Le Brexit en chanson : « The Final Countdown »

, par Rémi Laurent

Le Brexit en chanson : « The Final Countdown »
Le Parlement britannique a rejeté à deux reprises l’accord de retrait du Royaume-Uni. Photo : Flickr - Hernán Piñera - CC BY-SA 2.0

C’est l’histoire d’une séparation annoncée mais qui n’en finit plus. Après de multiples tergiversations entre ses propres désirs de grand large et la réalité, le Royaume-Uni n’en finit plus de ne pas savoir ce qu’il en sera de son avenir après le 29 mars, date officielle du départ. Brexit, dur ou non, ou même pas de Brexit du tout, toutes les options sont sur la table mais le temps, lui, file, imperturbablement.

L’accord négocié par Theresa May avec l’Union européenne ayant été rejeté à une très large majorité en janvier dernier (202 voix « pour » l’accord, 403 « contre »), la Première ministre britannique devait présenter un plan de secours conformément aux exigences du Parlement. Sauf qu’il n’y avait pas de « plan B ». Une situation que le journaliste Alex Taylor, résumait d’un tweet : « Le plan B est que tout le monde accepte le plan A ».

Ayant tenté de renégocier en vain l’accord de sortie avec l’UE, Theresa May n’est parvenue qu’à arracher à l’UE des concessions de forme dans la déclaration politique accompagnant l’accord, mais rien sur le fond. L’accord négocié a à nouveau été rejeté hier soir par le Parlement britannique : 391 voix contre, 242 pour.

Une situation plutôt bien illustrée par les paroles de la chanson "The Final Countdown" du groupe Europe...

« We’re leaving together … »

Se quitter après 40 ans de vie ensemble est toujours difficile mais cela l’est plus encore pour le Royaume-Uni qui a dû faire face au conflit en Irlande du Nord. Car le nœud du problème se situe bien sur l’ile d’Irlande où les accords du Vendredi Saint qui, depuis le 10 avril 1998, ont mis fin à la guerre civile, sont menacés. Le Sinn Fein ayant indiqué que la question de l’unification de l’Irlande reviendrait sur la table si une frontière physique devait réapparaître entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord. Dans le cadre du divorce avec l’UE, Theresa May doit donc se frotter à la tâche délicate consistant à négocier la sortie du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’UE sans recréer de frontière physique entre les deux Irlande au risque de raviver une guerre civile. Impossible pour les Européens, qui ont exigé que les accords du Vendredi Saint continuent à s’appliquer. Une chose que les partisans du Brexit n’ont apparemment toujours pas compris, ces deux promesses étant incompatibles l’une avec l’autre.

En témoigne la « une » du Daily Mail (pro-Brexit) du 30 janvier 2019 « Le triomphe de Theresa May » au lendemain du vote du « plan B » par la Chambre des communes qui n’est donc qu’un plan A sans backstop.

« But still it’s farewell… »

Toujours déterminés à sortir de l’UE mais en voulant en garder tous les avantages sans en payer le prix, les parlementaires britanniques prennent non seulement leurs rêves pour des réalités mais perdent surtout un temps précieux. Ils ont donné deux semaines à Theresa May pour renégocier un accord que les Européens, unis comme jamais puisqu’il est question de la survie de l’UE, ont immédiatement refusé. Les Britanniques sont en droit de demander ce qu’attend leur Première Ministre pour agir et prendre ses responsabilités en annonçant au peuple britannique que les promesses du Brexit ne seront jamais tenues.

Et ce, d’autant plus qu’à l’expiration du délai de négociation, le Parlement britannique devait être… En vacances ! Si ces dernières ont été supprimées ensuite, le Parlement britannique est incapable de s’accorder sur la sortie prévue du Royaume-Uni de l’UE. Se faisant, la perspective d’une absence d’accord se fait chaque jour plus palpable. Le Gouvernement de sa Majesté a signé des contrats avec des compagnies de ferry pour importer des médicaments et certains Britanniques ont commencé à faire des réserves de nourriture. Personne ne sait ce qu’il se passera le 29 mars prochain. Pendant ce temps-là, le temps passe, l’horloge tourne et l’incertitude monte.

Un compte à rebours que le Daily Mail qualifie de « bruit » considérant que l’Europe parvient toujours à un accord, quel que soit le sujet, à la dernière minute, qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter et que l’Europe finira par céder aux exigences britanniques. Se croyant indispensables, les britanniques en oublient un peu vite que lors de leur entrée en 1973 dans la CEE (Communauté économique européenne), leur pays était « l’homme malade de l’Europe » et que c’est bien eux qui ont dû supplier leurs voisins pendant dix ans avant d’entrer dans le club dont ils entendent maintenant sortir.

« Will things ever be the same again ? »

Devant tant d’incertitudes, certains, outre-Manche se demandent s’il ne serait pas plus raisonnable de demander aux Européens un délai pour trouver une solution puisque le Parlement britannique ne semble ni vouloir de l’accord négocié par Theresa May, ni d’un Brexit dur et encore moins rester au sein de l’UE sans bafouer le résultat du referendum de 2016.

Si le Royaume-Uni devait rester au sein de l’Union, cela empoisonnerait la construction européenne pour longtemps. Il faut donc que le Royaume-Uni sorte et qu’il mesure le prix considérable qu’être isolé signifie. Un nouveau referendum ne changera rien à la situation. Dès 1975, le Royaume-Uni organisait un referendum pour savoir s’il devait rester au sein de la CEE. La relation ambigüe du Royaume-Uni avec l’Europe n’est donc pas une nouveauté puisque celui-ci a rejoint le projet européen par un mariage de raison et non un mariage d’amour tel que cela a pu entre les six membres fondateurs. En effet, si la relation entre la France et l’Allemagne s’est consolidée avec le temps, ce fut l’inverse pour le Royaume-Uni qui, à force d’exceptions et d’opt-up s’est construit une Europe à son image, à la fois un pied dedans et un pied dehors.

Aussi, comme le dit la chanson : « I’m sure that we’ll all miss her so » ou, dit plus clairement, que l’Europe manque aux Britanniques. En somme, peut-être n’est-ce pas un hasard si la chanson « The final countdown » est un titre du groupe… Europe et qu’il est disque d’or… Au Royaume-Uni.

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