« Je souhaite que les élections européennes de l’année prochaine soient l’occasion d’un grand débat sur l’avenir de l’Europe qui permettra de déterminer les politiques que nous aurons à conduire - sans doute - et surtout l’architecture que nous aurons à proposer. »
Dans son discours du 2 février à Strasbourg, le Président Hollande a ainsi - pour la première fois - affirmé la volonté de la France de faire de l’échéance de 2014 l’occasion d’un grand débat démocratique sur la future « architecture » de l’UE . Il s’agit bien d’un débat de type constitutionnel ( quelles compétences ? quelle répartition des pouvoirs ? quelles Institutions ?) qui est annoncé par cette phrase.
La France rejoint donc ici officiellement la volonté de l’Allemagne de la Chancelière Merkel de poser la question de l’Europe politique en amont de l’élection européenne de Mai ou Juin 2014 et d’en tirer toutes les conséquences, une fois le Parlement et la Commission réélus et réinstallés. Conséquences qui devraient normalement comporter une procédure de révision des Traités ou d’élaboration d’un nouveau Traité - confiée à une Convention composée de représentants du Parlement européen, des Parlements nationaux, des Gouvernements et de la Commission.
En quelques mots, la France a ainsi dissipé les incertitudes qui demeuraient sur sa volonté de poursuivre le processus d’intégration politique de l’UE - et de préparer pour celle ci un avenir autre que celui dessiné par le Royaume Uni (l’« Europe à la carte » de Cameron).
Cette déclaration encourage et légitime les espoirs et les efforts de tous ceux qui oeuvrent depuis plusieurs années pour le lancement d’une telle réforme. Nul doute qu’elle va aussi inciter le Parlement et la Commission - jusqu’ici assez hésitants - à prendre quelques initiatives pour alimenter le débat pré-2014.
« Sans oublier les candidats aux postes essentiels de notre Union pour qu’il y ait une grande délibération collective en Europe et que l’on sorte, ensuite, avec une légitimité renforcée. »
Le Président fait allusion au remplacement de plusieurs hauts responsables du Conseil (Président), de la Commission (Président, Haut Représentant, ensemble des membres), du Parlement européen (Président, Présidents des groupes politiques et des commissions, ensemble des membres) et de quelques autres organes européens. Cette référence, un peu décalée et inhabituelle, au renouvellement des dirigeants des Institutions - censé « renforcer leur légitimité » - peut être comprise comme une critique voilée des équipes sortantes mais aussi comme un souhait bienvenu de voir les Institutions - et notamment la Commission et le Parlement - retrouver tout leur rôle dans l’« architecture » rénovée de l’Union.
« Je plaide pour une Europe différenciée : ça ne serait pas une Europe à deux vitesses, qui deviendrait vite une Europe inégale ou une Europe divisée , ce n’est pas davantage une Europe à la carte . Non l’Europe différenciée c’est une Europe où des États, pas toujours les mêmes, décident d’aller de l’avant (...) Cette démarche, c’est la voie des coopérations renforcées, ouvertes à tous, à tous ceux qui veulent les rejoindre et un jour, pouvant nous rassembler tous autour de ces principes. »
La voie de la réforme reste encore imprécise, notamment quant à une intégration « différenciée » à l’intérieur et à l’extérieur de la zone Euro. La mention des « coopérations renforcées » - procédure communautaire prévue par le Traité - semble indiquer le souci de préserver l’unité et l’unicité institutionnelles et politiques de l’ensemble de l’UE - tout en reconnaissant un besoin de diversification du fait d’une grande hétérogénéité entre les États membres, jusqu’ici insuffisamment prise en compte.
La France rejoint ici une des préoccupations principales de l’Allemagne, soucieuse de conserver des liens étroits avec les nouveaux États membres ; en même temps, elle confirme aux États de l’Europe méditerranéenne sa communauté d’intérêt et sa solidarité avec et envers eux.
« J’ai plaidé pour une intégration budgétaire, fiscale, sociale, elle est là. Elle appelle une union politique plus forte, sinon elle est hémiplégique, ce qui veut dire un gouvernement de la zone euro, de nouveaux instruments financiers, pour agir, et un budget, sous certaines conditions, de la zone euro, s’articulant au budget de l’union européenne. Tout cela sous le contrôle du Parlement européen et des Parlements nationaux. »
Créer un « gouvernement » et un budget spécifiques pour la zone euro peut sembler contradictoire avec la déclaration précédente refusant une « Europe à deux vitesses » et plaçant toute différenciation dans le cadre, juridiquement contraignant, des « coopérations renforcées ». Au surplus, le régime juridique actuel de l’eurozone, tel que fixé par les Traités, est distinct de celui d’une coopération renforcée : l’eurozone fonctionne selon les règles générales applicables à l’ensemble des États membres - sauf dérogations.
On voit qu’un certain flou subsiste dans la position française sur cette question hautement politique ; là encore, on perçoit le souci de ne pas heurter de front la conception allemande d’une union monétaire restant notamment ouverte, politiquement et économiquement, aux nouveaux États membres de l’est de l’Europe.
Le 24 Mai 1984, le Président Mitterrand s’était adressé au Parlement européen qui venait d’adopter le projet de « Traité d’Union européenne » d’Altiero Spinelli et - à la surprise de sa propre administration et sous les ovations de l’assemblée debout - avait déclaré que ce projet « convenait à la France ». Trente ans - et plusieurs révisions des Traités plus tard - la France semble à nouveau ouverte à une nouvelle avancée politique européenne d’inspiration fédérale. Acceptons-en l’augure et espérons que cette ouverture incitera la Commission et le Parlement européen à démarrer sans plus attendre les travaux, débats et propositions nécessaires pour nourrir ce débat dans les semaines qui viennent.
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