Nous connaissons actuellement une atrocité et, du côté des JEF, on en entend peu parler. La Commission européenne montre publiquement ce qu’elle entend par démocratie : un élément perturbateur pour le libre-échange. Alors que les grands groupes commerciaux participent tout naturellement aux négociations avec la Commission et les États-Unis en bénéficiant de droits égaux, les parlements et ONGs ne sont pas conviés à la table d’honneur. Par conséquent, ils doivent se contenter de bribes d’informations de temps à autre, et on s’attend manifestement à ce qu’ils acquiescent et consentent à ce traitement. Seuls les bureaucrates des administrations américaine, européenne et des grands groupes peuvent prétendre aux mêmes droits.
Parlements et ONGs ne sont pas conviés à la table d’honneur
Les informations ne parviennent manifestement aux partenaires de négociations de second rang que par le biais de fuites, de bavures ou d’infiltration de la Chambre des Représentants américaine qui détient nettement plus d’informations, de droit de regard et de participation que ce que pourraient espérer les parlements des pays de l’Union ou le Parlement européen.
Ceci attire toute l’attention sur une Commission européenne qui fait passer la participation démocratique après les questions économiques et qui ne souhaite apparemment pas défendre ce qui reste de régulation démocratique des marchés mondiaux. Elle conçoit plutôt sa tâche comme la défense du libre-échange contre l’influence démocratique de la société civile et des parlements. Ainsi, elle considère que sa place est au côté des grands groupes et non des citoyens.
Ce à quoi nous devons nous attendre
Cette arrogance et cette condescendance ont prématurément mobilisé une large alliance d’organisations de la société civile, qui estiment que les normes démocratiques ne peuvent être sacrifiées au nom du libre-échange. Les bribes d’information qui ont récemment filtré indiquent que c’est pourtant le cas. L’association Verein für mehr Demokratie e.V. (association pour plus de démocratie) nous en fournit un résumé éloquent :
– Les dispositions du traité TTIP seront contraignantes pour tous les niveaux politiques. Ainsi, l’Union européenne, la république fédérale d’Allemagne ainsi que ses länder et municipalités se verront retirer de nombreux domaines politiques, en ce compris les référendums populaires, l’influence de la politique choisie et légitimée démocratiquement. Des millions de personnes seront concernées par les résultats des négociations qui, très vraisemblablement, seront irréversibles.
– Les négociations sont menées par la Commission. Alors que le Parlement européen est à peine impliqué, plus de 600 représentants et lobbyistes des grands groupes ont accès aux documents. Les associations de défense des consommateurs et de l’environnement n’ont pas été invitées à prendre part aux discussions. Ainsi, ces dernières ne sont pas transparentes et sont, dès lors, antidémocratiques.
– La ratification se déroulera sans doute comme suit : après d’intenses tractations, le Parlement n’aura plus le droit de voter qu’un paquet fixe (cf. procédure MES). Les processus démocratiques de décision ne ressemblent pas à cela !
– L’objectif des négociations est l’harmonisation globale de normes et de règles. Aucun secteur n’en sera dispensé. La manière de mener les négociations jusqu’à présent permet de conclure que de nombreuses réglementations justifiées par le principe de reconnaissance mutuelle verront leur effet anéanti. Outre la sécurité des produits pour le consommateur, la prévoyance publique est également menacée. Les intentions de la Commission peuvent être suspectées au regard des tentatives, ces dernières années, de privatiser l’approvisionnement en eau ou d’offrir aux producteurs de maïs génétiquement modifié un accès au marché européen. Finalement, en raison de la pression exercée par la société civile, les entreprises s’étaient momentanément retirées de ces questions. Toutefois, elles n’attendent qu’un accord commercial correspondant leur permettant désormais d’appliquer leurs anciennes exigences, sur la base d’un accord qui exclurait la société civile.
– La protection des investissements, qui constitue une partie de ce traité, est particulièrement sujette aux critiques. Celle-ci doit garantir un droit d’action en justice spécial dans tous les autres espaces économiques concernés. Jusqu’ici, les autres traités commerciaux bilatéraux prévoient des procédures arbitrales permettant aux investisseurs de porter plainte unilatéralement contre des États dans le but de protéger leurs investissements. Si cette procédure devait être intégrée au traité de libre-échange, il se pourrait que des groupes commerciaux abusent de ce droit. Les normes en matière de santé et d’environnement pourraient ainsi être revues à la baisse. Ces procédures sont menées par des cabinets d’avocats qui peuvent jouer en alternance les rôles de défense, de juge ou de ministère public. Les négociations devant les Cours arbitrales se déroulent à huis clos. Il n’existe aucune instance de révision ou de contrôle, et l’opinion publique n’est mise au courant des négociations qu’après la première prise de décision. Ce qui n’a évidemment rien à voir avec le principe d’État de droit.
