La Réunification allemande, comme un malentendu entre Kohl et Mitterrand

, par Aurélien Gerbeault

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La Réunification allemande, comme un malentendu entre Kohl et Mitterrand
24 septembre 1987, Mitterrand et Kohl réunis. Image : Bundesarchiv, B 145 Bild-F076314-0006 / Engelbert Reineke / CC-BY-SA 3.0

Les années 1989-1990 ont été marquées par de nombreuses tensions entre François Mitterrand et Helmut Kohl, cristallisées par le processus de réunification des deux Allemagne. L’attitude du président français de l’époque a même parfois été vivement critiquée, certains l’accusant d’être hostile à la Réunification.

L’adhésion des nouveaux Bundesländer de l’Est à la République fédérale allemande, le 3 octobre 1990, n’a pas fait que des heureux. Au moins dans les premiers temps, à l’automne 1989, quand il ne s’agissait encore que d’un projet d’avenir. Et en tête de file de ces mécontents, ou à minima sceptiques face à cette nouvelle idée, le président français de l’époque, François Mitterrand.

Depuis trente ans, des documents sont sortis et les archives ont été ouvertes, progressivement. Ce qui a permis une meilleure compréhension, par les historiens, de la réaction de la classe politique française durant l’année 1989-1990. Daniel Vernet explique dans Mitterrand, l’Europe et la réunification allemande que ces documents ont mis en avant une série de malentendus entre le président français et le chancelier Helmut Kohl. Des malentendus qui ont aussi mis à mal les relations entre les deux dirigeants et l’amitié franco-allemande.

Des soupçons de tous les côtés

Hélène Miard-Delacroix détaille ces conflits dans L’unification allemande et ses conséquences pour l’Europe, 20 ans après. Elle identifie tout d’abord une crainte chez François Mitterrand : celui-ci redoute la création d’une nouvelle “Grande Allemagne”, avec de nouvelles envies de domination sur le continent. Helmut Kohl viendra même attiser les doutes du président français lorsqu’il présentera, le 28 novembre 1989, son plan en dix points pour la Réunification. Le chancelier présente son plan à la surprise générale des Européens : il n’avait prévenu personne, pas même François Mitterrand, qui a cru voir l’Allemagne partir seule dans de nouvelles conquêtes.

François Mitterrand (à gauche) et Helmut Kohl (à droite) - Image : Bundesarchiv, B 145 Bild-F076604-0021 / Schaack, Lothar / CC-BY-SA 3.0

François Mitterrand (à gauche) et Helmut Kohl (à droite) - Image : Bundesarchiv, B 145 Bild-F076314-0006 / Engelbert Reineke / CC-BY-SA 3.0

Un autre malentendu survient le 6 décembre 1989, quand François Mitterrand rencontre Mikhaïl Gorbatchev, alors à la tête de l’URSS, à Kiev. Tous deux s’entretiennent du cas de l’Allemagne, de la Chute du mur et de la Réunification à venir. Mais pour Helmut Kohl et les dirigeants allemands, cette rencontre est particulièrement malvenue : tous pensent que l’URSS et la France veulent décider à leur place, ce qui permettrait à la France de maintenir un statut de grande puissance. Pour une partie de la classe politique d’Outre-Rhin, la volonté de François Mitterrand est claire : stopper la Réunification, ou au moins la ralentir.

La construction européenne : la véritable source des tensions ?

Toutes ces craintes, d’un côté comme de l’autre, finiront par disparaître au cours de l’année 1990, après plusieurs échanges et rencontres entre le président français et le chancelier allemand. Elles viennent pourtant jeter un froid sur les relations entre les deux pays et mettent en lumière un point de vue divergent qui dépasse la Réunification. Plutôt que le seul cas allemand, c’est la construction européenne qui est visée. Plusieurs mois avant la Chute du Mur, François Mitterrand poussait l’Allemagne pour accélérer cette construction, notamment avec la création d’une union économique et monétaire. Pour Helmut Kohl, la priorité était au développement d’une union politique. La Réunification est venue exacerber cette division et faisait craindre à François Mitterrand une volonté des Allemands de ralentir la construction européenne, au profit de leur politique intérieure.

Si, au début des années 1990, certains ont soupçonné le président français de s’être opposé à la Réunification, l’accès aux archives et les témoignages ont permis de jeter un nouveau regard sur cette position ambiguë affichée par la France. En effet, François Mitterrand s’est toujours intéressé à la question : dès 1981, à son arrivée à l’Elysée, il aborde le sujet avec Helmut Schmidt, le prédécesseur de Kohl à la chancellerie. Pour le président français, il ne faisait alors aucun doute que la Réunification arriverait, certainement plus tôt que les deux chanceliers ne l’imaginaient, car celle-ci allait forcément dans le sens de l’Histoire.

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