Alors que la mise en place du Green Deal (une vaste stratégie de la Commission von der Leyen pour verdir l’économie européenne, et ainsi atteindre la neutralité carbone en 2050) monopolise l’actualité climat-énergie, une autre nouvelle, pourtant riche d’enseignements concrets, est passée inaperçue.
Selon une étude d’Eurostat, l’office statistique de l’UE situé à Luxembourg, la part d’énergie renouvelable (éolienne, photovoltaïque, hydraulique…) a atteint en 2018 18% de la consommation finale d’énergie brute.
Ces chiffres les plus récents de l’avancement du paquet climat-énergie 2020 montrent une progression de 0,5% par rapport à 2017, de 1% par rapport à 2016, mais surtout de 9,5% par rapport à 2004, année de la première mesure de ce type.
Le paquet climat-énergie 2020 est le premier texte législatif européen complet sur la transition énergétique. Signé en 2008, encouragé par la présidence allemande du Conseil de 2007, il a fixé le fameux objectif 20-20-20 au niveau européen d’ici 2020 (20% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique, la réduction de 20% de la consommation énergétique par rapport à l’augmentation tendancielle, et la réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à 1990).
L’objectif de réduction des GES est déjà atteint puisque qu’entre 1990 et 2016, ceux-ci ont baissé de 22,4% dans l’UE et la baisse devrait atteindre 26% voire 27% en 2020. L’objectif d’efficacité énergétique semble plus difficile à atteindre, puisque les estimations pour 2020 indiquent une baisse de 16,7%.
Le développement des énergies renouvelables n’est donc qu’une partie de la stratégie européenne pour favoriser la transition énergétique.
L’innovation du paquet climat-énergie 2020 a été de conjuguer objectifs européens avec contributions nationales contraignantes. Les Etats membres ont dû fixer des objectifs spécifiques dans les trois volets du paquet, et notamment en termes de développement des énergies renouvelables. Les ambitions vont donc de 10% pour Malte à 49% pour la Suède.
Le rapport d’Eurostat donne un bon aperçu de la situation hétérogène des pays de l’UE à deux ans de la première échéance du plan climat-énergie.
Scandinavie, pays baltes, Balkans… Les bons élèves de la transition énergétique
En 2018, 12 pays (la Suède, la Finlande, la Lettonie, le Danemark, l’Estonie, la Croatie, la Lituanie, la Bulgarie, la Grèce, l’Italie, la Tchéquie et Chypre) avaient déjà atteint leur objectif de 2020.
Les pays nordique et baltes sont les plus avancés. La Suède est en tête avec 54,6% d’énergies renouvelables dans son mix énergétique, 5,6% au-dessus de son objectif initial (le plus élevé de toute l’Union). Le Danemark est également bien en avance sur ses objectifs (36,1% en 2018, soit 6,1% de plus que son objectif pour 2020). Les trois pays baltes (Lituanie, Lettonie et Estonie) réalisent aussi de belles performances, en particulier l’Estonie avec 30% en 2018, 5% de plus que son objectif.
Plus étonnant, les pays balkaniques sont aussi très bien placés. La Bulgarie est largement au-dessus de ces ambitions (20,5%, 4,5% de plus que son objectif), tout comme la Croatie (28%, 8% supérieurs à sa cible 2020). La Grèce est à 18% (exactement son objectif pour 2020) et la Roumanie est à 0,1% de son objectif de 24%.
Plus généralement, il semble exister une corrélation entre de hauts niveaux d’ambition initiaux et la réalisation, voire le dépassement de ces objectifs. Sur les douze pays européens qui se sont fixés un objectif supérieur ou égal à 20%, huit ont dépassé l’objectif en 2018 et trois en sont tout proches. Seule la Slovénie est encore loin de son objectif.
La France (encore) à la traîne
Sur les 16 pays qui n’avaient pas encore atteint leur objectif en 2018, quelques-uns sont clairement en retard et ne respecteront pas leurs engagements. C’est le cas en particulier de la Belgique, du Royaume-Uni ou encore de la Pologne.
Les deux pays les plus en retard sur leurs objectifs sont les Pays-Bas (7,4% en 2018, 14% en 2020) et la France (16,6% en 2018, 23% en 2020).
Le cas de la France est problématique à plusieurs titres. Entre 2015 et 2018, la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique n’a augmenté que de 1,6%, l’objectif de 23% est donc hors d’atteinte depuis déjà plusieurs années.
De plus, Paris se veut le chef de file de la transition énergétique en Europe. Emmanuel Macron a soutenu très tôt l’objectif de neutralité carbone porté par la Commission européenne. Le Président français tente également d’attirer les climatologues du monde entier avec son slogan « Make Our Planet Great Again ».
En se faisant le héraut de la transition énergétique, en critiquant les choix énergétiques de certains pays d’Europe centrale, tout en étant l’un des plus mauvais élèves dans le développement des énergies vertes, la France s’expose à des critiques acerbes des partenaires européens, prompts à l’affubler d’une étiquette de « donneuse de leçons ».
