Une menace pour l’économie européenne
Le plus grand danger, et le plus sous-estimé, se cache en fait dans cette énorme masse d’entités : nous parlons ici des organisations criminelles mafieuses. Dans le passé, celles-ci étaient considérées simplement comme des groupes criminels régionaux, opérant dans le sud de l’Italie, avec tout au plus des succursales dans le nord du pays et dans quelques autres États européens. En réalité, nous avons affaire à de véritables multinationales sui generis, avec un modus operandi précis qui peut se résumer ainsi :
1. elles maintiennent, malgré leur expansion et leur internationalisation, une structure hiérarchique très solide, principalement basée sur les règles d’obéissance, de silence et de discrétion - omertà, en italien ;
2. leurs standards en matière de criminalité sont bien au-dessus de ceux des criminels de droit commun, car ils peuvent saper les fondements du marché libre et de la libre concurrence, dans le secteur privé comme dans la passation des marchés publics. Les organisations mafieuses sont en effet capables de blanchir dans le circuit de l’économie légale une énorme quantité d’argent, acquise grâce à leurs activités illicites (trafic de drogue, d’armes et d’êtres humains, etc.). ‘Ndrangheta à elle seule a des revenus annuels estimés à plus de cinquante-deux milliards d’euros ;
3. les mafias ne s’érigent pas en antagonistes de l’État ; au contraire, elles s’efforcent de l’infiltrer, en recourant à la corruption, à des méthodes coercitives et tout simplement à la violence. De plus, et c’est un autre point fondamental de notre discussion, elles le font par le contrôle d’une part minoritaire de l’électorat, qui est presque toujours décisive.
Cette brève analyse révèle l’existence d’un déficit démocratique, permanent ou potentiel, à la fois au sein des États membres de l’Union et au sein des institutions bruxelloises elles-mêmes. C’est un revers pour l’État de droit, qui déjà, et c’est peut-être le plus grand paradoxe, n’est pas au mieux de sa forme en Europe ! En raison de sa nature particulière, la criminalité organisée mafieuse a une portée particulièrement préjudiciable, constituant une menace réelle, présente et généralisée pour la démocratie européenne. En effet, chaque jour, dans notre maison européenne commune, nous payons le prix de la pénétration des capitaux mafieux dans l’économie, où ils trouvent la porte des paradis fiscaux grande ouverte, y compris au sein de l’UE. Chaque jour, nous abandonnons une partie de notre liberté et de notre autonomie aux mafias, car toute activité économique légale qui blanchit des fonds provenant d’activités illicites réduit à son tour la possibilité pour les citoyens d’exercer leur libre initiative économique.
Les énormes capitaux issus des activités mafieuses ne peuvent jamais devenir des investissements profitables au PIB, puisque leur utilisation vise uniquement au renforcement du pouvoir criminel mafieux, sans impact social positif possible. De telles liquidités perturbent totalement la vie économique normale de la communauté dans laquelle elles entrent, au détriment de tous les autres acteurs, faussant les logiques de marché et privant celui-ci de ces mécanismes naturels typiques d’un système libre et concurrentiel.
Une menace pour la démocratie européenne
La conséquence directe de tout cela, bien que peut-être à plus long terme, est la perte de cohésion sociale et l’effondrement du tissu économique de chaque pays, prélude au recul des espaces démocratiques.
Au cours de cette action d’érosion, ces étapes conduisent les mafias à envahir l’espace politique européen de manière dominante, car elles ne trouvent pas les anticorps nécessaires pour les contrer.
En fait, seuls celles-ci - et l’urgence sanitaire actuelle est là pour le prouver - pourront, si nous n’équipons pas adéquatement nos institutions européennes contre elles, répondre avec proximité et rapidité aux besoins des citoyens et des entreprises dans le besoin. Elles le feront cependant sans la moindre considération pour nos droits, en favorisant ce que nous pourrions appeler la culture du privilège et du favoritisme, au mépris des valeurs qui sous-tendent nos démocraties libérales. La construction d’une puissance démocratique européenne est donc plus essentielle, plus urgente et plus vitale que jamais pour la survie de nos droits sociaux, politiques et civils, à moins que nous ne voulions qu’ils soient vidés de leur substance tout en restant officiellement en vigueur.
La prise de conscience de cette menace commune, issue de racines également communes, est donc de la plus haute importance, car le volet répressif ne sera d’aucune utilité si nous ne sommes pas en mesure de construire une action préventive solidaire, inclusive et transversale contre les mafias. Cela doit commencer par informer correctement les citoyens.
Les mafias ne peuvent qu’occuper une place prépondérante dans la campagne phare des Fédération des Jeunes européens (JEF), Democracy Under Pressure, qui a pour cœur la défense ardente de l’État de droit.
De plus, ce thème nous permet de donner un nouveau sens à la campagne, en explorant l’étendue de son champ d’action : des violations flagrantes nous étendons ainsi notre regard aux violations invisibles et inaperçues et devenons de plus en plus conscients des batailles auxquelles nous devons faire face.
De plus, nous croyons fermement qu’il s’agit d’un enjeu essentiel pour la plate-forme politique et les valeurs fédéralistes, ainsi que pour la construction d’une fédération européenne. C’est pourquoi, nous pensons que la JEF doit se battre pour que cette question soit correctement présentée et débattue dans le cadre de la Conférence sur l’avenir de l’Union européenne.
Nous ne pouvons pas laisser passer cette opportunité. S’il est vrai que l’activiste fédéraliste fait de la contradiction entre les faits et les valeurs une affaire personnelle, il est temps de prendre des positions claires, courageuses et avant-gardistes sur la préservation de la démocratie européenne.
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