Quand les armoiries d’une famille deviennent celles d’un territoire
Les couleurs rouge, blanche et rouge du drapeau autrichien contemporain viennent des couleurs semblables des armoiries des Babenberg, une famille noble d’Allemagne du Sud. Les Babenberg disposaient en effet de terres dans le territoire qui regroupe aujourd’hui l’Allemagne du Sud, la Suisse orientale et le Tyrol autrichien. La dynastie s’éteint à l’aube du XIIIème siècle. Mais si la lignée disparait, les armoiries auréolées de prestige restent. Elles sont en effet reprises par une maison qui gagne en influence dans l’Europe médiévale, la maison des Habsbourg.
Les Habsbourg réussissent à unir sous leur blason rouge-blanc-rouge un ensemble de territoire qui sont réunis au sein des « territoires héréditaires de la maison de Habsbourg », correspondant peu ou prou à l’Autriche actuelle. L’ancien territoire des Habsbourg s’unit ainsi aux provinces du Tyrol, d’Autriche à proprement parler -celle des Babenberg- et de la Styrie. Un domaine qui devient celui des Habsbourg donc, et qui ne fait plus qu’un avec les armoiries rouges-blanches-rouges.
L’éclipse jaune et noir
À coup de canons, mais surtout de mariages et d’héritages (« bella gerant alii, tu felix Austria nube » [1]), les Habsbourg réussissent à faire de l’Autriche une puissance de premier plan sur la scène européenne. L’Archiduché, qui devient très vite Empire, réunit ainsi les territoires d’Autriche, de Bohème, de Moravie, de Silésie et de Hongrie. L’union de ses territoires par l’empire nécessite dès lors un drapeau. Si le tricolore rouge-blanc-rouge représente la famille régnante et les territoires autrichiens, il ne peut représenter l’ensemble des territoires et sujets de l’empire. Lui est donc préféré un drapeau faisant référence à l’aigle noir sur fond jaune du défunt Saint Empire romain-germanique. Le bicolore noir et jaune est préféré au tricolore rouge-blanc-rouge.
L’étendard de l’Empire des Habsbourg ne changera pas. Une petite précision est à apporter toutefois sur les territoires qu’il représente. En effet, en 1867, un compromis est signé entre les Allemands et les Hongrois de l’Empire : le compromis austro-hongrois. Le compromis permet la naissance de la double monarchie, un État bicéphale qui fait de la Hongrie un État autonome avec son parlement, son gouvernement, son administration, ses lois et son drapeau. Ainsi, le bicolore noir et jaune ne représente plus que la partie administrée par les Autrichiens, la partie dite cisleithane.
Le drapeau de l’Autriche
Le noir et jaune reste le drapeau officiel de l’Autriche jusqu’à la chute de la monarchie habsbourgeoise, en 1918. En 1919, la double monarchie est démembrée par les traités de Saint-Germain-en-Laye et de Trianon, pendant austro-hongrois au traité de Versailles. L’Autriche devient alors, selon les termes des traités, une république indépendante. La jeune république adopte assez naturellement pour drapeau le tricolore rouge-blanc-rouge. Ce dernier représente en effet, les « territoires héréditaires de la maison de Habsbourg » qui correspondent, comme dit, à l’Autriche devenue république parlementaire.
Le tricolore rouge-blanc-rouge est ainsi devenu exogène aux régimes et aux personnes. Le drapeau, devenu celui de l’Autriche, symbolise davantage un peuple, un territoire -ceux autrichiens- qu’une monarchie ou une famille régnante. Cela explique la perpétuité du drapeau. Le tricolore survit à l’instauration de la Première République en 1919, aux dictatures d’entre-deux-guerres, à l’occupation nazie en 1938, à l’occupation des forces alliées, et enfin à la proclamation de la Seconde République, encore en place.
Enfin, si vous croisez, aux détours d’une promenade, un drapeau autrichien au-dessus d’un pont, ne soyez pas surpris. Il ne s’agit pas du tricolore alpin mais d’une signalisation de navigation fluviale. La signalisation blanche-rouge-blanche signifie que le pont est un passage interdit à la navigation et non que celui-ci est un ancien territoire héréditaire de la maison de Habsbourg.
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