Le siège permanent du parlement européen : et pourquoi pas Strasbourg ?

, par Andreea Camen

Le siège permanent du parlement européen : et pourquoi pas Strasbourg ?
Le Parlement européen à Strasbourg

Cet article initialement publié en anglais le 29 janvier dernier trouve un écho retentissant dans les esprits des défenseurs du siège du parlement européen. Après la décision du Président du Parlement européen David Sassoli de réunir les eurodéputés pour la plénière de septembre à Bruxelles et non pas à Strasbourg, la question du siège est vive et le débat semble ne pas trouver d’issue. Nous demandons l’ouverture d’une discussion ouverte entre élus et associations européennes engagées afin d’aboutir à une prise de position concrète et de solutions réelles, pour en finir avec l’éternel débat sur le siège du Parlement européen.

Le 14 janvier dernier, Luigi Di Maio, vice-premier ministre et figure de proue du Mouvement Cinq Étoiles, s’est rendu d’Italie à Strasbourg en minivan pour donner le coup d’envoi de la campagne de son parti pour les élections européennes. Il a profité de l’occasion pour rappeler le coût annuel du "grand déménagement" des députés européens de Bruxelles à Strasbourg. Pour citer Di Maio : "pour les quelque 40 jours que les députés européens passent chaque année à Strasbourg, il coûte au contribuable européen, près d’un milliard d’euros par législature”.

Et à di Maio de poursuivre, en montrant le Parlement derrière lui : "Ce que vous voyez n’est pas seulement un gaspillage d’argent mais aussi un symbole d’arrogance de la part de ceux qui nous ont fait la guerre sur le budget italien".

En effet, après une période où le gouvernement italien et la Commission européenne se sont affrontés sur les budgets, l’argument de Di Maio est extrêmement commode. Même si le problème ne semble pas encore résolu, cela a suffi pour relancer la question du siège du Parlement européen.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, penchons-nous d’abord sur l’histoire du siège de cette institution.

C’est lorsque la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) est devenue la Communauté économique européenne (CEE) que l’Assemblée a été créée. Composée de membres consultatifs de l’Euratom, de la Communauté européenne de défense et de la Communauté économique européenne, l’Assemblée a tenu sa première session le 19 mars 1958 à Luxembourg. Lors du sommet de Paris de 1974, il a été décidé que tous les députés européens seraient élus au suffrage universel direct.

En 1992, les gouvernements nationaux de l’UE ont décidé de fixer dans les traités le siège officiel des institutions de l’UE. Le siège officiel du Parlement européen et le lieu de la plupart des sessions plénières ont été fixés à Strasbourg, les commissions parlementaires devaient se réunir à Bruxelles et le secrétariat du Parlement (le personnel) devait officiellement être basé à Luxembourg.

Pourquoi diviser le Parlement européen en trois ?

Il était très difficile pour les pays fondateurs de choisir où chaque institution de la CECA devait siéger, chacun voulant sa part du gâteau. En l’absence d’un accord unanime sur Bruxelles, c’est Luxembourg qui a été choisi. Comme il n’y avait pas de salle assez grande pour accueillir l’Assemblée parlementaire de la CECA, ils se sont rendus à Strasbourg pour y tenir leurs sessions plénières. En effet, avec la salle du Conseil de l’Europe, la capitale alsacienne disposait déjà de l’infrastructure nécessaire pour accueillir de telles rencontres.

À partir de 1952, Strasbourg, symbole de la réconciliation franco-allemande, est devenue le lieu de rencontre des sessions plénières des députés européens.

Mais pourquoi ne pas faire venir le secrétariat et les commissions à Strasbourg également ?

Parce qu’en 1957, la Communauté économique européenne est née et que les activités de la Communauté se sont multipliées, une part importante de l’activité institutionnelle se dirigeant vers Bruxelles. Avec la Cour des comptes et la Cour de justice européenne à Luxembourg, et la Commission européenne et le Conseil à Bruxelles, il était logique que la plupart des activités du Parlement européen se déroulent à Bruxelles.

Après des années de lutte avec la Belgique, la France a finalement obtenu en 1992 le titre de "siège officiel" du Parlement européen. Cet accord a été officiellement adopté dans le traité d’Amsterdam (entré en vigueur en 1999), mais en réalité, le titre reste pratiquement vide. Avec seulement douze sessions plénières par an, il semble que le bâtiment Louise Weiss, inauguré en 1999, soit vide 99% du temps. Mais ce qui fait le plus mal, c’est le coût de sa construction : 3,1 milliards de francs français (470 millions d’euros).

Quel est donc l’intérêt d’avoir un bâtiment qui a nécessité la construction d’une somme aussi énorme, qui coûte beaucoup en entretien et qui, de plus, implique aussi des frais de déplacement pour les députés européens et leurs équipes ?

Le point central du conflit, ce sont les coûts

Une étude réalisée par le Parlement européen en 2013 a montré que 103 millions d’euros pourraient être économisés par an, si toutes les opérations du Parlement étaient transférées de Strasbourg à Bruxelles (en prix 2014). Un an plus tard, la Cour des comptes a confirmé les conclusions du PE, mais avec une dépense totale de 109 millions d’euros par an. Même s’il ne représente que 6 % du budget du Parlement et 1 % du budget administratif de l’UE, ce montant reste significatif. Et Cela peut expliquer le commentaire de M. Di Maio.

En 2007, une étude commandée par les Écologistes Jean Lambert et Caroline Lucas a révélé que le coût du siège supplémentaire s’élevait à 200 millions d’euros et que 20 286 tonnes de dioxyde de carbone étaient émises dans l’air en raison des déplacements nécessaires, ce qui compromettait les efforts de l’UE pour réduire les gaz à effet de serre.

Mais nous devons nous rappeler une chose : cette décision a été prise par les États membres eux-mêmes, et est cristallisée dans les traités. Seuls les États peuvent défaire cela, ce qui requiert l’unanimité de tous les gouvernements et la ratification de chacun de leurs parlements nationaux .

Dans le contexte difficile que nous connaissons, il sera difficile de trouver une majorité viable pour un nouveau traité et donc une nouvelle solution. Mais nous ne pouvons pas non plus nous contenter d’un statu quo, surtout après avoir exposé le coût économique et environnemental d’avoir le siège du Parlement européen dans trois pays différents.

Comme l’a proposé l’Association européenne des jeunes entrepreneurs (AEJE), pourquoi ne pas expérimenter la centralisation de toute l’activité parlementaire à Strasbourg pour la prochaine législature (2019-2024) ? En effet, le bâtiment de Bruxelles nécessitant des travaux d’entretien (jusqu’à 500 millions d’euros), le contexte n’est que favorable pour montrer à tous qu’il n’est pas forcément nécessaire d’être situé dans la capitale belge pour être efficace.

Alors que Bruxelles compte déjà la Commission et le Conseil, pourquoi ne pas donner à Strasbourg le Parlement européen, puisqu’un bâtiment adéquat accompagné des infrastructures nécessaires est déjà là ?

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