Les enjeux oubliés des élections locales françaises

, par Alexis Vannier

Les enjeux oubliés des élections locales françaises
Lyon, capitale régionale Source Pxfuel

Alors que les Arméniens ont maintenu leur confiance envers le Premier ministre sortant, malgré les nombreuses attaques dont il a été la cible suite à la récente défaite dans le conflit au Haut-Karabagh et que les Gibraltariens se sont enfin prononcés en faveur du droit à l’avortement, les Français doivent renouveler simultanément les chambres régionales et départementales. Chronique d’élections locales à enjeux nationaux.

Des élections qui n’ont plus grand-chose de local

À un an d’une présidentielle qui semble rejouer le duel de 2017, ces scrutins locaux servent de baromètre pour étudier les tendances de fond. La République en Marche (LREM) du Président Macron, après de lourdes défaites à l’occasion des municipales de 2020, se cherche encore un ancrage local. Dans le même temps, certains candidats attendent eux aussi ce scrutin, duquel dépendrait leur avenir politique. Plusieurs présidents de région ont ainsi des ambitions, plus ou moins officielles, pour les présidentielles de 2022 (Hauts-de-France, Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes).

Secondarisées sur la forme, ces élections sont également dépassées par des enjeux nationaux. Comme tous les scrutins dans le monde depuis début 2020, les enjeux liés à la crise sanitaire sont au cœur des campagnes électorales. Si ces questions sont légitimes dans des débats présidentiels ou parlementaires, cela devient plus ennuyeux quand la santé ne fait pas partie des compétences des institutions renouvelées, comme c’est le cas des départements et régions de France. Si les collectivités locales ont été plus ou moins mises à contribution pendant les différentes phases de confinement et de déconfinement, c’est surtout au niveau des aides financières à destination des entreprises. Exceptée l’action sociale pour le département (aide aux publics fragiles), la santé reste un domaine porté essentiellement par l’État.

Cette fois-ci, la situation sanitaire n’aura eu que peu d’incidence concrète sur le déroulé du vote : un report d’une semaine a cependant été décidé afin de maximiser le nombre d’électeurs vaccinés, s’ajoutant au report initial de trois mois en raison des confinements successifs. De plus, c’est la première fois que ces deux scrutins se déroulent de manière simultanée depuis 2004, permettant des économies dans l’organisation voire une concentration de la participation.

Les régions, nouveaux tremplins vers l’Élysée

La loi du 16 janvier 2015 a créé de nouvelles grandes régions, impliquant certaines réunions, tout en étendant encore leur champ de compétences. Si les citoyens se sentaient déjà éloignés de cette strate territoriale, ce n’est pas une réforme prônant la fusion de services de plus en plus lointains géographiquement pour des économies illusoires qui va augmenter l’intérêt des électeurs pour ces monolithes bureaucratiques.

En décembre 2015, à l’issue des dernières élections régionales, sur un total de 16 régions, 6 ont été acquises par Les Républicains (LR), 5 maintenues dans le giron du Parti socialiste (PS), 1 à l’UDI (Union des démocrates indépendants), 2 par des divers gauches et 2 par des régionalistes. Une cuisante défaite pour la gauche qui détenait 26 des 29 anciennes régions, dont 23 pour le PS. 9 régions sur 10 étaient à gauche en 2010, un tiers en 2015. Suivant la logique du front républicain, la gauche disparait même des hémicycles de deux régions : Hauts-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA).

S’il n’a pas réussi à arracher un exécutif régional, le Front national, devenu Rassemblement national, pulvérise ses scores et arrive en tête au 1er tour dans six régions.

Depuis, deux présidents de régions ont quitté LR, deux probables candidats à l’élection présidentielle de mai prochain : Xavier Bertrand dans les Hauts-de-France et Valérie Pécresse en Île-de-France.

Cette année, comme souvent pour les autres années, l’union à gauche s’est faite dans la douleur (Hauts-de-France et PACA)… ou ne s’est pas faite du tout. Les bons résultats des écologistes aux récents scrutins européens et municipaux les poussent à s’autonomiser, alors que La France Insoumise (LFI) y joue sa crédibilité. À droite, les frontières avec LREM d’une part et RN d’autre part sont poreuses, le psychodrame en PACA en est la parfaite illustration : pendant deux semaines les déclarations se sont suivies entre fusion des listes LREM et LR, soutien sans participation, retrait de liste…

Finalement, principale information de ces élections, l’abstention qui explose : 2/3 des électeurs sont restés chez eux, c’est une défaite grave pour la démocratie. Autrement, peu de bouleversements, la situation sanitaire, comme pour les municipales de 2020, a favorisé la stabilité. Après un premier tour dominé par la logique de la prime au sortant (la quasi-totalité des présidents et présidentes de région arrivent en tête), aucune région ne sera dirigée par l’extrême-droite. La quasi-totalité des présidents sortants est ainsi réélue avec parfois de très bons scores (55% en Auvergne-Rhône-Alpes, 57% en PACA, 58% en Occitanie…), avec une bascule de la droite vers la gauche à la Réunion. La gauche totalise donc 8 régions, la droite 7, la République en Marche peut compter sur la Guadeloupe et la Corse reste tenue par des nationalistes.

Dans l’ombre, les départements

Le département a la particularité de s’attirer les foudres des fièvres réformatrices de candidats en mal de propositions sur le mille-feuille administratif : on ne compte plus les fois où ils ont failli disparaître à l’occasion de réorganisation territoriale. En mars 2015, les électeurs inaugurent les conseils départementaux, nouveau nom des conseils cantonaux. Le scénario se répète par rapport aux régionales : la gauche détenait 59 départements contre 41 pour la droite, en 2015 la droite renverse la vapeur en totalisant 64 collectivités contre 27 pour la gauche, le reste se classant au centre.

Si les élections départementales n’ont jamais passionné les foules, la simultanéité du scrutin avec les régionales, de même que la situation sanitaire, étouffe complètement leurs enjeux cette année. Parmi les particularités de ce scrutin, il s’agit des premières élections pour la Collectivité européenne d’Alsace née le 1er janvier dernier et qui regroupe les anciens conseils départementaux du Haut et du Bas-Rhin. De plus, parmi les candidats en Corrèze, on peut retrouver Claude Chirac, la fille de l’ancien président de la République Jacques Chirac, décédé en 2019, dans un canton proche de celui où Bernadette Chirac, sa mère, a longtemps été élue.

La droite part, comme pour les régionales, très divisée pour ce scrutin : dans certains cantons, LR a conclu des alliances avec LREM voire avec le RN notamment en Tarn-et-Garonne ou dans le Vaucluse.

Comme pour les municipales en 2020 et les résultats des régionales le montrent également, le contexte sanitaire a certainement joué dans l’absence de grands bouleversements électoraux, la droite confirme sa grande implantation dans les départements, seuls quelques uns basculent : le Finistère et les Alpes-de-Haute-Provence virent à droite quand les Côtes-d’Armor et la Charente retournent à gauche. Aucun département ne fait le choix LREM, RN ou même des écologistes. Les partis traditionnels retrouvent de la vigueur avant le prochain scrutin en France : l’élection présidentielle de 2022.

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