Peuple vs décideurs
Le populisme s’impose comme un mouvement au spectre large, qui s’étend de l’extrême droite à l’extrême gauche. Pour le politologue Cas Mudde, il s’agit d’une “idéologie mince” : seule, elle manque de consistance et doit s’associer à d’autres idéologies pour être convaincante. Sa revendication principale : représenter le peuple face à l’ordre établi et aux élites, notamment politiques, accusées d’être déconnectées des réalités et des besoins populaires.
Ce phénomène peut concerner aussi bien l’électorat de droite que celui de gauche, en se manifestant différemment selon le pays et ses particularités politico-sociales. Généralement, la gauche populiste souhaite défendre les citoyens victimes des excès du capitalisme néo-libéral et des marchés financiers. La droite, quant à elle, s’oppose à une immigration perçue comme une menace pour l’identité culturelle et la souveraineté nationale. Toutes deux veulent se battre contre les assauts et les dérives d’un mondialisme incontrôlé.
Des leaders populistes qui s’octroient le rôle de nouveau messi ?
Les leaders populistes ont su apporter une réponse à ceux qui ne savent plus à qui s’identifier, ceux qui ont le sentiment de ne plus être écoutés. Ils ont capté l’attention de ceux qui estiment que les institutions n’apportent pas de solutions suffisantes aux défis actuels. En effet, la mondialisation et la révolution numérique, ainsi que la crise des subprimes en 2008, le boom des migrations en Europe et plus récemment la crise sanitaire, sont synonymes de bouleversements sociaux, d’incertitudes et d’insécurité.
On observe alors une perte de confiance vis-à-vis de l’Etat et de ses représentants. C’est ce que l’on appelle une crise de la représentation. Cela se manifeste par l’éclatement des majorités politiques : alors qu’en 1977, les coalitions comptaient généralement deux ou trois partis, en 2017 la majorité en requiert généralement quatre. C’est le cas en Allemagne, en Belgique ou encore aux Pays-Bas. On parle également d’usure politique. De l’usure oui, car ce sont souvent les mêmes partis qui restent au pouvoir sur de longues périodes, ou qui alternent entre eux.
C’est cette usure qui a largement favorisé, par exemple, l’élection de Javier Milei en Argentine. Après vingt ans de kirchnerisme et une droite divisée, ce dernier a représenté l’alternative que la population attendait. Comme tout politicien populiste, c’est un leader qui joue sur son image et utilise les médias en sa faveur. Ce phénomène, où le charisme médiatique devient un outil politique, est appelé théâtrocratie ou politainment.
L’Union européenne, cible préférée du populisme d’extrême droite
En Europe, c’est ce populisme d’extrême droite, bien plus que celui de gauche, qui apparaît en pleine expansion. Toujours dans un contexte où l’on rejette l’élite, l’Union européenne est particulièrement critiquée. On craint parmi les Etats membres d’abaisser la souveraineté nationale au profit d’institutions perçues comme distantes. Les critiques populistes se servent de cette peur et alimentent l’opposition aux organisations supranationales. Les anti-fédéralistes lui ont attribué une réputation de technocratie déconnectée des préoccupations populaires.
En 2015, cette image a encore été ternie par la crise migratoire. Cette crise a donné de la matière aux velléités protectionnistes. Elles ont sauté sur l’occasion pour réactiver le débat de la souveraineté nationale. C’est ainsi que sont balayés les aspects positifs de l’Union européenne et l’importance de ses mesures intergouvernementales face à la mondialisation. Les populismes exploitent les peurs de la population pour attaquer plus largement les institutions et justifier des mesures radicales, et fragilisent la démocratie et la cohésion. Ils utilisent la polarisation sociale pour mettre en place des mesures autoritaires. Reprenons l’exemple de l’Argentine : fin décembre 2023, Javier Milei a proposé la « loi omnibus » qui déclarait l’État d’urgence dans plusieurs domaines de la vie politique. Cette loi lui permettrait de gouverner par décret jusqu’à fin 2025, soit de manière quasi autoritaire.
Comment alors redonner souffle et crédibilité aux démocraties traditionnelles et aux organisations internationales, comme l’Union européenne ? Il s’agit de rétablir le lien entre les citoyens et leurs institutions, de faire en sorte qu’ils se sentent entendus et représentés. Cela exige davantage de mesures et d’actions concrètes : une mondialisation plus transparente dans les prises de décision, une lutte contre la corruption et une attention particulière à l’usage des médias.
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