 février 2022, trois jours après le déclenchement de la guerre en Ukraine, Josep Borrell convoque une réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères de l’Union, à 18h00. Le Haut Représentant propose alors aux ministres d’activer la Facilité européenne pour la paix.
A l’issue de cette vidéoconférence informelle, « la quatrième réunion des ministres des Affaires étrangères en une semaine », Josep Borrell annonçait qu’un « autre tabou est tombé ces jours-ci, le tabou selon lequel l’Union européenne ne peut pas utiliser ses ressources pour fournir des armes à un pays qui est agressé par un autre. »
Affirmant qu’« une page d’histoire a été tournée » et que « nous avons travaillé 24 heures sur 24 ces jours-ci », Josep Borrell proclamait que les États membres de l’Union avaient « décidé d’utiliser nos capacités pour fournir des armes, des armes létales, une assistance létale à l’armée ukrainienne pour un paquet de soutien d’une valeur de 450 millions d’euros et 50 millions d’euros de plus pour les fournitures ». Le 28 février 2022, le Conseil de l’Union européenne mobilise officiellement la Facilité européenne pour la paix et engage une enveloppe de 500 millions d’euros, afin de financer « la fourniture d’équipements et de matériel aux forces armées ukrainiennes, y compris, pour la première fois, des équipements létaux ».
Un soutien de 3,6 milliards d’euros aux forces armées ukrainiennes
En s’adressant aux ambassadeurs de l’Union, le 10 octobre 2022, le Haut Représentant inscrivait le déploiement de la FEP, dans l’essor d’une puissance créatrice :
« Prenez plus d’initiatives. Soyez prêt à faire preuve d’audace. Quoi que nous fassions, il y a des décisions qui brisent les tabous. Nous brisons les tabous sur la guerre ukrainienne, en utilisant la Facilité européenne pour la paix pour acheter des armes – quelque chose qui au début [était] « oh, c’est impossible, nous ne l’avons jamais fait ». « Nous ne l’avons jamais fait » n’est pas une recette. Peut-être devrions-nous commencer à faire des choses que nous n’avons jamais faites dans le passé. Quand on hésite, on le regrette. »
Le 2 février 2023, le Conseil de l’Union européenne, en format Affaires Étrangères, sous la présidence de Josep Borrell, approuve une septième tranche de 500 millions d’euros pour la FEP. Ainsi l’apport total de l’Union au titre de la FEP en faveur de l’Ukraine atteint désormais 3,6 milliards d’euros. L’unité et la cohésion des États membres ont été déterminantes, dans l’accomplissement de ce processus intergouvernemental, qui nécessite de prendre les décisions à l’unanimité des Vingt-Sept.
Le 12 décembre 2022, le Conseil décide opportunément de rehausser le plafond financier global de la FEP, de 2 milliards d’euros en 2023, en prévoyant la possibilité d’une augmentation complémentaire à un stade plus avancé. Le 14 mars 2023, le Conseil porte le plafond à près de 7,98 milliards d’euros jusqu’en 2027. Josep Borrell affirme alors que garantir « la viabilité financière de cet instrument est capital pour notre soutien non seulement à l’Ukraine, mais aussi à nos partenaires dans d’autres régions d’Europe, d’Afrique et du Moyen-Orient, les besoins continuant de se faire sentir. »
La révision du plafond financier : une opération complexe et exigeante
Le 13 juin 2018, Federica Mogherini proposait pour la FEP, un plafond financier de 10,5 milliards d’euros, afin d’intégrer le cadre financier pluriannuel 2021-2027. Le 22 mars 2021, le Conseil de l’Union européenne instaure finalement un plafond en dessous de cette valeur, à 5 milliards d’euros pour la période 2021-2027. Les négociations du budget 2021-2027 ont abouti à une limitation des capacités d’un instrument inédit, au rôle encore incertain, afin de maîtriser les dépenses. La dynamique actuelle rapproche ainsi le plafond financier de la FEP, de la valeur initialement envisagée par la Haute Représentante.
La révision du plafond est une opération complexe et exigeante, pour les États membres qui emploient le seul instrument à leur disposition, leur permettant de soutenir des actions opérationnelles dans le contexte d’une guerre. En effet, l’article 41 de la version consolidée du Traité sur l’Union européenne spécifie que les « dépenses afférentes à des opérations ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense » sont exclues du budget de l’Union.
Un hard power supra-étatique unique au monde
Le 20 mars 2023, Josep Borrell confirme l’approbation par les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de l’Union, de la proposition à trois volets, présentée par le Haut Représentant lui-même et le Commissaire européen pour le marché intérieur, Thierry Breton, visant à fournir d’urgence à l’Ukraine des munitions d’artillerie, soit à partir de stocks existants, soit achetées conjointement. Josep Borrell notifiait que « le Conseil a également convenu d’envisager une nouvelle augmentation de la capacité financière globale de la FEP de 3,5 milliards d’euros. Je ne dis pas [que] le Conseil a accepté de l’augmenter, mais d’envisager cette nouvelle augmentation, qui est la première étape pour cela. »
Le Haut Représentant, le Conseil de l’Union, la Commission et le Conseil européen, manœuvrent un hard power supra-étatique unique au monde, en créant des combinaisons nouvelles et élaborées, afin d’accroître l’efficience d’une action intensifiée qui a définitivement traversé les frontières institutionnelles traditionnelles. Dans L’Art de la guerre, Sun Tzu définissait son concept de puissance stratégique : « De même, bien que le dispositif stratégique se résume aux deux forces, régulières et extraordinaires, elles engendrent des combinaisons si variées que l’esprit humain est incapable de les embrasser toutes. Elles se produisent l’une l’autre pour former un anneau qui n’a ni fin ni commencement. Qui donc pourrait en faire le tour ? »
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