Aux États-Unis, durant la campagne présidentielle, des articles totalement ou partiellement faux ont été massivement partagés sur les réseaux sociaux américains. L’objectif était de discréditer Hillary Clinton pour favoriser l’élection de Donald Trump et annihiler la confiance des Américains dans la démocratie. Ces « Fake news » devaient leur popularité à un contenu jouant la carte du sensationnel pour « faire le buzz ». PropOrNot, collectif de chercheurs indépendants, recense ainsi plus de 200 sites colporteurs de propagande russe, un réseau qui a attiré plus de 15 millions de lecteurs américains durant la campagne présidentielle. Cette stratégie est le fruit de la « Doctrine Guérissimov », selon laquelle la guerre contre la domination de l’Occident devra passer par la désinformation, qui constitue une arme de guerre idéale puisque les Occidentaux, et a fortiori l’Europe, ont pris un retard considérable sur le sujet.
L’Europe pour cible
L’une des cibles principales du Kremlin est l’Union européenne, où la montée du populisme facilite l’adhésion à un discours ultra-conservateur et nationaliste. De Marine Le Pen louant le travail de Poutine en Syrie en passant par Nigel Farage qui, de passage à la télévision russe, fustige le rôle de l’Union européenne dans la gestion de la crise ukrainienne, la connivence entre les partis populistes et le pouvoir russe est criante. Des observateurs voient dans ce discours pro-russe une forme de « Cheval de Troie » en Europe, qui a pour but de miner la confiance des citoyens européens dans la démocratie et d’affaiblir l’OTAN. S’ajoute à ces objectifs une volonté de la part de Moscou de redorer son blason depuis l’annexion de la Crimée en 2014. Pour renforcer son influence, la Russie a également fait usage des « Fake news » en Europe. A titre d’exemple, en août dernier, le Kremlin a répandu de fausses informations en Suède pour empêcher un partenariat avec l’OTAN.
Diffusion de la propagande Russe
Les cartes des mécanismes d’alliance mondiaux sont donc en passe d’être rebattues. Par le biais d’informations créées afin de mettre en valeur la stabilité et la force de la Russie, l’Union européenne apparaît comme un ensemble mou et faible. Les grands médias russes ont par exemple mis en lumière début 2016 le viol présumé d’une jeune fille allemande par plusieurs migrants. Ce récit, qui sera par la suite révélé comme construit de toutes pièces, a malgré tout insinué efficacement dans l’opinion l’idée d’une faiblesse européenne face à une immigration qui apparait comme dangereuse. Les gouvernements des Etats que Poutine qualifie de « tenants de la force brute » sont ainsi progressivement conquis par les idéaux sécuritaires et nationalistes défendu par le Kremlin. On peut ici véritablement parler de propagande, alors que le gouvernement russe finance massivement les journaux responsables des « Fake News » et que celles-ci sont destinées à jouer un rôle politique précis. Ce n’est pas sans rappeler des usages inhérents à la Guerre Froide, durant laquelle les blocs Ouest et Est dévoilaient des trésors de communication afin de convaincre leurs populations du bien-fondé de leurs orientations politiques. Le succès du manichéisme prôné par les Comics aux Etats-Unis et en Europe en était alors une manifestation. Ici, si on peut parler d’une forme de guerre nouvelle, les moyens développés par la Russie apparaissent comme asymétriques par rapport à ceux que lui oppose l’Occident. L’Europe ne dispose en effet pas des mêmes armes, ne serait-ce que financières ; le Parlement européen refuse en effet d’assigner un budget à la lutte contre la désinformation russe, alors que des fonds illicites à hauteur de 200 millions de dollars alimenteraient la désinformation depuis la Russie.
Un nouveau dualisme international
Un dualisme international semble par conséquent sur le point d’émerger, avec d’un côté un camp qu’on pourra qualifier de « poutinisant », défendant avec vigueur conservatisme et chrétienté, et un autre attaché à ce que Bill Clinton qualifiait de « démocratie de marchés », incarné par l’Union européenne et Angela Merkel. Un nouveau jeu des alliances qui doit beaucoup à l’influence des « Fake News », qui décrédibilisent massivement les médias et conduisent au succès électoral de candidats proches des prérogatives défendues par le leader russe. Par ailleurs, le nouveau président américain Donald Trump mène parallèlement à ces publications une guerre ouverte face aux médias ; la fin de cette entreprise apparaît comme visant à saper la confiance de l’opinion en des journaux défavorables à l’action de chefs politiques n’ayant que faire de préoccupations écologistes ou humanitaires.
Le très fédéraliste eurodéputé Guy Verhofstadt s’attaque à ce problème dans un billet posté sur son mur Facebook, dans lequel il condamne l’influence à venir de Poutine dans la campagne présidentielle française. C’est en effet ce que craignent les services secrets français, qui s’attendent à ce que la Russie soutienne la campagne de Marine le Pen par l’intermédiaire des réseaux sociaux, en générant des milliers de messages favorables à la candidate du Front National, ou en révélant des informations compromettantes sur ses adversaires. L’Union européenne doit donc faire face à cette menace plurielle en sortant de son l’immobilisme, afin de faire ressentir sa puissance politique de manière plus affirmée sur la scène médiatique.
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