Le cas de l’Allemagne est plus nuancé. Si la transition énergétique menée outre-Rhin est régulièrement critiquée pour avoir privilégié la sortie du nucléaire par rapport à celle du charbon, le rapport d’Eurostat souligne les progrès soudains de la première économie européenne. Les énergies renouvelables comptaient pour 14,9% du mix énergétique en 2016 et 16,5% en 2018, à 1,5% de l’objectif de 2020). Si cette dynamique se poursuit, l’objectif sera atteint.
L’Allemagne devra pourtant redoubler d’efforts dans le domaine, d’autant plus que le Conseil des ministres a validé le 29 janvier le rapport de la Commission charbon qui préconise une sortie du charbon pour 2038.
Green Deal et révision des objectifs
Malgré ces constatations diverses, il serait erroné de conclure que la transition énergétique ne se limite qu’au développement des énergies propres et renouvelables. L’efficacité énergétique et la réduction des GES sont tout aussi importantes et certains pays qui ont des difficultés à atteindre leurs objectifs d’énergies renouvelables ont de meilleurs résultats dans la réduction des GES (c’est le cas de l’Allemagne).
En octobre 2014, le Conseil européen a entériné de nouveaux objectifs pour le paquet climat-énergie 2030.
L’objectif de réduction de GES est donc passé à 40% par rapport à 1990, le développement des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique à 27% (augmentés respectivement à 32% et 32,5% en 2018).
La contrainte sur les États s’est desserrée avec la révision du paquet : en lien avec la nouvelle gouvernance de l’Union de l’énergie, les gouvernements nationaux ont dû élaborer des plans nationaux intégrés en matière d’énergie et de climat (PNEC) pour la période 2021-2030, dans lesquels ils pouvaient fixer des objectifs nationaux spécifiques (comme l’Allemagne) ou non (comme la France).
Les ébauches de ces PNEC ont dû être soumises à la Commission au plus tard fin 2018, et les versions finalisées fin 2019. Néanmoins, de nombreux États n’ont toujours pas rendu de plans finaux.
La question de l’influence des nouveaux objectifs du Green Deal sur les stratégies nationales se pose néanmoins. Les réductions de GES annoncées par la nouvelle stratégie d’Ursula von der Leyen sont bien plus élevées qu’avant (celle-ci table sur une réduction de 50% voire 55%). Si aucun nouveau chiffre n’est donné concernant les énergies renouvelables, il est évident que les institutions européennes comme les États devront revoir leurs objectifs à la hausse.
Les PNEC sont-ils obsolètes ? Si d’aucuns le pense, la Commission considère ceux-ci comme une première base de travail vers la révision des objectifs en 2023. Quoiqu’il en soit, l’ensemble des États devra accentuer leurs efforts pour que l’Union atteigne la neutralité carbone dans 30 ans. Et au vu de l’hétérogénéité du développement des renouvelables, cela risque d’être très compliqué.
1. Le 14 février 2020 à 13:31, par student En réponse à : Le bilan nuancé de la transition énergétique en Europe
Le constat concernant la France (16,6 % de renouvelables pour 23 % visés en 2020) appelle deux commentaires :
– une fois encore, les engagements de nos dirigeants sont totalement fantaisistes. La palme à Ségolène, dont le réalisme n’est pas la première des qualités. Bref, la légende du coq gaulois qui chante toujours les pieds dans la mouise n’est pas usurpée.
– mais on parle ici de performances relatives (= la position actuelle par rapport à la cible annoncée). Ce qui compte, c’est d’abord la performance absolue, et là grâce à notre parc nucléaire qui verdit 75 % de notre énergie électrique, nous sommes infiniment meilleurs que les allemands par ex. La palme aux pays nordiques qui réfléchissent avant de prendre des engagements, et qui sont bien aidés par leurs ressources hydrauliques immenses. Ce qui est très préoccupant, c’est que les efforts de notre pays pour développer des énergies renouvelables sont totalement vains : les contribuables sont taxés de 7 Milliards d’€ par an et se sont déjà engagés sur 121 milliards (cf la Cour des Comptes) pour subventionner l’énergie éolienne ou solaire qui n’ont aucun effet positif sur les rejets de CO2. C’est donc heureux qu’on n’arrive pas à construire d’éoliennes ou de fermes solaires, et l’idéal serait que notre gouvernement (ou le suivant) ouvre enfin les yeux et déclare un moratoire aux aides attribuées à ces énergies, inutiles quand on dispose de nucléaire et d’hydraulique. Les 7 milliards annuels d’efforts demandés aux contribuables pourraient alors être réorientés vers les secteurs où il y a de vrais gains potentiels en matière d’émissions de CO2 : le passage à des véhicules électriques et l’isolation des bâtiments.
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