Le Covid-19 aura-t-il raison du Green Deal européen ?

, par Théo Boucart

Le Covid-19 aura-t-il raison du Green Deal européen ?
Parlement européen à Strasbourg. Source : Flickr (Parlement européen)

La pandémie de Covid-19 en Europe et dans le monde semble être pour certains un prétexte pour remettre en cause la priorité de la lutte contre le changement climatique. En oubliant que risques épidémiologique et climatique sont liés.

L’Union européenne est désormais l’épicentre de la pandémie de Covid-19, cette maladie causée par le SARS-CoV-2, un coronavirus apparu en novembre dernier dans le centre de la Chine. L’Italie, l’Espagne, la France et l’Allemagne sont les pays les plus touchés, mais l’ensemble des pays de l’UE sont concernés.

Cette pandémie de coronavirus, la troisième dans l’histoire (après celles causées par le SARS -CoV en Chine en 2003 et par le MERS-CoV au Moyen-Orient en 2012), diffère par sa dimension mondiale, de plus en plus de pays confinent leurs citoyens avec des mesures plus ou moins drastiques, les frontières se ferment, les cours boursiers s’effondrent et une crise économique mondiale n’est plus à exclure.

La lutte contre la maladie infectieuse est devenue la priorité absolue pour les prochaines semaines. Quitte à laisser de côté d’autres dossiers urgents, comme la protection du climat.

« Oubliez le Green Deal »

C’est en tout cas le souhait de certains pays européens, en particulier la République tchèque et la Pologne, deux pays déjà très sceptiques aux objectifs du Green Deal, qui vise à accélérer la transition énergétique dans l’UE pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Le premier ministre populiste tchèque Andrej Babiš a été le premier à formuler un tel souhait lundi dernier (16 mars), en appelant l’Union européenne à « oublier le Green Deal et se focaliser à la place sur le coronavirus ». Le milliardaire n’a cependant pas expliqué s’il y avait un lien entre la menace épidémiologique et climatique. La République tchèque est une grande consommatrice d’électricité à base nucléaire et de charbon, deux énergies dont la prééminence est remise en cause par la stratégie du Green Deal.

Le lendemain (17 mars), c’est le vice-ministre polonais des Actifs de l’Etat, Janusz Kowalski, qui a remis en cause l’utilité du Système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE), le marché européen du carbone depuis 2005. Kowalski a notamment déclaré que « les conséquences de la lutte contre le coronavirus seront douloureuses. Il est évident que les pays chercheront de l’argent supplémentaire pour aider leurs entreprises et leurs citoyens […] La Pologne et les autres pays devraient élaborer leurs propres politiques climatiques, le SEQE-UE devrait être supprimé au 1er janvier 2021 ». La Pologne est en effet fortement dépendante de l’utilisation du charbon, l’une des sources d’énergie les plus polluantes, ce que cherche à taxer le marché européen du carbone. Varsovie n’a toujours pas approuvé l’objectif européen d’atteindre la neutralité climatique d’ici 30 ans.

Les deux pays sont pour le moment bien moins touchés que l’Europe occidentale, même si la courbe de progression du coronavirus sera vraisemblablement exponentielle.

Épidémies plus fréquentes avec le changement climatique

S’il n’y a aucune preuve que le dérèglement climatique soit une cause favorisant la propagation du Covid-19, il semble bel et bien exister un lien entre réchauffement de la terre et apparition de nouvelles épidémies potentiellement meurtrières.

Même si le sujet est encore relativement peu étudié, un groupe de scientifiques a tiré la sonnette d’alarme l’année dernière en publiant un article dans la revue spécialisée Nature Reviews Microbiology. Selon eux, les conséquences du changement climatique pourraient avoir des effets incontrôlables sur les nouvelles pandémies, d’autant plus avec une population mondiale vieillissante et en moins bonne santé à cause de la pollution croissante dans les villes.

La fonte du pergélisol (le sol gelé en permanence des régions arctiques) est également une possible bombe à retardement. Représentant actuellement presque le quart des terres émergées du globe, le dégel de ces sols imperméables pourraient libérer des virus courants il y a des dizaines de milliers d’années, mais contre lesquels les organismes humains actuels ne seraient pas immunisés.

Conséquences à long-terme

Toujours est-il que les conséquences de la pandémie de Covid-19 pourraient avoir un impact considérable sur la poursuite du Green Deal. Si plusieurs médias ont souligné, à juste titre, que les émissions de gaz à effet de serre avaient sensiblement diminué dans les zones confinées, comme dans la plaine du Pô, le poumon économique de l’Italie, la crise économique qui s’apprête à déferler sur l’Europe va pousser les gouvernements à mobiliser des milliards d’euros pour aider les secteurs économiques asphyxiés, reléguant la poursuite de la transition énergétique au second plan pendant un temps indéterminé.

Le déclenchement de la crise financière mondiale en 2007-8 avait conduit à une régression des sujets environnementaux et climatiques dans les agendas politiques européens et mondiaux. Il se pourrait bien que la crise du coronavirus nous fasse revivre la même chose, en dépit de l’urgence écologique bien plus aiguë en ce début de décennie 2020.

C’est également tout le modèle de financement du Green Deal qui risque de dérailler. En misant sur l’attraction d’investissements privés avec des garanties publiques, l’UE compte reproduire le succès du plan Juncker qui a mobilisé près de 500 milliards d’euros entre 2014 et 2020. Pourtant, les investisseurs abhorrant l’incertitude, la pandémie du Covid-19 pourrait durablement refroidir les ardeurs des investisseurs. Les krachs boursiers de ces derniers jours pourraient être un premier signe inquiétant.

Toutefois, la Commission a pour le moment la ferme intention de respecter son calendrier établi lors de la présentation générale du Green Deal en décembre dernier. Le 4 mars dernier, celle-ci a présenté sa fameuse loi climatique visant la neutralité carbone en 2050. Le même jour, les consultations pour un pacte européen pour le climat, devant favoriser la participation citoyenne, ont été mises en ligne. Pourtant, la présentation d’autres stratégies pourraient être reportées de plusieurs mois, comme la feuille de route agricole « de la ferme à l’assiette » ou celle sur la biodiversité.

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