Le parquet européen : une avancée dans la coopération judiciaire européenne ?

, par Simon Del Nin

Le parquet européen : une avancée dans la coopération judiciaire européenne ?
Le parquet européen est un organe judiciaire méconnu. Image : Edward Lich / Pixabay

Le 28 septembre 2020, l’installation du parquet européen à Luxembourg est effective. Ce nouvel organe indépendant a pour but la lutte contre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. C’est une nouvelle étape pour la construction européenne et la coopération judiciaire au niveau européen.

La création du parquet européen

La coopération judiciaire en matière pénale au niveau européen, institutionnalisée avec le traité de Maastricht par le 3e pilier « la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (JAI) » s’est petit à petit communautarisée et développée au fil des différents traités européens. C’est à partir de 2013 que la Commission européenne officialise l’idée d’un parquet européen. Ce dernier n’est pas seulement vu comme un instrument de procédure mais également comme un réel moyen de défendre les intérêts financiers de l’UE. En effet, il était nécessaire de lui conférer un objectif opérationnel permettant de lutter efficacement contre la fraude et les abus financiers de dimension européenne. Le budget propre de l’Union sans moyen de protéger ses intérêts financiers ne peut faire avancer le projet européen.

Pourtant, malgré la volonté d’une plus forte coopération judiciaire, les 28 États membres n’arrivent pas à trouver un accord commun pour la création du parquet européen. Pour contrecarrer cette impasse, le 8 décembre 2016, Jean-Jacques Urvoas alors ministre de la Justice français propose avec son homologue allemand Heiko Maas la mise en place d’une coopération renforcée (article 20 du Traité de l’UE) pour la création du parquet européen.

Ainsi, en octobre 2017, le règlement mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen est enfin publié au Journal officiel de l’Union européenne. 22 États y participent, seuls le Danemark, la Suède, l’Irlande, la Pologne et la Hongrie, dans une bien curieuse coalition refusent. Enfin, le 16 octobre 2019, le Conseil et le Parlement nomment la roumaine Laura Codruta Kövesi en tant que procureure du parquet européen pour un mandat de sept ans.

Quel sera son but ?

Le parquet européen a donc pour objectif de lutter contre les infractions portant atteinte au budget de l’Union européenne c’est-à-dire contre la corruption, le blanchiment de capitaux, la fraude transfrontalière à la TVA… Ainsi, le parquet sera compétent en matière pénale et pourra mettre en place des enquêtes judiciaires au niveau européen en agissant rapidement dans les affaires transfrontalières. En effet, cette coopération renforcée va permettre une meilleure coordination et coopération entre les différents systèmes juridiques nationaux favorisant leur efficacité.

Selon l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), le parquet européen « devrait permettre d’augmenter le nombre de poursuites couronnées de succès et contribuer à récupérer plus efficacement les fonds obtenus de manière frauduleuse ». En effet, en 2019, l’Unité européenne de coopération judiciaire (Eurojust) améliorait la coordination de 258 enquêtes nationales concernant les crimes contre les intérêts financiers de l’Union. La fraude à la TVA représente donc un problème extrêmement pesant au sein de l’Union. Le manque de coordination et d’harmonisation à l’échelle européenne facilite la fraude transnationale. C’est un manque à gagner d’environ 50 milliards d’€ par an pour les États membres.

Enfin, le Parquet permettra de compléter les différents organes de l’Union dans la coopération judiciaire au niveau européen à travers l’ouverture d’enquêtes en matière pénale. En effet, les instruments déjà existants tels que l’OLAF et Eurojust n’ont pas cette possibilité. En outre, ce parquet travaillera en étroite collaboration avec les parquets nationaux et l’Office européen de police (Europol) pour être le plus efficace possible.

La création du parquet européen est la preuve d’une part que l’intégration européenne n’est pas achevée et d’autres que certains États membres peinent à l’accepter en matière de coopération judiciaire comme l’illustre le refus des Danois en 2015 de renforcer la coopération policière entre Copenhague et Bruxelles. Cet organe est une étape importante dans l’idée d’un espace commun de justice pénale européenne. Il permet ainsi de compléter des instruments déjà existants en matière pénale comme le Mandat d’arrêt européen (MAE) ou la décision d’enquête européenne. Enfin, cet instrument est un moyen de légitimer la protection par l’Union de ses propres intérêts financiers et d’intervenir contre la criminalité transfrontalière. Le projet européen se doit d’avoir des ressources financières propres qui ne soient pas détournées.

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