– Monsanto pourrait-il désormais porter plainte contre l’Allemagne si les Allemands ne souhaitent plus voir pousser de maïs génétiquement modifié dans leurs champs ? Oui ! Les grands groupes appellent cette forme de règlement démocratique « l’expropriation indirecte », comprenez : des espérances de bénéfices envolées. Ce sont les contribuables qui devraient faire les frais des dédommagements à verser aux entreprises, se chiffrant à des milliards.
– Le principe de précaution européen risque de disparaître, celui-là même qui contraint les entreprises à prouver le caractère inoffensif de leurs produits avant leur mise sur le marché. Aux États-Unis par contre, c’est le principe de suivi qui est d’application. Celui-ci oblige les consommateurs à prouver la nocivité de certains produits. La logique est sans appel : les bénéfices des groupes l’emportent sur la sécurité des consommateurs.
– De part et d’autre de l’océan Atlantique, le profit ira aux grands groupes. Les petites et moyennes entreprises, quant à elles, seront les perdantes du traité, puisque leurs représentants ne figurent pas parmi les 600 lobbyistes prenant part aux négociations et qu’au même titre que les consommateurs et citoyens de l’Union européenne, il leur est impossible de mettre ne fût-ce qu’un minimum leurs intérêts en avant.
Les jeunes favorables à une Europe démocratique doivent se joindre à la lutte de la société civile contre cet accord. Pour l’instant, les discussions sur les avantages et inconvénients d’un tel accord de libre-échange ne peuvent masquer l’essentiel : le mépris de la participation démocratique aux négociations. Il s’agit de notre avenir. D’un avenir dans lequel les parlements pourront décider, sur une base démocratique, de ce qui, en Europe, peut être commercialisé, comment et où. Un système politique qui ne permet pas aux citoyens et à leurs représentants en Europe d’en décider ne mérite pas de s’appeler Démocratie.
Joignez-vous à la lutte, chers JEF !
1. Le 30 mars 2014 à 05:22, par Xavier C. En réponse à : Le libre-échange avant tout ?
Vous avez bien raison de vous insurger, mais il faudrait également signaler que le terme de libre-échange est une pure fiction.
D’abord à lire la presse nous vivons déjà dans un monde ultralibéral où le libre-échange est total... mais on négocie un accord sur le libre-échange... alors peut-être que la réalité est un peu plus complexe.
Et puis des États qui se réunissent avec de grands groupes pour discuter commerce, cela ne peut pas aboutir à un vrai libre-échange.
SVP ne suivez pas la masse des moutons à qualifier ce projet de « libre-échange ». C’est une parodie...
2. Le 20 mai 2014 à 13:23, par Lame En réponse à : Le libre-échange avant tout ?
Les JEF ont toujours milité en faveur de l’adoption des traités européens, des textes anti-démocratiques fait sur mesure pour les fonctionnaires européens et les lobbies ultralibéraux.
Leurs opposants n’ont jamais été traité comme des citoyens qui exposaient un point de vue mais plutôt comme des ennemis d’Etat qui ne pouvaient être que des fascistes/des communistes/des idiots/ des réactionnaires/des isolationnistes, donc, d’une manière générale, des opposants à toute forme d’intégration européenne. Quant aux contre-propositions, elles ont invariablement été taxées d’utopisme. Le réalisation du marché transatlantique n’est que l’aboutissement du projet atlantiste de Jean Monnet. La manière dont il est négocié est conforme à la tradition politique des institutions européennes.
Les JEF ne feront rien pour s’opposer à cet état des choses parce que la majeure partie d’entre eux ne s’interrogent même pas sur le bien fondé de cette action : la commission a toujours raison. Quant à la petite minorité qui se pose la question, elle se compose d’une majorité d’atlantistes et/ou de partisans de l’ultralibéralisme économique, fatalement favorable au traité.
Il n’y a rien à espérer des JEF ou d’autres organisations similaires dans cette affaire.
3. Le 20 mai 2014 à 19:10, par Aurélien Brouillet En réponse à : Le libre-échange avant tout ?
Vous être particulièrement virulent et violent à propos d’une organisation que très visiblement vous ne connaissez pas. Les JEF ont des débats agités à chaque nouveau traité et sont loin de les soutenir tous. Leurs opposants sont traités avec respect, comme le prouve la diffusion de tout vos commentaires sur ce blog ainsi que quelques articles écris par des eurosceptiques. Vous parlez de contres propositions des eurosceptiques. Lesquelles ? Nous avons 22 contre propositions simples : http://www.jeunes-europeens.org/22-propositions-pour-construire-l-europe-de-demain
Voilà notre vision de l’Europe. Je ne répondrai même pas au fait que vous pensez que nous idolatrons la commission européenne, allez faire un tour sur la rubrique carton rouge, comptez combien concerne Barroso, vous vous ferez une idée...
Contrairement à ce que vous pensez, nous sommes critiques face à l’UE telle qu’elle est. Mais, contrairement à vous, nous avons une vision pour l’avenir et des contre propositions.
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